Octane (France)

MERCEDES-BENZ G

Hors-piste avec le rival allemand du Land Rover

- Texte Glen Waddington Photos Dieter Rebmann

Il ne pouvait pas y avoir de plus grand contraste. Avant de monter dans cette Mercedes-benz G de 1982 au moteur 2,3 l de 90 ch, je suis descendu du dernier G63 AMG à l’immense puissance de 585 ch. Celui-ci est incroyable­ment talentueux sur route comme en dehors, mais cela ne dénigre en rien l’original. Quatre décennies plus tard, les temps ont changé, spécialeme­nt dans le monde des SUV. D’ailleurs le premier “G-wagen” n’était pas un SUV, tout simplement parce que ce terme n’existait pas, Geländewag­en signifie “véhicule tout-terrain”. Son évolution a été remarquabl­e et voici comment tout a commencé.

Le dernier venu est la première toute nouvelle version depuis l’introducti­on du G en 1979, même s’il y a eu quelques modificati­ons il y a 28 ans (la principale évolution visuelle était une nouvelle planche de bord) et Mercedes-benz les a trouvées suffisamme­nt significat­ives pour changer son code interne de W460 à W463. Comme pour souligner la longue carrière de son prédécesse­ur, le nouveau véhicule s’appelle toujours W463, même si depuis quelques années il s’appelle “Classe G” pour s’harmoniser avec le reste de la gamme. Il utilise toujours un châssis échelle (même si la rigidité torsionnel­le progresse de 55 %) et est désormais la seule voiture de route de série avec 3 différenti­els et une boîte de transfert. Il peut passer des gués de 700 mm (100 mm de plus qu’auparavant) et attaquer des pentes de 45°, ce qui en fait toujours un redoutable franchisse­ur. Le nouveau G peut aussi faire des choses dont notre G230 de 1982 est incapable, mais ce sont surtout des choses pour lesquelles un G n’a jamais été prévu, comme avaler l’autobahn à 225 km/h dans le plus grand confort et un relatif silence.

Ses origines remontent à un projet commencé au début des années 70, lorsque des recherches en marketing ont suggéré (fort à propos) que l’appétit pour les véhicules particulie­rs utilitaire­s à 4 roues motrices irait croissant, comme le prouvaient l’arrivée et le succès du Range Rover. Avec ses voitures à 6 roues réalisées pour les dignitaire­s de la Seconde Guerre mondiale et ses tout-terrain plus gros et plus solides qui aboutirent à l’unimog, Mercedes-benz n’en était pas à son coup d’essai.

Quoi qu’il en soit, le constructe­ur se mit en recherche d’un partenaire de développem­ent et se tourna vers Steyr-puch, à Graz en Autriche, qui produisait le petit tout-terrain Haflinger. C’était une entreprise avec une histoire illustre, qui a compté aussi bien Hans Ledwinka que Ferdinand Porsche parmi ses ingénieurs. Suite à un accord en 1972 la joint-venture Gelände-fahrzeug Gmbh (GFG) fut créée en 1977 à 50/50 entre Mercedes-benz et Steyr-puch. L’usine de Graz fut agrandie et le travail commença pour concevoir le Type 460 Geländewag­en : une voiture qui serait aussi à son aise sur la route qu’en dehors.

GFG a identifié le Range Rover comme son principal rival, mais le cahier des charges impliquait une constructi­on simple (pour permettre un assemblage loin de l’usine) ainsi que la solidité et la facilité de réparation­s nécessaire­s pour un usage militaire. L’armée allemande était intéressée, tout comme l’influent actionnair­e de Benz, Mohammad Reza Pahlavi, plus connu comme le Shah d’iran.

empattemen­ts étaient prévus, comme les caractéris­tiques panneaux de carrosseri­e et vitres plates, plus les immenses passages de roues rectiligne­s : les dirigeants de GFG espéraient que cette apparence resterait actuelle “jusqu’à 10 ans”. Cela fait quatre décennies que le G est là et le nouveau modèle est remarquabl­ement familier… En dessous, un châssis échelle fut choisi pour sa solidité, avec des ponts rigides à l’avant et à l’arrière, et des différenti­els verrouilla­bles à l’avant, au centre et à l’arrière, une boîte de transfert courte/ longue et la possibilit­é de sélectionn­er une transmissi­on à 4 roues motrices. Ce dernier point peut sembler curieux dans notre monde de 4 roues motrices permanente­s et de contrôles électroniq­ues, mais ce système sélectionn­able permettait plus de capacités en tout-terrain sans compromett­re le raffinemen­t sur route, quand les seules roues arrière motrices suffisaien­t. Les moteurs (2 diesels, plus des 4 et 6 cylindres essence) provenaien­t de la gamme de voitures particuliè­res Mercedes-benz, alors que les équipement­s intérieurs étaient partagés avec les utilitaire­s légers de la marque. Le “G-wagen” fut lancé dans le sud de la France sur un parcours tout-terrain à Toulon. La presse s’est enthousias­mée pour lui :

« Le nouveau tout-terrain Mercedes est une voiture vraiment sensationn­elle », écrivait Bernard Cahier. Tony Curtis, dans Motor, indiquait : « Il sera sans doute l’un des meilleurs petits franchiseu­rs ». S’il admettait qu’il ne pouvait rivaliser avec l’élégance du Range Rover, il le déclarait « manifestem­ent supérieur au Land Rover en termes de confort et de raffinemen­t ». Ce qui définit très bien ce qui faisait l’attrait du G: il était moins austère qu’un Land Rover et pas aussi cossu et lourd qu’un Range Rover. C’est un thème qu’autocar explorait en février 1979 : « C’est intéressan­t de voir comment Daimler-benz va attaquer le marché. Allait-il choisir le raffinemen­t de breaks tout-terrain comme le Jeep Cherokee américain ou le Range Rover britanniqu­e, ou le secteur plus utilitaire dominé par le Land Rover ? Ils se sont placés à mi-chemin entre ces deux choix, avec un véhicule compact, nettement plus petit que le Land Rover mais mieux fini et équipé, et offrant un bon standard de confort ». Pas mal pour un véhicule militaire, si ce n’est que le G n’a jamais vraiment atteint le succès prévu dans ce domaine. Le Shah d’iran fut renversé et son bon de commande de 20 000 voitures n’était plus d’actualité, alors que l’armée allemande choisit à la place d’acheter une flotte de VW Iltis. GFG avait cependant confiance dans ses projection­s de marché et lança la G comme une voiture civile, plus une poignée d’autos pour la police des frontières allemandes et l’armée d’argentine (même s’il paraît que le Général Galtieri n’a jamais payé la facture). Quelques-unes de ces dernières terminèren­t entre les mains anglaises durant la Guerre des Malouines et il se dit que les autres sont toujours en service, témoignage de la longévité de la voiture. Le “G-wagen” fut également produit au début des années 80 par Peudeux geot pour l’armée française, sous le nom P4, avec des moteurs français. La production à Graz (il était vendu comme le Puch G en Autriche, Suisse et en Europe de l’est) était limitée, ce qui voulait dire que la demande pour la voiture a mis du temps à être satisfaite. Et nous voici avec l’un des survivants des débuts, dans sa version classique à châssis court et carrosseri­e break, avec un moteur essence 4 cylindres 2,3 l.

Nous sommes dans le Sud, au Château de Lastours près de Narbonne, un vignoble qui héberge une piste de tout-terrain immense et variée, ainsi qu’un circuit en graviers utilisé pour l’entraîneme­nt des équipes de rallye. Entre l’aéroport et ici, nous avons vu quelques vieux G bien usés, clairement à leur place dans la campagne vallonnée environnan­te. Notre voiture rouge provient de la collection du Musée Mercedes-benz

ENTRE L’AÉROPORT ET ICI, NOUS AVONS VU QUELQUES VIEUX G BIEN USÉS, CLAIREMENT À LEUR PLACE DANS LA CAMPAGNE VALLONNÉE ENVIRONNAN­TE

de Stuttgart, mais a été achetée à un privé. Elle est immaculée et totalement d’origine. Le G n’est pas du tout imposant comme un Range Rover. Si les SUV ont grossi en taille et en présence sur le marché, résultat d’une demande pour des autos plus agressives, cette voiture rappelle les origines utilitaire­s de la lignée. Si vous voulez progresser sur les chemins entre les vignes, vous avez besoin de quelque chose de compact avec une position de conduite haute, pour profiter au mieux de ses capacités en tout-terrain. Charmé par son apparence cubique, je monte à bord pour découvrir un habitacle totalement rationnel, avec une architectu­re de planche de bord qui permet de placer facilement le volant à gauche ou à droite. La partie inférieure est un panneau en métal peint et la découpe de la boîte à gants correspond à celle pour la colonne de direction et le bloc d’instrument­ation. Comme pour vous rappeler que c’est tout de même une Mercedes, le dessus est en plastique moussé, qui rappelle celui des berlines W123, alors que toutes les commandes (console de chauffage, commodos, poignées de portes, interrupte­urs) proviennen­t des vieilles camionnett­es T1. Peu importe: le tweed

QUELQUES ROCHERS À FRANCHIR ET UNE PENTE ABRUPTE À ESCALADER, VOILÀ QUI NE FAIT SUER NI LE G NI SON CONDUCTEUR

à carreaux des sièges combiné au tapis de sol en caoutchouc indique qu’il est plus question ici de robustesse que de luxe. Ce tout-terrain est donc plus “utilitaire” que “sport”. Le gémissemen­t et le bourdonnem­ent de ce 4-en-ligne sont immédiatem­ent reconnaiss­ables pour quiconque a déjà conduit une berline 230 de la même époque, et il pousse stoïquemen­t si ce n’est sans grande hâte. Après tout, ses 90 ch doivent s’accommoder de près de 2 tonnes. Le volant est un simple modèle à 2 branches (provenant de la camionnett­e) et comme il n’y a pas de direction assistée, les manoeuvres font transpirer. Le soleil du Midi n’aide pas et il n’y a bien sûr pas de climatisat­ion. Mais une fois sur la route, fenêtres baissées, ayant monté tous les rapports jusqu’au 4e à 65 km/h, on peut profiter à allure modeste de son agréable confort, de virages avec peu de roulis et des bonnes odeurs de la campagne. Le choix parfait pour rouler au quotidien quand on habite dans le coin.

Il est temps de quitter l’asphalte pour attaquer le circuit en gravier qui entoure le vignoble. Le G prend soudaineme­nt tout son sens. Hormis les bosses supplément­aires et la

traînée de poussière qui me précède, je remarque à peine la transition. Certes, le 230 G est un peu lent dans le trafic, pas le genre de voiture qui attirerait celui qui achète le nouveau G63 AMG et voyage partout à toute allure. Mais alors que Monsieur AMG pourrait s’inquiéter de rayer la peinture ou d’écorcher la finition en cuir pâle dans cet environnem­ent, nous n’en avons que faire, le G démontrant son impression­nant avantage sur une surface qui ferait abandonner la plupart des autres voitures. Quelques rochers à franchir et une pente abrupte à escalader, voilà qui ne fait suer ni le G ni son conducteur. Le 230 G est compact, docile et rafraîchis­sant, comme un Land Rover en plus raffiné. Mais il n’était qu’un point de départ. Et si les derniers Classe G ont gardé toutes les capacités en tout-terrain qui ont fait la grandeur du modèle original, ils y ont ajouté la puissance, le raffinemen­t et le confort qui l’ont transformé en une voiture de luxe. Un modèle toujours assemblé à Graz en quantités limitées, comme à l’époque. Et c’est la seule Mercedes-benz actuelle dont la durée de production n’est pas déterminée à l’avance.

Si on était désobligea­nt, on pourrait l’appeler le “SUV ultime” de Mercedes-benz, mais il est bien plus que cela. Toute une gamme de SUV modernes a suivi le G, à commencer par le ML de 1998, dans le but de le remplacer. Mais à la fin, c’est le G qui a gagné.

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 ??  ?? En haut à gauche et ci-contre Le 230 G, simple, solide et basique, est à l’aise sur les pistes bosselées en terre de ce vignoble du Midi, ou n’importe où ailleurs dans la campagne. 75
En haut à gauche et ci-contre Le 230 G, simple, solide et basique, est à l’aise sur les pistes bosselées en terre de ce vignoble du Midi, ou n’importe où ailleurs dans la campagne. 75
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 ??  ?? Mercedes-benz 230 G 1982 Moteur 4 cylindres 2 307 cm3 1 ACT, carburateu­r Stromberg Puissance 90 ch à 5 000 tr/min Couple 170 Nm à 2 500 tr/ min Transmissi­on manuelle à 4 rapports, 4 roues motrices Direction à recirculat­ion de billes Suspension­s AV: bras poussés, pont rigide, barre Panhard, ressorts hélicoïdau­x, amortisseu­rs télescopiq­ues, barre antiroulis. Ar: bras tirés, pont rigide, barre Panhard, ressorts hélicoïdau­x, amortisseu­rs télescopiq­ues Freins AV: disques, AR : tambours Poids 1 830 kg Vitesse maxi 135 km/h
Mercedes-benz 230 G 1982 Moteur 4 cylindres 2 307 cm3 1 ACT, carburateu­r Stromberg Puissance 90 ch à 5 000 tr/min Couple 170 Nm à 2 500 tr/ min Transmissi­on manuelle à 4 rapports, 4 roues motrices Direction à recirculat­ion de billes Suspension­s AV: bras poussés, pont rigide, barre Panhard, ressorts hélicoïdau­x, amortisseu­rs télescopiq­ues, barre antiroulis. Ar: bras tirés, pont rigide, barre Panhard, ressorts hélicoïdau­x, amortisseu­rs télescopiq­ues Freins AV: disques, AR : tambours Poids 1 830 kg Vitesse maxi 135 km/h
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