L’ÉCOSSE EN ASTON MARTIN DB6
La mission est simple, vérifier sur une période de trois jours la restauration mécanique complète d’une DB6 avant sa livraison autour d’une partie de chasse avec des amis en Écosse.
Après une traversée de la mer du Nord en ferry, plaisir suranné mais tellement plus agréable qu’un vol low-cost, je récupère la voiture chez Aston Workshop, au sud de Newcastle le jeudi matin. La DB6 est une de ces voitures qu’il faut voir en vrai pour en apprécier la subtilité des lignes. Affichant un dessin similaire aux précédentes DB4 et 5, elle apparaît néanmoins plus “assise” avec son arrière fastback et sa poupe verticale tronquée type “Kammtail” à la façon des 250 GTO et autres Cobra Daytona.
C’est une GT qui invite au voyage rapide et confortable sur de longues distances, grâce à un six cylindres double arbre nanti de trois Weber en version Vantage. Ce road trip va me permettre de vérifier si tel est toujours le cas, plus de 50 ans après la livraison de cet exemplaire à conduite à gauche d’origine, un des premiers de la série, disposant encore des insignes Superleggera et de la licence Carrozzeria Touring, cette dernière ayant disparu en 1966.
Je quitte Aston Workshop pour rallier la frontière écossaise sous une pluie battante qui ne tarde pas à se transformer en neige. Voici un excellent baptême de feu. Le bruit du moteur est sublime et se rapproche étonnamment du bruit de turbine de certains V12 Ferrari. À 16h, la nuit tombe et le Château de Duntrune Castle, connu comme le Skyfall Lodge dans l’épisode de James Bond du même nom, est encore bien loin. Il s’agira là d’une excellente base pour explorer les extraordinaires paysages et routes de Glen Coe pendant que mes amis chassent. Alors que la température ne dépasse pas les 0 °C, le désembuage et le chauffage se montrent particulièrement efficaces. Après avoir traversé une série d’environnements urbains encombrés, je finis par arriver au Parc National du Loch Lomond et des Trossachs, qui marque le début des belles routes et des plus beaux paysages d’écosse.
L’obscurité ne me permet pas d’en profiter, mais plutôt d’apprécier le confort et cet extraordinaire tableau de bord qui me fait fantasmer depuis que j’ai vu, pour la première fois, Goldfinger.
Je finis par arriver à destination vers 21h, juste à temps pour goûter à un excellent repas préparé par Andy Malcolm, fils de Robin Malcolm, chef du clan éponyme et propriétaire depuis 1792 du château ancestral (évidemment hanté).
Réveil à 4h30, la DB6 est couverte de rosée matinale et la voir ainsi garée devant le château en bord de mer évoque certaines séries anglaises des années 60 allant du Prisonnier à Amicalement Vôtre. Contact, amorce de la pompe à essence, un peu de choke et le puissant ralenti du 6 cylindres résonne contre l’enceinte du XIIIE siècle. L’itinéraire du jour est le suivant : rallier Oban via Inverliever, Inverinan, Kilchrenan et Achnacloich afin de faire l’appoint de Single Malt. J’aurais grandement apprécié de visiter Islay et ses distilleries, mais il est préférable de loger sur place étant donné les éventuels effets secondaires desdites visites.
Il fait encore nuit et la traversée des alentours du château ressemble à une scène d’un film de Tim Burton. Arbres aux formes improbables, ponts médiévaux en pierres, animaux de toutes sortes font bientôt place à de belles routes lacustres me permettant de lâcher la bride et de profiter pleinement de cette exceptionnelle mécanique. La voiture est bien réglée et les routes écossaises présentent souvent des tracés jouissifs tout en offrant des paysages à couper le souffle lui convenant à merveille.
La ville d’oban me permet surtout de visiter une distillerie ancestrale avant de reprendre la route, cette fois-ci par Soroba, tout en passant par l’étonnante presqu’île de Cuan Ferry.
Le retour au château s’effectue en réalisant un petit crochet par le très joli port de Crinan Ferry et son très particulier Crinan Hotel, à l’architecture Art déco presque incongrue dans cet univers pastoral.
La nuit tombe, je retourne à Duntrune et suis surpris de me voir invité à prendre l’apéritif au château en compagnie de Robin Neill Lochnell Malcolm, 19e Laird de Poltalloch et son épouse. Il semblerait que ce soit un privilège rare et que la DB6 ait réveillé en lui des souvenirs d’un autre temps.
En effet, en discutant autour de la cheminée et d’un whisky servi en timbale, Laird Robin raconte avec moult détails les courses nocturnes disputées en Aston DB préparées fastroad avec son ami Sir David Brown sur Pall Mall, en plein Swingin’ London.
Nous regagnons ensuite nos logements respectifs afin de dîner de Saint Jacques fraîches et d’un exceptionnel ragoût de cerf en discutant de nos programmes respectifs du jour suivant : Glen Coe pour tout le monde.
Depuis que j’ai vu Skyfall au cinéma, l’association de la teinte Silver Birch de la DB5 de James Bond et des couleurs automnales de Glencoe m’obsèdent littéralement. Je ne pouvais donc que préparer minutieusement mon trajet en essayant de découvrir quelles furent les routes utilisées durant le tournage afin de les inclure à ce road trip.
Après quelques recherches, je finis par découvrir qu’il s’agit principalement de la route reliant Glencoe à Loch Etive, une route particulièrement étroite, voire dangereuse, mais je me devais de tenter le coup. L’itinéraire reliant Duntrune à Glencoe est exceptionnel, les panoramas sont impressionnants, et il n’est pas rare de croiser un cerf au bord d’une route.
Les couleurs précédemment évoquées sont encore plus belles qu’en photo et je ne peux m’empêcher d’effectuer de multiples arrêts. Pause déjeuner au Glencoe Mountain Resort surplombant Buachaille Etive Mor, dont le domaine skiable ouvre la semaine suivante, la descente à ski sera donc pour une prochaine fois.
Le GPS me conduit ensuite directement à la route de Glen Etive. Comme prévu, cette dernière est partiellement goudronnée, étroite et la prudence va être de mise, la DB6 n’étant pas un Defender. À mi-route je tombe sur un tournage de film avec une équipe nombreuse s’affairant autour d’un système de brouillard artificiel qui rend l’endroit encore plus surréaliste. Je continue ma route tout en me disant que je devrais faire demi-tour, celle-ci s’avérant être de plus en plus pentue et étroite mais je me dois de voir ce qu’il y a au bout… Un lac tout simplement.
De retour sur des routes normales, j’en profite pour lâcher la cavalerie de la DB6 et vérifier que la voiture marche aussi au-dessus des 4 000 tr/min, ce que je m’étais jusque-là interdit. Le travail réalisé sur la mécanique est tout bonnement impressionnant et l’aston atteint avec une incroyable aisance des vitesses peu avouables.
Le son n’est pas en reste, le bruit de turbine décrit précédemment devient plus métallique et dépasser 5 500 tr/min est tout à fait possible. Bien évidemment les freins ne sont pas aussi efficaces et le poids du véhicule oblige à anticiper quelque peu.
Retour au château par des routes plus boisées et présentant de nombreux lacets propices à rouler en seconde. La soirée finit par une belle fête autour de saumon sauvage et de Single Malt, bien entendu…