Parents

Maman du monde… à Cuba

Elles viennent d’un autre pays, mais c’est en France qu’elles élèvent leurs enfants. Avec un regard imprégné d’une autre culture. Grossesse, éducation, vie quotidienn­e… elles comparent et nous racontent. Récits de mamans d’ici et d’ailleurs.

- ANNA PAMULA ET DOROTHÉE SAADA

« C’est quoi ça ? De la sorcelleri­e ? », m’a demandé une amie française quand je lui ai montré fièrement les albums de naissance de mes enfants. Elle tournait les pages, surprise de découvrir des mèches de cheveux et un petit sachet contenant leur cordon ombilical. À Cuba, nous conservons tout dans un beau livre souvenir. C’est une grande tradition. Accoucher en France m’a beaucoup plu. Demander une péridurale, avoir mon mari à mes côtés ont été deux grands soulagemen­ts. À Cuba, c’est impensable. L’hôpital public est l’unique système existant sur l’île. Tout le monde est logé à la même enseigne et les médecins sont très compétents. Cependant, l’hygiène laisse parfois à désirer car le matériel est relativeme­nt vieux. Je me suis sentie comme une princesse ici, dans une chambre individuel­le, au calme. Il faut dire qu’à Cuba, la grossesse tout comme l’accoucheme­nt sont une fête. Dès qu’on est enceinte, on l’annonce à tout le monde, et à la maternité, parents et amis défilent sans cesse, sans prévenir.

En général, la mère de la jeune accouchée offre aux invités une liqueur de fruits et d’eau-de-vie, appelée Aliñao. La coutume veut qu’elle la prépare dès que sa fille est enceinte et la laisse macérer durant neuf mois. Cette boisson symbolise notre reconnaiss­ance envers l’autre. Ne pas la servir serait un manque aux bonnes manières cubaines.

La situation économique à Cuba nous oblige à vivre avec nos parents, grands-parents et plus encore… Ne pas pouvoir tout partager m’a énormément manqué. Ma mère est venue quelques mois en France pour m’épauler. Elle a pu m’apporter le drap typiquemen­t cubain que les mamies brodent pour la sortie de la maternité des nouveau-nés. Si c’est un garçon, il est jaune et bleu ; pour une fille, jaune et rose. Elle m’a appris les premiers gestes, et aussi à écrire dans un carnet tout ce que faisaient mes bébés les premiers mois. Ainsi, la nuit, nous nous relayions et savions combien ils avaient bu, si on avait changé la couche, etc. Les femmes sont ultra-investies et elles tiennent à leur rôle. D’ailleurs, quand ma maman a vu dans les rues de Paris des papas derrière des poussettes ou avec des portebébés, elle m’a dit « ils sont bizarres ici ! »

Le machisme cubain n’est pas une légende. Câliner, jouer avec son enfant font partie des incontourn­ables, mais se lever la nuit, jamais ! En contrepart­ie, les hommes à Cuba ne mettent pas la pression à leur femme comme en France au sujet des kilos en trop après l’accoucheme­nt. Au contraire ! Ils aiment ce nouvel embonpoint et prient leur compagne de rester un peu enrobées.

Après onze ans passés ici, je me sens devenir française sur certains points. À Cuba, on ne laisse pas pleurer son nourrisson et on le porte en permanence. On dort avec lui pendant environ un an. Mais par contre, quand un enfant fait une bêtise à la maison, dans la rue, au restaurant, partout, on crie et on donne des fessées. Nous avons un tempéramen­t très sanguin. Moi, maintenant, j’éduque à la française. Je me baisse pour parler à mes enfants et je tente de tout leur expliquer calmement. J’instaure un vrai dialogue avec eux et ça me plaît beaucoup. En revanche, je vois qu’ils n’ont pas la liberté que j’ai eue dans mon enfance. Je jouais, seule, pieds nus dans la rue, sans surveillan­ce. Le danger n’existait pas. Nous allons une fois par an là-bas et je les laisse goûter à tout ça, loin de nos craintes parisienne­s. La famille nous manque, et contrairem­ent au reste du monde, nos contacts sont limités. Internet vient de s’installer sur l’île, mais le réseau n’est disponible que dans des cybercafés et le débit est terribleme­nt lent. Pas de Skype ou de vidéos WhatsApp pour voir les grands-parents. Cela me rend triste pour les enfants et ne fait qu’accroître ma nostalgie.

ne mettent pas la pression « Après l’accoucheme­nt, les Cubains qu’elle reperde ses kilos en trop. leur femme, comme en France, pour à un peu enrobée… » Au contraire ! Ils aiment qu’elle reste

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Grethel, 36 ans, est la maman d’Esteban, 7 ans, et d’Andrés, 4 ans « A Cuba, les enfants jouent seuls, parfois pieds nus dans la rue, sans surveillan­ce. »
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MAMANS DU MONDE, LE LIVRE ! Le livre de nos collaborat­rices, qui compile 40 portraits de mamans à travers la planète, est en librairie. Foncez ! “Mamans du monde”, éd. First.
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“A Cuba, on ne laisse pas pleurer son nourrisson et on le porte en permanence.”
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