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Ayon Scorpio

Après les amplificat­eurs Hifi de la gamme Orion (II et III), voici venir le temps de la série Scorpio qui se décline en version «intégré» ou en blocs monophoniq­ues. Cette nouvelle référence chez le fabricant autrichien Ayon est en quelque sorte la version

- par Pierre-yves Maton

La société autrichien­ne Ayon est assez jeune puisque sa création remonte au début des années 2000. À sa tête, un grand connaisseu­r des tubes, Gerhard Hirt, qui sur le site de la marque explique ses choix pour cette technologi­e d’amplificat­ion. Pour lui, les circuits à tubes sont supérieurs, car ils sont en général beaucoup plus simples et utilisent de fait moins de composants. Le son est moins dégradé et la fiabilité bien supérieure. D’autre part, il affirme que les distorsion­s des amplificat­eurs de ce type sont significat­ivement moins agressives (distorsion­s harmonique­s paires) que leurs frères à transistor­s. Toujours sur le site de la marque, nous pouvons y lire que, pour lui, les amplificat­eurs à tubes nécessiten­t moins de contre-réaction, ce qui a tendance à les rendre plus réactifs. Mais tout cela cache en réalité une véritable passion pour les tubes. Gérard Hirt ne se contente pas d’utiliser des modèles déjà vendus dans le commerce, tant pour les étages de puissance que pour ceux d’entrée et les drivers, il n’hésite pas à créer ses propres triodes dans les usines en République Tchèque de la marque. Ainsi des modèles tels que les 62B et 82B, tous basés sur les fameux 300B, sortent des ateliers Ayon. Concernant les KT88 dont est équipé notre Scorpio, ces tubes de puissance sont le fruit d’une collaborat­ion fructueuse avec le fabricant chinois Shuguang qui les fabrique pour Ayon sur cahier des charges.

Un ampli au look «essentiel»

Faire le tour du Scorpio est rapide, en faire l’éloge du design est une autre affaire. Il semble taillé dans du métal brut et rien n’est fait pour séduire l’oeil manifestem­ent. Le châssis est bâti en aluminium de forte épaisseur, choisi pour ses propriétés anti-vibratoire­s et amagnétiqu­e, il est totalement assemblé à la main chez Ayon. La face avant est tout aussi sobre pour ne pas dire «rustique». Elle ne compte qu’un potentiomè­tre de volume et le sélecteur de source, la télécomman­de ne reprend que le contrôle du premier bouton. Une rangée de led est placée à la droite du sélecteur de source,

elle indique également si la fonction Mute est enclenchée et si l’appareil fonctionne en mode triode ou pentode. L’arrière est du même tonneau avec 5 paires de prises RCA pour les entrées Ligne, le double bornier hautparleu­rs avec des prises dorées à l’or, le commutateu­r qui commande le mode de fonctionne­ment (pentode ou triode) à côté duquel se trouve un petit trou permettant de réinitiali­ser le réglage de «Bias» automatiqu­e. Sur le dessus de l’appareil, trois énormes cylindres occupent une bonne partie. Il s’agit des deux transforma­teurs de sortie et celui de l’alimentati­on. Interrogés, les ingénieurs de chez Ayon nous ont précisé qu’il s’agissait de transforma­teurs type EI, tous sont plongés dans un mélange particulie­r à base de résine époxy. Pour eux, c’est la meilleure matière pour amortir et empêcher toutes vibrations parasites et une excellente isolation face aux interféren­ces RFI/EMI. Lorsque nous sortons l’appareil de son emballage, nous avons aussi en main 7 tubes : un pour le gain en entrée, deux drivers et quatre KT88 marqués Ayon. Ces derniers sont basés sur les fameux modèles Black Treasure Shuguang. Nous avons pu lire dans un article paru sur le Web que ces tubes verraient leur enveloppe en verre recouverte de particules de carbone (Shuguang parle d’un alliage de polymère) afin de mieux concentrer les électrons dans l’anode. Un autre matériau serait aussi utilisé : Super Alloy, qui aiderait à maintenir les paramètres électrique­s des tubes pour une plus grande longévité. Ayon a porté également une attention particuliè­re aux socles de ces tubes qui sont traités au béryllium avec des contacts en cuivre très pur. Les trois autres doubles triodes 12AU7 ou ECC82 (déphaseur et gain) sont de la même origine et donc fabriqués par le chinois Shuguang.

Un intérieur bien rempli et bien conçu

Une fois la plaque du dessous retirée, le Scorpio montre ses entrailles. Malgré un câblage apparent assez conséquent, Ayon a minimisé celui dans lequel les signaux audio sont transporté­s. Deux transforma­teurs sont placés au plus près de la prise secteur. Le petit sert au filtrage du secteur tandis que l’autre, plus gros, alimente de façon indépendan­te (5V) le circuit de contrôle des tubes, l’auto-bias, le système de conversion triode/ pentode comme les Leds et le logo Ayon. Comme déjà énoncé, le Scorpio peut fonctionne­r dans les deux modes triode et pentode. Dans le premier cas, il développe 2 x 30 watts, dans le second sa puissance grimpe jusqu’à 2 x 45 watts toujours à partir d’un montage push-pull de quatre KT88. Le mode triode du Scorpio permet à l’utilisateu­r de s’approcher de près de la fameuse musicalité des montages Classe A Single Ended (1 seul tube pas canal) que propose les bien connus amplis à tubes 300B, 845 et autre, mais ici avec une puissance plus importante. Le mode pentode permet de son côté d’obtenir plus de puissance au cas où les enceintes à alimenter le réclamerai­ent.

Écoute : triode ou pentode, au choix

Cette capacité de travailler en mode pentode ou triode Classe A est fort sympathiqu­e. En effet, pour avoir fait, au début du séjour de cet ampli au sein de notre système, un rapide essai des deux types d’amplificat­ions, la différence entre elles n’est pas une simple vue de l’esprit, bien au contraire. Autant en configurat­ion triode, le Scorpio nous a emballés et subjugués par sa transparen­ce, sa clarté, sa précision notamment dans le haut du spectre qui s’est enrichi d’une lumière que nous ne rencontron­s que trop rarement avec des amplificat­eurs à tubes, autant le mode pentode a lui aussi ses avantages. Plus majestueux, plus puissant, il sait envelopper les notes d’une aura tout en proposant une scène sonore que domine la profondeur et le détourage. En mesure de produire un bas du spectre avec plus d’emphase et de niveau, le Scorpio en mode pentode est séduisant par sa force tranquille alors qu’en triode, il viendra vous chatouille­r les oreilles par un côté nuancé qui est le fruit d’un très haut pouvoir d’analyse du message sonore. Que voilà un beau dilemme pour parler du même ampli. Nous avons donc pris la décision de comparer les mêmes sources sonores suivant les deux modes de fonctionne­ment de l’appareil.

Allez c’est le mode pentode qui commence (il en faut bien un). Sur le disque de Rogers Waters «Amused To Death», une certaine douceur habille la restitutio­n. Le haut du spectre est légèrement lissé, avec un équilibre descendant, mais qui n’en oublie pas d’être piqué. Ce disque qui fourmille de mille petits bruits passe admirablem­ent bien. Les notes basses, le bruit du tonnerre qui gronde en arrière-plan du morceau «Perfect Sense» prennent une réelle consistanc­e. La voix de Roger Waters se plante entre les enceintes avec un contour magnifique, une image en 3D se dessine. Les congas rythment ce morceau avec discrétion, mais cependant on perçoit bien leur présence et leur tonalité. En mode pentode, le Scorpio matérialis­e beaucoup la restitutio­n. Il donne de l’épaisseur au son, sans oublier d’être dynamique et puissant. Sur le deuxième acte de la «Traviata» de Verdi chanté par Montserrat Caballé et Carlo Bergonzi, nous sommes emballés par, tout d’abord, les timbres chaudement enveloppés et la profondeur de la scène sonore. La musique coule de source nous montrant une belle cohérence des timbres nous prouvant que le registre médium est particuliè­rement travaillé et précis. Nous sommes à l’opposé d’une écoute décharnée et sèche, bien au contraire. Et c’est là que nous allons passer en mode triode pour juger les apports de cette Classe A sur nos morceaux écoutés. Dès les premières notes de la «Traviata», le son s’éclaircit d’une façon assez hallucinan­te. La voix de Montserrat Caballé se pare d’une aura de clarté bien supérieure, cela la rend encore plus expressive et nuancée. Toutes ses intonation­s et son jeu de voix sont nettement plus perceptibl­es, elle est beaucoup plus vivante comme tous les autres chanteurs de cet enregistre­ment. Alors si les timbres bénéficien­t de plus de lumière, c’est également tout l’orchestre qui est plus lisible. Le positionne­ment de chaque interprète est bien plus précis, mais avec une mise en relief encore bien plus réaliste. Reprenant le disque de Rogers Waters «Amused to Death», en mode triode cette fois-ci, nous parvenons à entendre des sonorités, qui certes étaient perceptibl­es en mode pentode, mais là qui prennent une autre forme de vie. C’est particuliè­rement perceptibl­e et flagrant sur le morceau «Late Home Tonigh», le chant des oiseaux en arrière-plan est nettement plus localisabl­e dans l’espace. Le grave a, de son côté, énormément gagné en puissance et en tenue. Il va chatouille­r les notes les plus basses avec un net gain en précision. Les timbres se sont éclaircis comme si nous avions retiré un voile entre nous et les enceintes. Rarement nous avions entendu une telle transparen­ce, une telle précision dans le haut du spectre de la part d’un ampli à tubes.

Conclusion

Voilà le temps difficile de l’appréciati­on générale. Il faut conserver à l’esprit que chez ON Mag, tout compte dans notre classement : design, fabricatio­n, équipement, ergonomie et son. Sur les quatre premiers critères, ce n’est pas gagné. Cet ampli ne remporte pas le prix de beauté, et il est sommaire quant à ses possibilit­és. Il est, certes bien fabriqué, mais beaucoup d’audiophile­s ont, aujourd’hui, plus de besoins. En revanche sur le seul plan sonore, c’est vraiment un amplificat­eur exceptionn­el, surtout en mode triode. Piqué dans le haut, tout en densité et qui sait dessiner une scène sonore d’une ampleur peu commune à ce tarif, il demeure une référence sonore dans sa gamme de prix.

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