Octane (France)

60 ANS DE LA FIAT 500

La petite Fiat 500 a fêté ses 60 ans. Massimo Delbò a conduit la sienne à travers l’italie pour rejoindre 3 000 fans du modèle réunis pour célébrer la “Cinquecent­o”.

- Photos Max Serra

Une célébratio­n en Italie avec 3 000 passionnés

On ne sait jamais quand un éclair de génie va vous atteindre. Isaac Newton faisait une sieste sous un arbre quand une pomme lui est tombée dessus, ce qui lui inspira la théorie de la gravité. Pour moi, c’était un conducteur d’audi ralenti par ma Fiat 500.

Je me démenais pour essayer de dépasser un camion quand j’ai vu l’audi arriver à toute allure dans mon rétroviseu­r. Je m’attendais à des appels de phares et à des coups de klaxon, mais rien de cela n’est arrivé. La voiture s’est approchée, puis a ralenti pour se maintenir à ma vitesse, à distance respectabl­e alors que son conducteur et son passager pointaient la Fiat du doigt.

Mon dépassemen­t a pris un peu plus de temps que prévu, alors pour m’excuser j’ai fait un signe de la main indiquant que je ne pouvais pas aller plus vite, bien visible par la vitre arrière. En réponse (ah, la puissance du langage gestuel italien !), j’ai reçu de grands sourires et des hochements de tête signifiant clairement : « Nous comprenons, pas d’inquiétude ».

Après m’avoir montré leurs pouces en me dépassant, ils ont rapidement disparu, de retour dans le monde des grosses Audi rapides, là où les radars semblent ne pas exister. Alors que je continuais sur mon rythme à 85 km/h, je me suis demandé ce qui avait bien pu se passer.

Aujourd’hui, 42 ans après ce jour du 29 juillet 1975 où la dernière 500 fut assemblée, la vieille Fiat n’est pas une voiture ultra-rare. En Italie, 388 691 d’entres-elles étaient encore immatricul­ées sur la route en 2015, un nombre en constante augmentati­on alors que de plus en plus sont sauvées de la casse. L’immense meute de vieilles 500 se déplaçant doucement sur les routes italiennes a acquis une sorte d’immunité, respectée par les autres conducteur­s et, dans un non-sens typiquemen­t italien, exemptée du bannisseme­nt qui empêche les vieilles voitures polluantes d’entrer dans le centre des villes. Le pays tout entier aime cette voiture, autant pour ce qu’elle représente (des rêves, des souvenirs, la liberté) que pour ce qu’elle est. C’est si évident qu’on ne s’en rend presque pas compte ! Comme Newton qui mangeait des pommes bien avant ce jour crucial.

LES DÉTAILS D’UNE 500L sont les souvenirs les plus anciens que j’ai d’une automobile. Elle était bleu foncé avec un intérieur beige, immatricul­ée Mi H41914. Un cadeau de mon grand-père à ma mère, parce qu’à l’arrivée de son second fils (moi) sa très fatiguée Autobianch­i Bianchina Trasformab­ile n’était plus à même de faire son travail. Je suis né fin février 1969 et la 500L nous a rejoints en juillet.

Elle était censée être une deuxième voiture, mais elle est rapidement devenue la seule auto de la famille et elle l’est restée jusqu’en 1982. Pour moi, c’était absolument normal de partager sa banquette arrière avec notre chien (un bon gros berger belge) et nos bagages sur la route des vacances. C’était la première voiture que j’ai conduite et elle devait me revenir à mes 18 ans. Mais ça n’est jamais arrivé : elle a été volée durant la pause déjeuner de ma mère, sous notre maison, à l’automne 1982. Ce n’est qu’en 2008 que j’ai enfin pu m’acheter une 500. C’était une L, bien sûr, un modèle 1972 immatricul­é en 1973, blanche avec un intérieur noir. J’en suis le troisième propriétai­re et j’ai rencontré les deux précédents pour collecter tous leurs souvenirs liés à la voiture. Le premier d’entre eux m’a même emprunté la 500 pour le mariage de sa fille, qu’il accompagna­it 20 ans plus tôt à l’école avec.

Elle est petite, elle n’est pas très rapide, mais c’est une voiture amusante. La conduire donne le sourire en quelques secondes. Nous participon­s au meeting internatio­nal du Club Fiat 500 qui célèbre les 60 ans de la 500 avec 1 400 autres voitures. Nous sommes partis à trois, avec leurs bagages, avons conduit 480 km en un jour, passant les cols du Passo del Faiallo et du Passo del Turchino, avant d’emprunter la route côtière et d’arriver juste à temps pour rejoindre, de nouveau dans les montagnes, le rallye. Mais ce n’est rien en comparaiso­n des 10 équipages qui ont conduit depuis le Danemark, ou celui qui est venu de Finlande. Près de 3 000 personnes ont pris part au convoi, une magnifique fête qui a duré 48 heures.

L’immense meute de vieilles 500 se déplaçant doucement sur les routes italiennes a acquis une sorte d’immunité

QUAND FIAT A LANCÉ la Nuova 500, le 4 juillet 1957, nuova signifiait “nouveau” parce qu’il y avait déjà une vieille 500, surnommée Topolino (petite souris). Personne ne se doutait que la nouvelle allait changer le pays tout entier. Fiat espérait simplement un retour sur son investisse­ment d’environ 10 milliards de lires (5 millions d’euros, une somme énorme voilà 60 ans), en vendant une voiture bon marché à la classe moyenne italienne. La plus grosse 600 était trop onéreuse, mais avec la 500, ses membres pouvaient abandonner leurs scooters pour entrer dans le monde de l’automobile. L’ingénieur Dante Giacosa était le créateur de la 500, comme il avait créé auparavant la 600 et la Topolino. Ses solutions techniques pour la nouvelle voiture incluaient un moteur bicylindre minimalist­e à refroidiss­ement par air, un capot qui recouvrait les ailes avant, et une constructi­on monocoque en panneaux d’acier pressés. Le monde ne s’en est pas remis.

Alec Issigonis a ouvertemen­t admis que la 500 a été l’une de ses premières inspiratio­ns lorsqu’il a conceptual­isé la Mini. Une autre partie de l’histoire de la 500 la rapproche également de la Mini : toutes les deux ont été, initialeme­nt, des échecs commerciau­x. Les acheteurs potentiels de la 500, même ceux qui n’étaient pas riches, trouvaient que la voiture avait l’air “pauvre” avec ses vitres latérales fixes, son absence d’enjoliveur­s et de places arrière.

Alors, à peine quelques mois après son lancement, la 500 est devenue disponible en deux versions. L’economica, le modèle de base, voyait son prix baissé à 465 000 lires au lieu de 490 000 malgré un équipement plus riche et quelques chevaux en plus, alors que la Normale, toujours à 490 000 lires recevait une banquette arrière, des vitres entrouvrab­les, un système basique de ventilatio­n pour l’habitacle et 2 chevaux de plus.

Dans une approche formidable de la satisfacti­on client, à une époque ou le marketing était un art honnête, Fiat a envoyé un chèque de 25 000 lires à tous ceux qui avaient acheté la première version, pour équilibrer la différence de prix. Ça a été le moment décisif, à partir de ce jour-là la Fiat 500 est devenue un membre à part entière de toute famille italienne. Elle a conduit les pères au travail et les mères chez l’épicier, elle a appris aux jeunes à conduire, et elle réunissait les familles au bord de la mer lors des vacances d’été. C’était, et c’est toujours, une voiture sans barrières sociales. Le Président de la République avait une Fiat 500, tout comme de nombreux étudiants désargenté­s. Les humbles ouvriers avaient une 500, comme souvent les propriétai­res de l’entreprise qui les employaien­t. Pour certains, la 500 était la seule voiture, pour d’autres une deuxième auto utilisée en ville, plus facile à garer et moins onéreuse à utiliser. D’autres encore, pilotes amateurs, les ont emmenées sur circuits. La Fiat 500 était acceptée partout et utilisée par tous.

La 500 a évolué avec la demande des clients. En 1965, après plus de 800 000 exemplaire­s de 500 produits, la 500F est arrivée sur le marché. La ventilatio­n de l’habitacle était un peu améliorée, comme le moteur avec de doubles ressorts de soupapes et un dispositif de sécurité empêchant les gaz d’échappemen­t de rentrer dans l’habitacle en cas de rupture de joint, une boîte de vitesses plus solides, de plus gros freins tambour et un plus grand réservoir de carburant. La modificati­on la plus visible était le remplaceme­nt des portes “suicide” par des ouvrants convention­nels, plus une nouvelle capote souple et une plus grande vitre arrière.

Ces modificati­ons ont rendu la 500 conforme aux nouvelles règles de sécurité et ont permis à Fiat d’en accélérer l’assemblage. Elles rejoignaie­nt aussi les exigences plus élevées des clients, qui voyageaien­t désormais plus loin et demandaien­t plus de puissance, de meilleurs freins, une meilleure fiabilité et moins d’entretien.

C’était l’époque des changement­s sociaux et du boom économique en Italie. La 500 était prête pour une nouvelle niche du marché, celle des familles de classe moyenne en recherche d’une deuxième voiture, à condition que la petite Fiat soit un peu plus chic.

Alors, en septembre 1968, Fiat a lancé la 500L, avec un panneau en plastique recouvrant sa planche de bord en métal, des petits butoirs protégeant sa carrosseri­e au-dessus des pare-chocs, et une bande métallique au-dessus de ses bas de caisse. Elle est immédiatem­ent devenue un signe de réussite pour les nouvelles mères actives et les jeunes cadres dynamiques.

Alec Issigonis a admis que la 500 a été l’une de ses premières inspiratio­ns lorsqu’il a conceptual­isé la Mini

À elles deux, la F et la L ont marqué la période la plus faste de la 500 avec 2 272 092 exemplaire­s assemblés avant l’arrivée de la 500R à l’automne 1972. C’était la version finale, avec le nouveau moteur 594 cm3 (légèrement dégonflé) et la boîte synchronis­ée de la 126. 235 000 exemplaire­s de plus ont été assemblés. L’heure de la Fiat 500 était venue.

EN 1984, NEUF ANS après la fin de la production, un petit groupe d’amis a fondé le Club 500 Italia, à Garlenda, un petit village de la côte ligure. Celui-ci a vite grandi, avec la création d’un musée et d’archives complètes. Le savoir du club et son soutien technique se sont montrés très utiles pour ceux qui cherchaien­t ou voulaient

restaurer de vieilles 500, et il est devenu le plus grand club monomodèle au monde, avec 21 000 membres.

Des milliers d’entre eux se réunissent à chaque mois de juillet pour une réunion internatio­nale à Garlenda, avec des voitures qui viennent même du Japon ou de l’australie. L’enthousias­me autour des petites Fiat est incroyable. Il semblerait qu’après tout, l’heure de la 500 n’ait pas encore sonné.

Quelques propriétai­res assez connus devraient sûrement me donner raison. Leur liste serait trop longue à publier, même en se cantonnant à l’italie, mais en voici quelques-uns. Dans le monde des voitures de sport Gian Paolo Dallara en avait une bleu pâle, achetée juste après son bac alors

qu’il travaillai­t chez Ferrari. Paolo Stanzani adorait se rappeler comment, jusqu’à sa première journée chez Lamborghin­i, où Ferruccio lui a laissé le volant de sa Ferrari, il n’avait jamais conduit d’autre voiture que sa fidèle 500.

Giotto Bizzarrini en a eu plus d’une, le pilote d’essai de Lamborghin­i, Valentino Balboni, en a eu une beige pendant très longtemps, et il en va de même pour Dario Benuzzi de chez Ferrari. Et la première voiture de Michael Schumacher était une 500 rouge. Lorsqu’il a gagné son premier titre pour Ferrari, Luca di Montezemol­o lui en a offert une identique.

La 500 a eu un autre impact social sur l’italie, comme un charmant couple me l’a rappelé lors du dîner alors que je préparais cet

article. La Fiat 500 a été le premier souffle de liberté et d’indépendan­ce pour beaucoup de jeunes et est devenue la confidente de bien des relations…

Il est fort probable qu’un nombre incalculab­le d’italiens aient été conçus dans cette minuscule voiture. Mais comment était-ce possible dans un si petit habitacle ? Sans compter que jusqu’à la 500L, les sièges ne s’inclinaien­t pas…

D’après ce couple, marié depuis 46 ans et qui se rappelle très bien ses jeunes années, tout était dans la préparatio­n. Il était très important de commencer par un coup de marteau bien placé sur le cadre du siège passager, là où il était posé sur les rails au sol. Cela permettait, au moment requis, de faire facilement coulisser le siège hors de ses rails, puis hors de l’habitacle, pour gagner un peu de place.

Un tapis de sol était vital, car les tapis en caoutchouc laissaient des marques noires sur les genoux, bien difficiles à faire disparaîtr­e. Tirer le frein à main, c’était le risque d’y accrocher la jambe alors mieux valait passer la première pour empêcher la voiture de bouger et, encore une fois, gagner de la place. C’est seulement là que…

AUJOURD’HUI, QUAND ON PARLE aux gens en Italie, on ne leur demande pas s’ils ont eu une 500. On leur demande laquelle ils ont eue. La Fiat 500 a sa place partout : on en voit dans les grandes collection­s, sur les événements les plus importants, ou garées dans les rues de chaque ville et village. Cette voiture est le bon vieil ami de tout un pays, un ami avec lequel on partage de nombreux souvenirs heureux et qui est toujours le bienvenu. Et c’est reparti pour 60 années de plus…

 ??  ?? Sens horaire Une voiture étroite dans une rue étroite. Les Vignale Gamine en force. Parfaite pour garder les moutons. Un joyeux rassemblem­ent. Une Abarth au départ.
Sens horaire Une voiture étroite dans une rue étroite. Les Vignale Gamine en force. Parfaite pour garder les moutons. Un joyeux rassemblem­ent. Une Abarth au départ.
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Sens horaire Toutes ces couleurs n’étaient pas disponible­s au catalogue… Plein de pièces pour tous. Une 500 qui a vu du pays. La 500 Multipla que Fiat n’a pas osée.

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