Octane (France)

Matthieu Lamoure, Erik Comas & Paul Bracq

Le spécialist­e

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Le Rock’n’roll est là et tant que le Rock’n’roll sera là, je serai là ! » Voilà ce que Johnny Hallyday avait scandé à la fin du concert-anniversai­re de ses 50 ans, au Parc des Princes. Pas d’inquiétude à se faire donc : oui, il sera toujours là. L’homme, le frère pour certains, le père pour d’autres, l’ami pour la plupart, nous a quittés un jour de décembre mais sa voix restera gravée à jamais dans notre tête grâce à cette discograph­ie record de 60 ans de carrière exceptionn­elle. Mais ces quelques lignes qui nous réunissent, je les écris dans votre magazine automobile préféré. Alors, je ne vais pas reparler de celui qu’il était, tout cela a été déjà lu; je voudrais rendre hommage à l’amoureux de voitures que fut Johnny Hallyday tout au long de sa vie. Avec Johnny, vous pouviez parler d’automobile­s pendant des heures. Il était intarissab­le sur le sujet et vous déceliez tout au long de la conversati­on son envie permanente du bolide qu’il n’avait pas encore eu ! Avec ce regard amusé, presque adolescent, il m’avait confié: « Si je n’avais pas été chanteur, j’aurais été pilote ».

Sans avoir été pilote profession­nel, Johnny savait mener les bolides jusqu’à leurs limites, parfois les plus extrêmes. En 1967, on se souvient de sa Lamborghin­i Miura qui termina sa course à 180 km/h dans un arbre, ou de sa sortie de route en Cobra 427 qui glissa sur le bitume devant la Maison de la Radio pour se retrouver plantée dans une voiture stationnée. Mais, malgré ces mésaventur­es, desquelles il est toujours sorti indemne, et j’en passe, Ford France lui confie le volant d’une Mustang 390GT pour la saison 1967. Le 1er janvier, Johnny prend le départ du Rallye Monte-carlo avec comme coéquipier, Henri Chemin, pilote et responsabl­e de la communicat­ion de la marque américaine. La course se passe très bien et le chanteur caracole dans le peloton de tête jusqu’à l’éclatement de deux pneus qui le disqualifi­era de la course.

Ford est toujours restée une marque chère à son coeur puisqu’il roulera en 2007 au volant d’une autre Mustang et d’une Ford GT bleue à double bande blanche. Lors de mon séjour à Los Angeles l’année dernière, avec mon ami Mathieu César, sans qui je n’aurais pu rencontrer cet homme, nous parlions ensemble des dernières supercars. Je lui apprends alors la sortie de la future Ford GT et lui montre des photos sur mon téléphone. Il la regarde, silencieux, avec ses yeux pleins d’admiration, et me dit : « Je la veux Matthieu, tu peux m’en trouver une? Je l’achète et on fait les 24 Heures du Mans

JOHNNY SAVAIT MENER LES BOLIDES JUSQU’À LEURS LIMITES, PARFOIS LES PLUS EXTRÊMES

ensemble ! J’ai toujours voulu courir les 24 Heures ». J’allais évidemment tout faire pour rafler un bon de commande tout en m’étonnant que Ford ne lui en ait pas réservé un d’office! J’appelle alors un copain chez Ford France, qui me renvoie vers la direction. Rien à faire, la commercial­isation se fait sur Internet et toutes les voitures sont déjà prévendues… Je passe par toutes les voies possibles jusqu’à parler à la direction, à Detroit. Non, rien, impossible. Je devais me résoudre à répondre à Johnny que finalement, il faudrait attendre qu’un bon de commande soit revendu par un spéculateu­r !

Il me répond alors : « Tu as fait tout ce que tu pouvais, merci! Eh bien, leur Ford GT, elle est belle mais ils peuvent se la garder, on roulera en Lamborghin­i alors! » Il assouvira ainsi sa soif de sportivité avec une Aventador SV Roadster, qui fut la dernière sportive à lui offrir des sensations fortes.

À la fin d’une soirée tardive, Johnny s’assied derrière le volant de sa Rolls-royce Phantom Cabriolet portant la couleur de ses yeux et m’appelle: « Dis-moi Matthieu, que fais-tu demain? ». Mon programme m’emmenait à visiter la collection exceptionn­elle d’un client à Beverly Hills. Il m’écoute, me regarde silencieux de ses yeux si touchants. Je lui propose alors de m’accompagne­r. Le lendemain, après un peu de shopping et un hamburger du côté de Venice, nous nous retrouvons donc à admirer Ferrari 250 California, 250 SWB, Bizzarini Strada, Miura, 275 GTB, Cobra et d’autres trésors. Johnny est heureux comme un enfant dans un magasin de jouets, moi encore plus! Il vient vers moi et s’amuse de regretter avoir soit vendu, soit cassé tous ces mêmes modèles qu’il avait possédés. Le collection­neur me fait alors remarquer que cette Cobra, en face de nous, appartenai­t à un chanteur qui serait très célèbre en France… Un certain Hallyday. Éclats de rire… « Hallyday ? ! Johnny Hallyday, il est en face de vous ! » En arrivant, Johnny s’était humblement présenté en ne mentionnan­t que son prénom !

Lors du dernier Salon Rétromobil­e, ce collection­neur américain est venu me rendre visite sur notre stand. Sur un ton plein de fougue, il me confia alors qu’il n’avait compris qu’après la visite, en visionnant les vidéos de ses concerts, qu’il avait en fait reçu l’elvis Presley français dans ses murs! Il s’écria: « What a man, what a voice, what a star ! ». Une Étoile ne meurt jamais. Bonne route là-haut Johnny, les excès de vitesse y sont permis…

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