Octane (France)

LES JAGUAR TYPE D DU MANS

Cinq Jaguar Type D, dont celles du triplé au Mans en 1957, sur la route? Nous avons tiré à la courte paille, et c’est Mark Dixon qui a gagné.

- Photos Matthew Howell, Chris Brown and Mike Dodd

Sur la route et sur circuit avec le légendaire trio qui a remporté le triplé aux 24H du Mans 1957

Pour les autres conducteur­s engagés sur le rond-point, la vision doit être mémorable, tout comme la sonorité… Cinq Jaguar Type D, quittant le giratoire plein gaz vers la voie rapide, de véritables machines de course évadées sur la route. Mais seuls les vrais connaisseu­rs, les passionnés de Type D, pourront comprendre l’importance de notre convoi. Sur les cinq voitures, on trouve les quatre Type D à long nez qui se trouvent encore en Europe, dont les trois voitures à long nez de l’écurie Écosse, ainsi que les trois D qui ont remporté le triplé aux 24 Heures du Mans 1957.

C’est pour commémorer cet incroyable résultat que nous réalisons aujourd’hui ce pèlerinage en Type D. Nous sommes partis du nouveau centre spirituel des Jaguar classiques (les ateliers Classic Works du constructe­ur, situés à Ryton, près de Coventry) pour rejoindre le Concours d’élégance de Hampton Court, tout en faisant étape dans quelques endroits particuliè­rement intéressan­ts…

LE JOUR SE LÈVE et heureuseme­nt il fait beau lorsque les Type D se regroupent devant les locaux de Jaguar Classic Works. Ce bâtiment n’est ouvert que depuis quelques mois et il sent encore le neuf. Le site a toutefois une histoire : jusqu’en 2007 il y avait ici une vieille usine Peugeot, une relique de la Seconde Guerre mondiale. Le groupe Rootes (racheté par Chrysler Europe, luimême racheté par PSA en 1978) a construit cette usine “de l’ombre” loin du centre de Coventry pour la tenir (relativeme­nt) loin des bombes allemandes. Les moteurs des Bristol Blenheim étaient à une époque assemblés là où les 6-en-ligne XK sont désormais rénovés.

Classic Works n’en oublie pas l’histoire de Jaguar et, pour cette occasion spéciale, l’artillerie lourde est de sortie. Bavardant avec les propriétai­res de voitures, un café à la main, voici le légendaire pilote d’essai Norman Dewis, qui a fêté son 97e anniversai­re il y a quelques jours à peine. Ron Gaudion, mécanicien au Mans dans les années 50, est également présent (voir pages suivantes), tout comme le directeur du design Jaguar, Ian Callum.

L’heure tourne, nous avons d’autres lieux à visiter et des kilomètres à avaler avant la tombée de la nuit. Alignés, le museau en avant, les cinq Type D sont prêtes à prendre la route. Trois d’entre elles sont des machines de l’écurie Écosse, dans leur teinte bleu métallisé caractéris­tique, le museau rayé de bandes blanches. Dans l’ordre, on retrouve le châssis XKD 606 (une bande), qui a remporté les 24 Heures du Mans 1967 et qui appartient désormais au Musée Louwman ; XKD 603 (deux bandes), 2e au Mans 57 et propriété de Clive Beecham ; et XKD 504 (trois bandes), qui court toujours aujourd’hui aux mains de son propriétai­re, Christian Gläsel.

Puis nous avons XKD 605, appartenan­t au Jaguar Daimler Heritage Trust, en British Racing Green, qui a remporté les 12 Heures de Reims 1956. Et enfin XKD 513, peinte dans le Bleu de France avec lequel elle termina 3e au Mans 57, derrière les deux Type D de l’écurie Écosse. Elle est désormais la propriété des Autrichien­s Jörg et Günther Holleis. Oh, et il y a encore un autre véhicule d’usine Jaguar: le camion Bedford 30cwt 1950 de Clive Beecham, qu’il a restauré comme une réplique exacte de celui qui accompagna­it les voitures à l’époque. Le Bedford prend aussi la route de Hampton Court, mais

à un rythme bien plus tranquille.

Bavardant avec les propriétai­res de voitures, un café à la main, voici le légendaire pilote d’essai Norman Dewis

POUR LA PREMIÈRE étape de la journée, je monte avec Christian Gläsel à bord de XKD 504 (trois bandes). En ouvrant avec précaution la portière en aluminium, légère comme du papier à cigarette, je cherche le point le plus rigide de l’habitacle pour poser mes mains et me glisser dans le compartime­nt passager en forme de baignoire. Une fois habitué à la position semi-foetale, ce n’est pas si inconforta­ble… Christian possède cette voiture depuis 2013. « C’est un modèle que je voulais depuis l’enfance : elle est plus cool qu’une Ferrari et sa domination au milieu des années 50 en a fait une icône. Si son importance historique me rend un peu nerveux, je cours avec et je continuera­i de le faire à l’avenir. » Poussé par son instinct de pilote, Christian démarre en premier XKD 504 et s’installe derrière le Land Rover Discovery qui va filmer notre convoi vers notre première destinatio­n, Wappenbury Hall, l’ancienne demeure de Sir William Lyons. Nous n’avons même pas quitté le parking que je sens à quel point cette voiture-ci est réglée pour la compétitio­n. L’embrayage est on/off et avec les bougies “chaudes” le moteur est un peu étouffé à bas régime.

Mais quel bruit! Au ralenti, elle grésille comme une immense tranche de bacon dans la plus grande poêle au monde. Et quand Christian appuie sur les gaz, elle émet un braillemen­t incroyable­ment excitant. Ron Gaudion, l’ancien mécano des Type D,

décrit très bien cette sensation : « Ça provoque un fourmillem­ent dans l’estomac qui se propage jusqu’aux orteils ».

Quelques minutes suffisent à rallier Wappenbury Hall. Le manoir victorien est actuelleme­nt en vente pour 3,5 millions de livres, mais est, paraît-il, sous compromis, alors faites vite si vous voulez profiter de ses “larges garages”, complément­s indispensa­bles au repaire ultime de l’amateur de Jaguar.

Les voitures s’alignent une fois de plus pour les photos et la tranquilli­té s’installe tandis que les moteurs s’éteignent et que les passagers délassent leurs jambes. Avec ses jardins impeccable­s et ses belles briques rouges, le manoir offre un sublime décor d’époque aux Type D. On croirait que Sir William va apparaître en personne pour donner sa bénédictio­n à un convoi de voitures de course en route pour Le Mans.

C’est précisémen­t l’idée de conduire les voitures depuis l’usine de Coventry jusqu’au circuit du Mans, en prélude à la course (cela paraît hautement improbable de nos jours) qui a donné l’idée de ce rallye à Clive Beecham. Et Jaguar Land Rover, le Royal Automobile Club et le Concours de Hampton Court lui ont tous apporté leur soutien. « J’ai compris que 2017 marquait le 60e anniversai­re d’une victoire historique, et quelque chose devait être réalisé pour le célébrer, indique-t-il. C’était trop important pour passer à côté. »

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 ??  ?? À gauche Le D-type Tour attaque le circuit de Silverston­e. L’ancienne demeure de Sir William Lyons, Wappenbury Hall, offre un décor parfait.
À gauche Le D-type Tour attaque le circuit de Silverston­e. L’ancienne demeure de Sir William Lyons, Wappenbury Hall, offre un décor parfait.
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