On Magazine

- Mofi Studiodeck+

- par Pierre Stemmelin

Débutant sur le marché de la platine vinyle, jofi - contractio­n de jobile Fidelity Electronic­s - n’en possède pas moins une longue expérience dans le domaine de la galette noire. La marque a en effet été créée par la maison de production américaine jobile Fidelity Sound Lab qui, elle, existe depuis N977. Pour l’instant, elle propose une gamme simple et courte composée de deux platines ainsi que de trois cellules et deux préamplis Phono. La platine Studiodeck­h est son entrée de gamme. Elle est positionné­e à NO00 €, CE QUI EST MOYENNEMEN­T ONÉREUX, MAIS ELLE PROFITE Déjà D’UNE conception totalement audiophile et pas du tout amateur.

Mobile Fidelity Sound Lab est un label américain dont le nom parle sûrement aux connaisseu­rs. Au cours de son histoire, il a toujours cherché à innover et améliorer la qualité des enregistre­ments sur disque vinyle, dans une démarche typiquemen­t audiophile. Né dans les années 1970, il est notamment à l’origine du procédé de gravure halfspeed, réalisé à vitesse très réduite, 12,5 tr/min, afin d’augmenter la précision, accroître la réponse en fréquence et la dynamique.

Mofi a connu la banquerout­e à la fin des années 1990, mais est revenu dès le début des années

2000 à la faveur du renouveau de l’engouement pour le vinyle. Il propose aujourd’hui un important catalogue de rééditions d’enregistre­ments mythiques, comme ceux de Miles Davis, Bob Dylan, Aretha Franklin ou Frank Sinatra. Sa marque de fabrique consiste à partir du master d’origine, sans y retoucher. Ses «Original Master recording» sont disponible­s sur vinyles spéciaux baptisés Gain 2

Ultra Analog LP ou Ultradisc One-step, sur CD Ultradisc II Gold ou encore sur SACD Ultradisc UHR. Sa division électroniq­ue dédiée à la production de platines vinyles, cellules Phono et préamplis RIAA est toute récente, puisqu’elle a vu le jour en 2016.

Une platine vinyle audiophile, encore abordable, qui étonne par sa maturité

Il est rare de rencontrer aujourd’hui une nouvelle platine vinyle réellement originale de par sa conception. La platine Mofi Studiodeck+ n’a rien d’un bricolage, d’un travail d’amateur, d’un produit rebadgé, acheté chez Pro-ject, Teac ou VPI, par une marque opportunis­te qui voudrait ajouter une platine vinyle à son catalogue parce que c’est la mode. Mofi a effectué un vrai travail de fond. Le label américain s’est adjoint les services d’allen Perkins, designer de Spiral Groove, une marque de platines vinyles High End, et de l’équipe de

HRS (Harmonic Resolution Systems) pour optimiser l’amortissem­ent des vibrations. Cela est d’autant plus étonnant que la Studiodeck+ ne crève pas des plafonds tarifaires et reste sous la barre des 1500 €. La Mofi Studiodeck+ est réalisée sur une base en bois MDF massif de 2 cm, doublée en dessous d’un fin panneau en plexiglas et incrustée sur sa droite d’une plaque d’aluminium destinée à casser les vibrations. Peinte en noir granité, cette base est inhabituel­lement large. Cela lui confère une signature esthétique différenci­ante, mais aussi une masse plus élevée et lui donne la possibilit­é d’accueillir un bras de lecture plus long, ce qui limite l’erreur d’angle de lecture de piste.

Le bras est ainsi un vrai modèle de 10 pouces (25,4 cm du pivot à la pointe de la cellule). Il est fait d’un tube d’aluminium avec un robuste porte-cellule rapporté en métal moulé, comportant une vis de réglage d’azimut. Il est monté sur un solide pivot à roulement à billes, ajustable en hauteur, tandis que son antiskatin­g est assuré par un petit poids accroché au bout d’un filin, une méthode courante, mais qu’on peut trouver un peu artisanale et pas très pratique.

Le contrepoid­s en métal massif est de son côté vissé par le biais d’un anneau en caoutchouc amortissan­t. Il assure un réglage stable et précis, mais n’a pas de bague graduée. Il faut donc utiliser une balance pour ajuster la force d’appui.

Le plateau tournant est taillé dans une plaque épaisse de 19 mm en Delrin, un matériau conciliant grande dureté et pouvoir amortissan­t. Il ne pèse pas moins de 1,75 kg. Son pourtour est taillé d’une gouttière guidant la courroie d’entraîneme­nt, en néoprène jaune, et évitant qu’on ne la fasse dérailler par inadvertan­ce en manipulant un vinyle.

En dessous du plateau, on ne trouve pas un axe plongeant dans une gorge fixé à la base de la platine. C’est le contraire. La gorge en bronze avec palier en Teflon est montée sous le plateau et s’insère sur un axe en acier trempé, relativeme­nt large, qui est, lui, fixé à la base. L’usinage de ces pièces est très précis. On le remarque à l’effet ventouse ou d’amortisseu­r hydrauliqu­e assez marqué se produisant lorsque l’on retire ou met le plateau en place.

La courroie jaune, apportant une touche esthétique fort sympathiqu­e, est tractée par un moteur dont le couple paraît assez important. Ce moteur est placé au fond à gauche et découplé. Les deux gorges de sa poulie sont facilement accessible­s pour opérer le changement de vitesse (33 ou 45 tr/min) qui se fait manuelleme­nt en déplaçant la courroie d’une gorge

à l’autre.

Enfin, mention spéciale aux quatre pieds de la Mofi Studiodeck+. Ce sont de superbes pièces conçues par HRS. Leurs corps en métal enferment ce qui semble être des ressorts, très fermes pour ceux placés à l’arrière, offrant un débattemen­t d’environ 1 mm, et plus souples à l’avant, avec un débattemen­t d’environ 5 mm.

Tous les éléments de cette platine vinyle (made in USA et non made in China) paraissent donc très sérieux, du lève-bras qui descend tout en douceur, au bras lui-même, en passant par le contrepoid­s massif, les pieds très techniques, le costaud portecellu­le, la grosse poulie du moteur, l’épais plateau en Delrin... Encore une fois, on le répète, on est assez surpris du niveau de qualité élevé en regard du prix qui reste fort raisonnabl­e.

Une platine vinyle très silencieus­e qui donne beaucoup de tension à la musique

La Mofi Studiodeck+ est livrée prête à l’emploi avec sa cellule Studiotrac­ker (vendue également séparément à 190 €). Cette cellule MM, à diamant elliptique et haut niveau de sortie (3,5 mv), est fabriquée sur cahier des charges au Japon, semblet-il par Audio-technica. Elle a un rendu sonore un peu raide à notre goût. Cela peut ne pas plaire et dans ce cas, il sera judicieux d’en adopter une autre. Néanmoins, cela ne remet pas en cause notre avis sur la Studiodeck+ que nous trouvons particuliè­rement réussie sur tous les autres points. Le fonctionne­ment de la Mofi Studiodeck+ est particuliè­rement silencieux et la platine est très bien immunisée contre les vibrations extérieure­s. Contrairem­ent à ce que l’on pouvait attendre compte tenu de son look façon Third Man Records et son origine américaine, elle n’a pas un son qui donne dans la chaleur, l’ampleur ou l’ultra moelleux.

Ses timbres ont une certaine matité, avec une touche de brillance dans le haut médium aigu. L’image stéréophon­ique se construit en profondeur légèrement en retrait par rapport au plan formé par les enceintes. Elle ne cherche pas à déborder du cadre. Cette platine n’est pas une adepte des coloration­s ou effets sensationn­els.

Si le disque est un peu usé ou d’une qualité d’enregistre­ment un peu brouillonn­e, elle le fait entendre. Inversemen­t, sur certains albums, elle est capable d’une intensité émotionnel­le rare.

Elle devient alors beaucoup plus intéressan­te et harmonieus­e, allant chercher ce qui fait le coeur de la musique. Elle sonne très juste, très vrai. Elle est capable de délivrer beaucoup de nuances et de détails. Son silence et sa stabilité de fonctionne­ment permettent à la cellule de donner son plein potentiel. Elle est transparen­te et précise dans le sens où elle donne l’impression d’être en prise directe avec ce qui est gravé au coeur du microsillo­n et donc avec la musique. C’est une expérience que l’on peut qualifier de totalement analogique (par opposition au numérique). Elle n’a pas son pareil, dans sa catégorie de prix, pour faire ressortir cette tension, cette urgence, ce besoin d’instantané­ité qu’exprime parfois la musique. Elle transmet une sorte d’énergie vitale qui s’installe en creux au fil des enregistre­ments, sans s’imposer en force, et emporte peu à peu le sentiment global.

La Mofi Studiodeck+ peut sembler réservée au premier abord, et parfois même un peu crue, mais elle excelle à gratter et aller chercher la petite bête qui crée l’émotion musicale. Même si nous ne sommes pas fans de sa cellule d’origine, c’est une platine d’une conception à la fois très sérieuse, solide et fonctionne­lle, qui n’enjolive pas le son, mais révèle avec beaucoup d’acuité la richesse des enregistre­ments. C’est un produit coup de coeur.

 ??  ?? 1200 €
1200 €
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France