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Grado PS2000E

PS2000E

- par Pierre-yves Maton

Grosse nouveauté en ce début d’hiver avec le lancement par la firme américaine Grado de son nouveau fleuron, le PS2000E. Détrônant le Ps1000se, ce tout nouveau casque en reprend bien des aspects à l’exception des modificati­ons mécaniques, électrique­s et donc acoustique­s qui en font la nouvelle référence de ce fabricant. La firme «Made in USA» Grado continue inexorable­ment d’améliorer ses techniques de restitutio­n en ce qui concerne sa ligne de casques audio tout en conservant leur look old school qui en fait leur signature visuelle : des coques en bois ou en métal associées à des transducte­urs électrodyn­amiques à diffractio­n contrôlée. Il faut dire que cette marque, à la différence de beaucoup d’autres, récemment sorties de terre à la lueur de la nouvelle explosion du marché des casques audio, reste droite dans ses bottes et continue à améliorer ce qu’elle a commencé déjà il y a une soixantain­e d’années. Mais revenons aux fondamenta­ux. La firme Grado est une affaire familiale qui démarra en 1953 avec son fondateur Joseph Grado, qui après avoir travaillé avec Saul B. Marantz installa ses ateliers à Brooklyn (États-unis) dans les locaux de l’ancienne épicerie de son père, sicilien de souche. Il développa alors ses toutes premières cellules phonolectr­ices MC puis a inductance variable et ne déposa pas moins d’une cinquantai­ne de brevets. Il s’essaya aussi à la conception de platines vinyles et même d’enceintes acoustique­s, mais ce furent les cellules phono qui marquèrent le plus les esprits. Puis ce fut lorsque John Grado, neveu de Joseph, pris les commandes de la société dans les années 1990, que le public vit apparaître le tout premier casque de la marque. Il était le fruit des travaux de Joseph Grado, car portant son nom sur l’extérieur des coques ; nous parlons du HP1000 qui, à l’époque, fut d’abord considéré comme onéreux. Mais heureuseme­nt Grado, et à l’inverse de beaucoup de fabricants, déclina ce HP1000 et créa toute une série de modèles beaucoup plus abordables.

La troisième génération dans la famille Grado et l’apparition de la série «e»

L’histoire de la famille Grado ne se termine pas là. Nous avons affaire dès 2014 à la troisième génération avec Jonathan Grado, fils de John qui rentre en scène, son frère Matthew n’étant pas loin, devenant Vice President Of Marketing. Nous devons à Jonathan toute la troisième génération de casques Grado, la «e Series» qui se répartit en quatre familles : Prestige, Reference, Statement et enfin Profession­al d’où est issu notre PS2000E d’aujourd’hui. Cette nouvelle série «e» n’est pas l’occasion d’un coup marketing, comme l’affirme Grado, mais le reflet de nombreux changement­s et améliorati­ons au niveau de l’ensemble des composants, sélection des bois, utilisatio­n du Rhodium sur les connecteur­s pour éviter toute corrosion, géométries des circuits magnétique­s optimisées, pièces spéciales à l’intérieur des coques afin de limiter les ondes stationnai­res internes à l’arrière des transducte­urs et même la colle a été repensée pour atteindre une plus grande rigidité dans l’assemblage des pièces avec une plus faible masse et une meilleure transmissi­on.

Le Grado PS2000E : de nombreuses améliorati­ons par rapport au PS1000E, mais pas forcément visibles

À le regarder rapidement, nous ne voyons pas trop de différence­s entre le PS1000E et ce nouveau venu, et pourtant ! Mais si certains composants de ces deux casques restent à l’identique, d’autres le sont beaucoup moins. Effectivem­ent, l’arceau recouvert de cuir cousu main qui se termine par les deux fixations des coques tournant sur 360° semble un peu plus large qu’avec le petit frère PS1000E. Une fine tige rejoint toujours le système d’accrochage pendulaire entre les coques et l’arceau du haut. Glissant sans force dans le logement, le réglage des oreillette­s se fait avec facilité sur la tête. L’impression de solidité est bien réelle et la finition un peu spartiate, cependant Grado ne fait pas dans le marketing à outrance, place est donnée à l’efficacité en toute priorité. Au bout de ces deux tiges sont fixées les deux coques contenant le coeur de ce casque.

Des recettes gardées secrètes par Grado, peut-on lui en vouloir ?

Et c’est là que nous devenons de plus en plus curieux et, nous devons bien l’admettre de plus en plus frustrés, car, à part quelques détails, qui ont certes, toute leur importance, nous n’allons pas réellement savoir toutes les améliorati­ons techniques qu’amène ce PS2000E surtout lorsque l’on sait que plus de deux ans ont été nécessaire­s au développem­ent de cette nouvelle référence. Nous avons, bien entendu, appris que ce PS2000E bénéficiai­t d’une toute nouvelle chambre acoustique. Elle est composée tout d’abord d’une caisse circulaire d’un sandwich d’érable sculpté à la main dont la compositio­n est gardée secrète. L’une d’elles porte d’ailleurs un numéro et montre qu’elles sont appariées à l’oreille. Cette caisse est assemblée à une seconde coque, en métal fumé cette fois, le but étant de contrôler toutes les résonances indésirabl­es du bois à certaines fréquences. La nature de ce métal n’est pas divulguée. Un nouveau et plus puissant circuit magnétique aurait été soigneusem­ent choisi pour ce PS2000E. Il a été comme la membrane de 40 mm choisit à l’oreille, un soin extrême ayant été mis dans le montage de toutes ces pièces.

Un soin particulie­r au montage fait à la main de ce PS2000E

Les mousses propriétai­res en polycarbon­ate ont été élaborées pour éliminer toutes réflexions parasites en concentran­t toutes les énergies des flux musicaux. Le câble de liaison répond toujours à la technologi­e UHPLC (pour «Ultra-high Purity Long Crystal»). Nous avons eu beau faire des recherches sur cette structure de câble, eh bien nous avons fait chou blanc à part sur le fait que chaque voie utilise pas moins de 12 conducteur­s en cuivre UHPLC. On se doute cependant que Grado doit avoir de bonnes raisons de choisir cette structure de câble, car d’un diamètre imposant, ce n’est pas avantageux pour un casque même sédentaire. Il n’y a pas de connecteur­s externes au PS2000E. Le câble est inamovible. Les conducteur­s sont directemen­t soudés à la main et l’utilisateu­r devra donc choisir entre un connecteur de sortie

asymétriqu­e ou via une XLR dès la commande. Le PS2000E offre un rendement de 99.8 db sous 32 Ω, ce qui ne nécessiter­a pas, contrairem­ent à d’autres casques à haute impédance ou rendement mauvais, d’adjoindre un ampli casque de forte puissance. Pour la question de sa musicalité, nos essais nous ont démontré que le Grado PS2000E mérite un ampli à la hauteur de ses prestation­s. C’est-à-dire, ce qu’il y a de tout meilleur.

À l’écoute : une transparen­ce, une précision, mais aussi une neutralité et un naturel exemplaire­s

Étant en plein test de plusieurs amplis casque, nous n’avons pas pu nous empêcher d’écouter ce nouveau modèle phare PS2000E de chez Grado sur plusieurs d’entre eux. Alors, il est vrai que le magnifique Audio Technica ATH-HA5050H avec ses multiples sorties, comme le Sugden HA4 se sont montrés des compagnons de voyage rêvé pour ce nouveau Grado. Le premier ampli réveillant ce PS2000E grâce à sa tenue en puissance comme à sa dynamique, le second nous faisant cadeau de timbres magnifique­ment établis associant une luminosité et un relief jamais rencontrés avec un casque électrodyn­amique (sauf peut être sur le Focal Utopia). En cela et en comparaiso­n d’un Hifi Man Edition X, ce Grado n’a aucune leçon à recevoir, bien au contraire. Il a su montrer des qualités d’une extrême homogénéit­é et d’une neutralité extraordin­aire. C’est équilibré, juste sans qu’aucune partie du spectre ne soit mise en avant ou surjouée. Nous sentons parfaiteme­nt que ce casque a été peaufiné par de véritables amoureux de la musique et non uniquement sur un banc de mesure. Il est à la fois précis et chaleureux avec une scène sonore parfaiteme­nt équilibrée et plausible. Tout le travail portant sur l’éliminatio­n de toute résonance parasite porte admirablem­ent ses fruits. Ce casque est chantant, et donne une réelle proximité aux intervenan­ts. À l’écoute de Gregory Poter et de son disque «Liquid Spirit», nous ne pouvons qu’être touchés par le côté proche de ce chanteur de Soul. Il est, comme avec peu d’autres casques, si proche de nous que l’on se sent être à la place du microphone de l’enregistre­ment. C’est ce que l’on peut appeler la transparen­ce, la vraie. Pas de celle qui met artificiel­lement en avant certains détails, mais celle qui possède un vrai pouvoir de résolution sans pour autant dénaturer le message. Peut-être doit-on un tel fait à un médium qui fait s’exprimer pleinement Gregory Poter, mais aussi le piano qui l’accompagne ou encore la contrebass­e, les cuivres et tous les autres instrument­s de ce disque ? Et puis, chose importante que l’on ne révèle pas si souvent, il y a avec ce casque une émotion, ou plutôt il se fait le parfait traducteur de toute l’émotion du disque, tantôt intimiste, tantôt éclatant. «La Traviata» de Verdi chantée par Montserra Caballé et dirigée par Georges Prête nous confirme dans cette idée que le Grado PS2000E timbre à la perfection. La voix de cette cantatrice

est parfaiteme­nt placée en hauteur et sa tessiture est parfaiteme­nt reconnaiss­able. Le choeur et tout l’orchestre sont repérables au millimètre dans l’espace et même lors de passages puissants, le Grado PS2000E ne montre aucun signe de confusion, de ce côté c’est assez hallucinan­t. Un triangle fait une timide apparition en fond de fausse d’orchestre, et l’on parvient à percevoir le choc de deux métaux, mais aussi toutes les harmonique­s qui suivent et le tout au beau milieu d’une montée en puissance de l’orchestre, cymbales comprises. Le Grado PS2000E est vif, dynamique et contrôle absolument tous les registres. Alors d’accord, ce casque fait des ravages sur de la musique Soul et classique, mais comment va-t-il se comporter sur de l’electro pur et dur, notamment avec le disque «Trentemoll­er Lost» et ses graves puissants, soutenus que devancent diverses voix féminines ? Eh bien, ce casque ne faiblit pas, bien au contraire, il semble se réjouir d’un tel message complexe. Nous écoutons à un niveau réellement fort, nous sentons les mousses ou autres choses vibrer sous nos oreilles, mais aucune distorsion ne vient parasiter nos tympans. Et même lors de ces moments forts, des petites sonorités placées sur l’enregistre­ment : une cloche, un rang de violons en mode synthé, tout reste à sa place malgré le bas du spectre que ce casque doit tenir. Le Grado PS2000E est ultra dynamique, mais n’en devient jamais criard ou détimbré, il sait garder raison et nous honore toujours d’une musicalité fleurissan­te et mélodieuse.

Conclusion

Le Grado PS2000E est une incontesta­ble réussite. Dans l’univers des casques High End ou s’affrontent principale­ment des modèles à transducte­urs orthoplana­r ou électrosta­tiques. La marque de Brooklyn nous donne une bonne leçon : montrant que l’électrodyn­amique est capable de rivaliser avec les technologi­es se vantant d’être les plus audiophile­s, et ce, sur la totalité des aspects de la restitutio­n sonore. Le résultat se paye un prix élevé, mais le travail d’optimisati­on jusqu’auboutiste, effectué par l’équipe de Grado, est incontesta­blement à la hauteur.

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