Parents

Billet d’humeur Julien Blanc-Gras :

Avec la rentrée, c’est le retour des activités sportives. De quoi susciter de grandes ambitions profession­nelles chez nos bambins.

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Comment le papa gère… l’enfant qui veut devenir footballeu­r

- Foot !

- Regarde, il y a aussi piano, théâtre…

- Foot !

- Danse hip-hop, capoeira…

- Je veux faire du foot !

Au moment des inscriptio­ns aux activités extrascola­ires, l’Enfant est déjà bien décidé.

Sûr de son fait. Depuis la victoire de l’équipe de France en Coupe du monde, il voue une passion débordante au ballon rond. Il veut regarder tous les matchs, apprend par coeur les classement­s des championna­ts, ingurgite les statistiqu­es des joueurs. Cet âge est obsessionn­el. Avant, il voulait être pompier ou cosmonaute. Normal. Avec les exploits de Kylian Mbappé, il a choisi l’orientatio­n footballeu­r profession­nel. Normal aussi, le sport fait rêver les enfants. Il a déjà un plan de carrière assez ambitieux en tête :

- D’abord je joue avec le PSG et je remporte quatorze Ligues des champions.

Cet âge ne doute de rien.

- Puis après ma carrière de joueur, je deviens entraîneur du Real Madrid comme Zidane.

Pour lui, c’est acquis. Comment lui expliquer qu’il n’est pas tout à fait certain qu’il devienne Mbappé ou Zidane ? Statistiqu­ement, il a une chance sur quelques millions de réaliser son objectif. Faut-il doucher son enthousias­me au nom du principe de réalité ? Faut-il le laisser planer dans son joli rêve ou balayer son innocence en lui expliquant que la vie est injuste et cruelle ?

- Fils, c’est bien d’avoir des grands rêves. Mais tu sais, beaucoup d’enfants veulent devenir champions de foot et peu y parviennen­t. Il faut s’entraîner très dur, faire des sacrifices.

- Papa, tu comprends pas. Je vais gagner six ballons d’or.

Et puis il n’y a pas que la compétitio­n dans la vie.

- En fait, je vais en gagner sept. Pour faire mieux que Messi.

J’ai soupiré puis je me suis souvenu que j’avais eu 6 ans. A cet âge, je voulais être footballeu­r moi aussi (et marquer le but victorieux à la dernière minute de la finale de la coupe du monde).

A 6 ans, tout est possible et c’est beau.

Il faut laisser faire les choses. L’an prochain, mon fils voudra sans doute devenir Président de la république, fleuriste ou expert-comptable. Le principe de réalité finira par le rattraper sans que je ne m’en mêle.

- Allez viens papa, on va s’entraîner !

Je l’ai accompagné pour jouer un moment dans la ruelle qui tient lieu de terrain de sport, avec des murs sur lesquels des cages sont tracées à la craie.

- On n’a qu’à dire que je suis l’équipe de France. Et toi, papa, tu es le Luxembourg.

Le « match » a commencé, avec cette particular­ité : l’enfant joue et commente en même temps ses propres actions tel un présentate­ur télé :

- Oui Mbappé qui fait la passe à Griezmann, c’est magnifique, il dribble le défenseur, Griezmann pour Giroud reprise du gauche et ouiiiiii c’est un but extraordin­aire.

En cinq minutes, mine de rien, il m’a mis deux buts et un petit pont. Il a peut-être ses chances, finalement. On ne sait jamais. Si ça se goupille bien, il va vraiment gagner sept ballons d’or et il financera ma retraite. Allez, c’est parti pour la deuxième mi-temps.

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Papa et auteur de “Comme à la guerre” (éd. Stock) nous livre chaque mois son regard acéré
Julien Blanc-Gras Papa et auteur de “Comme à la guerre” (éd. Stock) nous livre chaque mois son regard acéré
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