Limousine de tous les jours
UN BEAU JOUR de printemps, alors que nous voguions tranquillement dans les rues de Luxembourg au son du V8 de la Rover P6b, ma compagne me dit nonchalamment que nous aurions l’air moins bêtes avec le même véhicule que celui qui nous dépassait à cet instant, escorté par quatre motards et garni de deux jolis drapeaux luxembourgeois : la Daimler Grand-ducale.
Ce véhicule, je le connais depuis toujours. En service depuis 1992, il s’agit de la seconde Daimler propriété de la famille Grand-ducale. Nous l’appelions
“la Queue-de-pie roulante”, son arrière en forme de longue traîne, typique des limousines d’apparat anglaises, rappelant cet élégant habit de cérémonie avec grâce. Je me suis rendu compte que c’était pour ainsi dire la seule “limousine” créée à l’origine à cet effet, ne s’agissant pas d’une berline découpée et rallongée par quelque obscur carrossier de l’est londonien ou du plus profond Sussex. Considérée par beaucoup comme la dernière vraie limousine d’apparat, elle est surtout particulièrement sujette à la rouille et ne vaut plus grand-chose de nos jours. C’est là que l’histoire devient intéressante. Affublée d’une mécanique de Jaguar 420G et du châssis de cette dernière, la DS420 est tout sauf un veau malgré ses presque six mètres et se conduit bien mieux qu’une Rolls-royce Phantom, par exemple.
Ce n’est donc pas complètement par hasard qu’une DS420 a atterri dans la flotte de ma société, Langlais&langlais, en 2015, dans le but de récupérer les clients à l’aéroport ou à la Gare Centrale. Lors d’un mariage effectué avec la Daimler, le sympathique officier en charge de la DS420 Grand-ducale m’apprit comment garer le véhicule afin de ne pas réaliser de manoeuvres inutiles en quittant les lieux (cela serait déplacé). Il est par ailleurs tout à fait possible de mener ce vaisseau assez rapidement, au grand étonnement de ceux qui le suivent lors des rallyes. C’est d’ailleurs Madame
qui maîtrise le mieux les dérapages contrôlés, avec pose de roue arrière dans la boue en finale.
Trois ans de bons et loyaux services auront malheureusement suffi à mettre en lumière une corrosion importante au niveau des planchers et des bas de caisse, mais également de la carrosserie. La réparation de ces pièces de carrosserie est désormais effectuée de main de maître par le toujours fidèle département carrosserie du Garage La Macchina, à Luxembourg, mais il va falloir se décider ou non pour une réfection plus poussée de “Black Beast”, le budget nécessaire dépassant comme bien souvent la valeur du véhicule.
La carrosserie est bien attaquée, et les heures nécessaires à une reconstruction dans les règles de l’art en valent-elles la chandelle (sans aucune volonté de mauvais jeu de mots de ma part) ?
Il s’agit d’un véhicule que je considère comme extrêmement pratique, selon des critères qui me sont bien évidemment propres et que probablement peu de gens partageront avec moi, époque oblige. Courses au supermarché, transport des clients en toute discrétion (ou presque), escapades et pique-niques bien garnis, Bal de la Croix Rouge, virée au Mans Classic avec option chambre d’hôtel intégrée, il s’agit d’un véhicule étonnamment bien conçu et apte aussi bien aux voyages au long cours, tachymètre rivé à 130 km/h sur autoroute, qu’aux petits déplacements quotidiens.
Le tout dans un confort extraordinaire doublé d’une fiabilité exceptionnelle, aucune panne n’ayant été à signaler en presque quatre ans de service intensif. Pour toutes ces raisons ainsi que du fait de la rareté de cette auto, j’hésite quant à la finition à donner à la restauration que nous sommes en train d’effectuer. Ceux qui sont montés à son bord me conseillent de bien faire les choses…
Je ne compte pas les décevoir.
AFFUBLÉE D’UNE MÉCANIQUE ET DU CHÂSSIS DE LA JAGUAR 420G, LA DS420 EST TOUT SAUF UN VEAU MALGRÉ SES 6 M DE LONG