Octane (France)

LE MOTEUR, REMUANT COMME UN MALADE DE LA MALARIA, S’EST PRATIQUEME­NT DÉGAGÉ DE SES SILENTBLOC­S

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Notre douzaine de pionnières comprend des voitures soviétique­s comme des Volga et un 4x4 GAZ militaire, et quelques étonnantes incursions capitalist­es comme une Jeep de la Seconde Guerre mondiale ou une immense Cadillac des années 70. Alex Tsalkalama­nidze, un restaurate­ur de Tbilisi, a prêté sa Mercedes 280 SLC de 1980 à Zoë, l’organisatr­ice du rallye, accompagné­e de son père Colin, alors que lui-même a engagé sa Mercedes 380 de 1978. « Je voulais avoir les meilleures Mercedes de Géorgie, alors j’ai envoyé la 380 en Allemagne où chaque pièce de rechange est d’origine Mercedes » explique Alex. L’influence allemande est également représenté­e par un Tourer Opel d’avant-guerre (peut-être un bricolage maison, à en juger à son pare-brise) et une berline Opel argentée – à moins que ce soit une copie Moskvitch ? Notre GAZ-21 Volga, surnommée “Roubles” a déjà des problèmes d’allumage au moment de se placer sur la ligne de départ (nous sommes seconds) et, avec 5 jours à survivre, l’énormité de la tâche commence à apparaître. À l’arrière, notre passager Greg, aux faux airs de Woody Allen, se penche en avant : « Hé les gars, je viens de voir une mouche s’écraser sur le pare-brise, se relever et repartir ».

À la station-service, j’ajoute 3 litres d’huile moteur, 1,4 bar d’air dans le pneu arrière gauche, 5 litres d’eau dans le radiateur et je remplis le réservoir bien que la jauge indique qu’il soit plein – ce qui nécessite 34 litres d’essence.

Le premier jour est relativeme­nt facile, avec 150 km à parcourir vers Kvareli, à l’est. Ce n’est pas loin en termes de rallye, mais suffisamme­nt pour nous emmener à 20 km de la frontière russe. Le déjeuner nous permet de découvrir l’un des secrets les mieux gardés de Géorgie, le domaine Tsinandali d’alexander Chavchavad­ze. Fabuleux à tous les égards, il est reconnu comme le centre de la culture géorgienne, avec son musée et ses stupéfiant­s jardins paysagers, et il est fier d’être le premier domaine viticole du pays à mettre son propre vin en bouteilles.

Pour l’anecdote, la Géorgie se vante d’être le premier producteur de vin au monde, avec une histoire qui remonte à plus de 8 000 ans. Et ici, sur les versants protégés de la Transcauca­sie, sont produits les meilleurs vins du pays. C’est un crèvecoeur que de partir. Alors que le soleil disparaît derrière l’horizon, le rallye arrive au luxueux hôtel Kvareli Eden Spa et les souvenirs des peu serviables voitures russes s’évanouisse­nt rapidement.

Deuxième jour, et après avoir ajouté plus d’eau, d’air et d’essence, Roubles revient

à la vie. Mais tout ne va pas bien. Le moteur, remuant comme un homme souffrant de malaria, s’est pratiqueme­nt dégagé de ses silentbloc­s. 5 minutes plus tard, après avoir remplacé un écrou et resserré l’autre, nous rejoignons la meute. Prochain arrêt, Sighnaghi, pour un verre sur la place de la ville, surplomban­t la vallée d’alazani (pensez au Comté de Napa en Californie). Après déjeuner et avec les monts enneigés du Caucase disparaiss­ant dans le rétroviseu­r, nous retournons heureux à Tbilissi. La rivière Kira coupe Tbilissi en deux parties, l’une ancienne, l’autre moderne. La capitale héberge 1,5 million de personnes, soit la moitié de la population de la Géorgie. Des graffitis délavés, et d’autres moins délavés, racontent son histoire. La Russie, toujours la Russie, mais aussi le Moyen-orient, l’amérique

Sens antihorair­e à partir d’en haut à gauche

Les Lada sont encore nombreuses et très pratiques. Le soleil se lève sur une Volga plus récente que la nôtre. Un guide montre le village et le monastère troglodyte de Vardzia à Jonathan Turner, James Blackhall et Zoë Whittaker. Firuza et le Palais Bleu de Borjomi. Une Jeep américaine. et plus récemment l’union Européenne, la nouvelle génération imaginant un futur calqué sur celui des démocratie­s occidental­es. Notre hôtel porte le nom basique de Rooms [Chambres], mais cette ancienne imprimerie soviétique est tout sauf utilitaire. C’est un établissem­ent de première classe, très tendance et au très bon rapport qualité/prix.

3e jour et Roubles est en bonne forme, démarrant du premier coup, tournant au moins sur trois cylindres et demi et, pour la première fois, nous ne sommes pas les derniers à partir. Notre destinatio­n ? Vardzia, dans un coin de l’ouest de Tbilissi plongé dans l’histoire religieuse. Son spectacula­ire village troglodyte­s du XIIE siècle, son église et son monastère sont creusés sur un versant du Mont Erusheti et ses 600 grottes comprennen­t l’église de la Dormition qui avec ses fresques, peintures et sculptures, récompense amplement la grimpette.

Une telle expédition demande du temps et c’est avec surprise que nous apprenons que Roubles a parcouru 250 km à la tombée de la nuit. Mais cette fois, nous sommes arrivés au bout de la Géorgie, la Turquie n’est plus qu’à 10 minutes à dos d’âne, alors nous faisons demi-tour pour être prêts à repartir plein nord le lendemain et succombons au confort du Vardzia Resort Hotel. La Géorgie est pleine de surprises. Le 4e jour nous en apporte une autre : le Parc National de Borjomi-kharagauli de 85 000 hectares et la réserve naturelle adjacente de Borjomi. Mais alors que la bruine se transforme en pluie plus soutenue, nous ne nous arrêtons pas pour admirer la vue, mais pour réparer la commande d’accélérate­ur de Roubles. Au déjeuner, un changement de bougie corrige les ratés et une potion magique versée dans le radiateur cure les fuites. Notre GAZ-21 Volga tourne maintenant aussi bien que le jour où elle a quitté l’usine de Gorky. La dernière nuit sur la route avant de rejoindre l’arrivée à Tbilissi est passée dans la ville thermale de Borjomi. Ici, profitant du contraste, nous observons Firuza depuis l’ultramoder­ne hôtel Crowne Plaza et le Palais Bleu avec son parc d’eau minérale, bâti en 1892. Ici, il faut bien avouer que je préfère boire, modérément, un peu de vin plutôt que de l’eau !

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