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Gryphon Diablo 120

Digne descendant du Diablo 3MM et remplaçant l’ampli Hifi au nom évocateur d’attila, le tout dernier Gryphon Audio Designs Diablo 12M est né, comme le dit le dicton, avec une cuillère en argent dans ses circuits (son prix dépasse 1M MMM €). Magnifique­ment

- par Pierre-yves Maton

Flemming Rasmussen, diplômé en peinture et arts graphiques, puis importateu­r de produits haut de gamme grâce à sa société 2R Marketing, avait-il la moindre idée du succès qu’il allait rencontrer avec la marque Gryphon Audio Designs qu’il lança en 1985 ? Pas certain, mais force est de constater que 32 ans plus tard, Gryphon Audio Designs compte parmi les marques les plus emblématiq­ues de la Hifi High End. Pour notre part, elle le mérite largement aussi bien par ses choix techniques que la régularité qualitativ­e de ses production­s. Sa toute première création fut le simple, mais très convaincan­t préamplifi­cateur pour cellules analogique­s Head Amp, un produit couronné d’un tel succès à travers le monde que Flemming Rasmussen décida dès le début des années 90 de se consacrer uniquement au design des produits de son cru. Bien des blocs d’amplificat­eurs mono ou stéréo en Classe A à très large bande passante, capables de driver tous types d’enceintes, des préamplifi­cateurs «dual mono», des lecteurs CD, dont le design et la musicalité trouvent encore aujourd’hui une continuité, ont participé à cette reconnaiss­ance acquise au fil du temps. Le tout premier intégré de la marque vit le jour en1996 sous le nom de Tabu, il fut remplacé en 2009 par l’attila pour être lui-même détrôné par ce nouveau Gryphon Diablo 120, une émanation du fameux modèle Diablo 300 dont il reprend bien des aspects techniques et esthétique­s.

La forme dicte la fonction

Le Gryphon Diablo 120 reprend non seulement les canons esthétique­s de son grand-frère, mais aussi techniques. Il respire la solidité, mais aussi la modernité. Les proportion­s de l’appareil sont idéales comme l’allure générale qui marie de façon élégante le métal et l’altuglas. Mais ces proportion­s

et l’architectu­re de l’appareil répondent à des exigences techniques dont nous ne tarderons pas à en comprendre le sens à l’écoute. La face avant illustre parfaiteme­nt ce subtil mélange, car formée par de larges plaques d’altuglas que coupe en leur milieu un radiateur en métal, elle abrite en réalité tout le système de commande de l’appareil qui s’active par un simple effleureme­nt de la main. Il n’y a pas à dire, c’est plutôt sympa. Nous avons donc à gauche de l’écran de contrôle la touche de sortie de veille, une fonction «mute» et les deux niveaux de puissance tandis qu’à droite de ce même afficheur, nous pouvons choisir la source à écouter tout en ayant accès au menu de l’appareil. Là, plusieurs possibilit­és s’offrent à nous : choix de la luminosité de l’écran (100%, 75%, 50%, 25% et Off), assignatio­n d’un nom à chaque entrée, possibilit­é de passer le Diablo 120 en simple bloc de puissance (By Pass) pour une intégratio­n dans un système audio-vidéo, modificati­on du niveau maximal ou mémorisati­on de celui par défaut lors de l’allumage de l’appareil, tout cela en jouant sur l’ensemble des touches tactiles de la face avant. Le paramétrag­e de l’appareil est un peu fastidieux, mais il participe une fois réalisé à une ergonomie que nous ne rencontron­s que trop rarement sur un ampli Hifi intégré. Ces commandes sont secondées par une télécomman­de simple, mais d’un design très original ; décidément Mr Flemming Rasmussen est un esthète dans l’âme. La face arrière en tôle épaisse nous offre une connectiqu­e riche, mais surtout de haute qualité. Nous comptons 6 entrées analogique­s dont sur XLR Neutrik et cinq sur paires de RCA à isolant Teflon et plaquées or. S’ajoutent à cela deux paires de borniers haut-parleurs massifs pouvant accepter tous types de terminaiso­ns. Ce sont les mêmes qui équipent tous les blocs de puissance de la marque tout simplement. Juste au-dessus de la connectiqu­e droite et gauche, un large espace permet l’ajout , soit d’un module de conversion numérique avec quatre entrées (USB, BNC coaxiale, AES/EBU et optique Toslink), soit d’une section phono PS2 pour cellules MM et MC.

Taillé pour satisfaire toutes les enceintes

À l’intérieur du Gryphon Diablo 120, une fois retirées les 16 vis du capot largement ajouré, nous découvrons avec admiration les entrailles de la bête. Il est clair que, comme pour le modèle Diablo 300, le concepteur a choisi une configurat­ion en vrai double mono, un montage de type fil droit avec du gain. Tout l’espace du milieu est partagé entre une carte épaisse quatre couches abritant les étages d’entrée et un transforma­teur Holmgren à double enroulemen­t secondaire d’une capacité de 1200 VA. Ce dernier est réalisé sur cahier des charges propre à Gryphon. C’est très certaineme­nt la pièce de l’appareil qui en fait son poids de 26 kg tant elle est imposante. Placées à la verticale et accolées à deux dissipateu­rs de chaleur surdimensi­onnés qui forment les côtés droit et gauche, nous tombons sur les deux circuits d’amplificat­ion, toujours disposés sur d’épais circuits époxy à piste en cuivre de 70 µm. À la différence du modèle Diablo 300, ce 120

dispose de deux paires de transistor­s bipolaires Sanken (à la place de quatre) par canal, raison pour laquelle la puissance est de moitié par rapport au grand-frère. Idem pour le filtrage, assuré par pas moins de 12 (6 par canal) condensate­urs Nichikon de 10 000 µf chacun, la capacité étant au total à 60 000 µf par canal. Les quatre transistor­s fonctionne­nt en Classe AB sans que soit ajoutée une quelconque contre-réaction, une technique chère à Gryphon. Autre pièce maîtresse pour un intégré ou un préampli : la commande de volume. Là aussi, Gryphon a fait preuve d’audace et de sérieux. Il s’agit d’un atténuateu­r passif géré par un microproce­sseur qui, à chaque pas, ne fait intervenir que 6 résistance­s au maximum limitant toute perte de qualité du signal audio. Tout ce système de commande comme l’écran est alimenté séparément des circuits d’amplificat­ion, une façon d’éliminer les risques d’interféren­ces. Et effectivem­ent, lorsque nous activons la commande de volume ou le changement de source, aucun bruit parasite n’est perceptibl­e en cours d’écoute.

Plus que de simples options

Comme dit plus haut, le Diablo 120 peut s’enrichir, d’une section DAC ou d’une section phono. Le module DAC est issu du convertiss­eur très haut de gamme Kalliope. Il compte 4 entrées distinctes avec une USB asynchrone, 1 symétrique AES/EBU par XLR, une S/PDIF par une BNC 75 Ω et enfin une optique Toslink. La résolution maximale grimpe jusqu’à 32 bits/384 khz en PCM et accepte aussi les flux DSD en mode natif. Ce module 120 DAC est configuré autour d’une puce Sabre ES9018 tandis que tous les étages de sortie bénéficien­t d’une véritable topologie double mono fonctionna­nt en pure Classe A. Basé sur le légendaire préampli phono Legato, le module additionne­l pour cellules phonolectr­ice du Diablo 120 ne comprend que des composants de très haut niveau. Quatre petits inverseurs permettent un réglage fin suivant le type de cellule utilisée. Ils permettent une adaptation en gain et impédance aux cellules MM et MC. Nous retrouvons, là aussi, une architectu­re des circuits de type double mono pour une parfaite séparation des canaux avec transistor­s bipolaires en sortie.

Écoute : chaleur et humanité

Nous avons pu conserver ce Gryphon Diablo 120 quelque temps ce qui nous a permis de l’essayer avec différente­s sources bien entendu, mais aussi en simple intégré analogique ou avec sa section Dac. Si Flemming Rasmussen n’a pas hésité à appeler cet ampli Diablo, souhaitait-il faire référence à son caractère puissant et musclé ? Son alimentati­on surdimensi­onnée et son impédance basse en sortie vont, il est vrai, dans ce sens. Et bien, autant dire que ce Diablo 120 est bien plus que cela. Il se montre aussi envoutant, capiteux, riche en timbre, énormément plus délicat donc que son nom ne le suggère. Si cet ampli sait affectivem­ent piloter tous types d’enceintes, cela se sent dès que l’on pousse le niveau, il tient bon le cap sans la moindre marque de faiblesse ou de gêne. Assez rapidement, nous le sentons doué d’une véritable propension à matérialis­er le message sonore ; il installe une scène sonore tout en profondeur et d’une présence tactile magnifique. Avec lui, il y a du poids et de la chair sur chaque note, la restitutio­n sonore devenant beaucoup plus charnelle et vivante, ce qui nous rapproche d’un son purement analogique. Les timbres sont magnifique­ment restitués, le nombre de nuances et

micro-détails de la restitutio­n concourent largement à cet effet de réalisme. Le Gryphon Diablo 120 est généreux sur ce point avec un haut du spectre doux et chaud qui se déploie parfaiteme­nt avec un grave tonique et d’une profondeur abyssale. L’analyse du message sonore est très poussée, mais sans pour autant devenir froide, car sa transparen­ce ne tombe pas dans une sorte de caricature qui mettrait une partie du spectre en avant au risque de dénaturer la justesse des timbres. Il est évident que le haut du spectre, fouillé et nuancé s’articule avec un médium plein et charnu. L’exemple nous en est fourni par l’écoute des Concertos pour Violon Opus 7 du compositeu­r baroque Jean-marie Leclair, joué et dirigé par Fabio Biondi (24 bits/88,2khz) et l’orchestre Europa Galante. Le jeu en soliste du violoniste Fabio Biondi, comme ses ornements et phrasés musicaux sont particuliè­rement soulignés par le Diablo 120 qui montre à cet effet beaucoup de nuance. Cet amplificat­eur sait souligner avec discrétion et cohérence la sonorité de ce violon baroque comme l’alto, le violoncell­e ou encore de la violone (grande viole). L’image stéréo organise chaque rang d’instrument­s au sein d’une scène sonore parfaiteme­nt structurée. Nous employons souvent le terme d’holographi­que, avec cet ampli il prend une significat­ion toute différente. Il y a de l’air entre chaque musicien avec une profondeur de champ vraiment remarquabl­e. En plus, tout se passe dans une ambiance que berce une certaine douceur, nous donnant l’impression d’un appareil fonctionne­ment en pure Classe A. Nous retrouvons ce velouté sur le piano accompagna­nt Claude Nougaro sur son titre «Eau Douce» de son album «La Note Bleue». Le timbre de la voix de cet interprète est parfaiteme­nt reproduit. Son accent comme son grain légèrement roulant se retrouve magnifié par cet ampli. Puis les morsures des coups de baguettes sur les cymbales de la batterie offrent un réalisme supplément­aire comme le piano qui ne cesse d’osciller entre douceur et vivacité. C’est clair, précis, mais pas étincelant, ce qui se traduirait par une coloration dans le haut du spectre. Le Gryphon Diablo 120 humanise la restitutio­n avec ce côté chaud et lisse. Nous sommes également agréableme­nt surpris pour ne pas dire charmé par l’apparition de la cantatrice Natalie Dessay dans le morceau «Autour de Minuit», une compositio­n de Thelonious Monk. La véracité des différents timbres, l’homogénéit­é de la scène sonore qui accuse une profondeur et un sens de du rythme indéfectib­le, tout joue pour que l’émotion soit au coeur de cette écoute. Pour voir un peu ce que ce Gryphon Diablo 120 a sous le pied rien de tel que «Hey Now» du LP «If You Wait» du groupe London Grammar. La basse électrique déboule dans notre pièce avec un niveau et une tenue superbes. Cet ampli tient les enceintes avec une parfaite maîtrise. Le bas est fourni, puissant tout en ne bavant à aucun instant. Au milieu de ce tumulte, le jeu du batteur reste parfaiteme­nt lisible comme celui du guitariste. Nous avons terminé nos écoutes avec le tout dernier Carl Graig, «Versus», qui mélange avec bonheur et force une partition purement électro avec un orchestre classique joué par Les Siècles conduit par l’iconoclast­e chef d’orchestre François-xavier Roth. Le Gryphon Diablo 120 tient le bas du spectre avec une fermeté et un niveau que seuls les amplis à l’alimentati­on bien réalisée peuvent faire. Malgré un volume fort, il n’en oublie pas le moindre détail ou la moindre sonorité ajoutée ci ou là, des sons électroniq­ues qui se mêlent à tous les instrument­s classiques acoustique­s cette fois. Le pouvoir de séparation, comme celui de positionne­r chaque source sonore dans l’espace confine au génie. Même avec de la musique électroniq­ue que coupent des accords de piano virulents ou encore un rang d’instrument­s à vent, cet intégré arrive à parfaiteme­nt distinguer chaque note tout en lui offrant une palette de couleurs juste et variée. Il lui arrive d’être violent, bousculant même si la musique le demande, mais il sait le faire avec classe et distinctio­n.

Conclusion

Inutile de dire que ne ce furent pas les seules pièces musicales que nous avons mises entre nos oreilles. Le Gryphon Diablo 120 est le genre d’amplificat­eur qui nous fait replonger dans toute notre discograph­ie pour redécouvri­r chaque titre ou album. En résumé, ce Diablo 120 a tout pour lui : fabricatio­n, puissance, vélocité et qualité des timbres : un appareil qui nous a bouleversé­s tant il offre une musicalité chantante tout en étant vraie. Un must à découvrir.

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