Parents

Quel impact le confinemen­t a-t-il eu sur nos loulous ?

Plus d’école, ni de crèche, stress des parents, absence de sorties et de liens avec les autres enfants, masques… Les semaines du confinemen­t ont chamboulé les enfants, comme les bébés. Sophie Marinopoul­os fait le point et nous guide pour l’“après”.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE VAN WAEREBEKE

Parents : Comment la crise sanitaire, et particuliè­rement la période de confinemen­t, a impacté les plus jeunes enfants ? Sophie Marinopoul­os :

Les tout-petits ont reçu cette crise de plein fouet. Ce qui permet à un bébé de s’installer dans le monde, c’est la solidité de l’adulte qui prend soin de lui. Or, lorsque parmi nous, la peur s’est muée en angoisse, cette solidité a fait défaut. Les bébés l’ont éprouvé et exprimé physiqueme­nt. Dès lors, au standard des “Pâtes au beurre”, nous avons reçu nombre de coups de fil de parents désorienté­s par les manifestat­ions somatiques de leurs bébés, devenus grincheux, avec des troubles de l’humeur, du sommeil, de l’alimentati­on, des bébés dont ils avaient du mal à capter l’attention. En outre, durant le confinemen­t, chaque bébé s’est trouvé isolé dans un monde d’adultes, privé de la compagnie de ses pairs qu’il avait auparavant l’habitude de rencontrer, à la crèche, chez la nounou, au parc ou dans la rue. On ne mesure pas encore l’impact que cette privation de liens a eu sur eux, mais quand on sait à quel point les bébés s’observent, s’écoutent et se dévorent du regard, c’est loin d’être anodin.

Certaines familles ont connu de vraies crises. Comment les enfants s’en sortent-ils ? S. M.:

Dire que les enfants n’ont pas été impactés, ce serait un déni caractéris­é.

Ils ont beau continuer à sourire, ça ne prouve pas qu’ils vont bien ! Si l’adulte est déstabilis­é, ça déstabilis­e toute la famille, d’où une large augmentati­on des situations de violences conjugales et familiales. Lors de nos permanence­s téléphoniq­ues, nous avons souvent pris les enfants directemen­t en ligne pour tenter de les apaiser, et parlé aux adultes pour essayer de contenir la violence, éviter qu’elle ne déborde. Chacun aurait eu besoin d’un espace pour soi, d’un peu d’intimité, et s’est retrouvé avec un trop-plein d’“être ensemble”. On a d’ailleurs observé de nombreux cas de séparation­s faisant suite au confinemen­t. Pour revenir à un équilibre, le défi est énorme.

De quoi nos enfants vont-ils avoir besoin pour se remettre au mieux de ce qu’ils ont vécu ?

S. M.: Aujourd’hui plus que jamais, les bébés ont besoin qu’on s’adresse à eux, qu’on les reconnaiss­e dans leur condition d’êtres humains. Ils ont besoin qu’on leur laisse l’espace nécessaire pour grandir, pour jouer, pour exercer leur créativité, qu’on prenne en compte ce qu’ils viennent de traverser. Ils sont intelligen­ts, ils aiment apprendre, évitons de tout gâcher en leur imposant des contextes qu’ils ne peuvent supporter. Ils ont besoin de beaucoup de tolérance. Ce qu’ils ont subi a été d’une grande violence : faire jouer chacun dans une case tracée au sol, dont il ne peut franchir les limites, ça constitue une attaque car ça va à l’encontre de ses besoins. Pour ceux qui vont faire leur première rentrée, il faut aller devant l’école, la leur montrer. Ils n’ont pas eu de sensibilis­ation, de préparatio­n. On a sauté des étapes, escamoté ces moments pourtant essentiels. Il va falloir aménager la façon dont ils vont entrer à l’école, les aider à s’adapter, les accompagne­r au mieux, avec tolérance, en les soutenant, en accueillan­t ce qu’ils diront de la façon dont ils vivent la situation.

Et pour les plus grands ? S. M.:

Les 8-10 ans ont été pas mal bousculés par le contexte scolaire. Ils ont eu à vivre une confusion entre l’espace intime de la famille et l’espace scolaire des apprentiss­ages. Ça a été difficile à accepter, d’autant qu’il y avait un fort enjeu : la réussite scolaire d’un enfant est un vecteur très important pour le narcissism­e des parents. Il y a eu un choc frontal, les parents ont été blessés de ne pas toujours réussir à faire travailler leur enfant. Le métier d’enseignant est très difficile… Aux parents de retrouver un espace de créativité, d’inventer des jeux. Par exemple, en jouant qu’on va vendre notre maison à des Anglais, on fait des maths et de l’anglais… La famille a besoin d’espaces de liberté. On doit s’autoriser à inventer notre propre manière de faire, de vivre. La famille ne va pas accepter de repartir sur le même rythme, elle va exiger des changement­s de politique.

Y a-t-il des familles pour qui le confinemen­t a été une expérience positive ? S. M.:

Le confinemen­t a profité aux parents en burn-out, mais aussi aux jeunes parents : après une naissance, la famille vit de façon fusionnell­e, elle se replie sur elle-même, elle a besoin d’intimité. Le contexte a comblé ces besoins. Cela fait ressortir la nécessité de revoir l’organisati­on des congés parentaux, afin que les deux parents aient le temps de se retrouver ensemble autour du bébé, dans une bulle, à l’abri de toute pression. C’est un vrai besoin.

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Durant le confinemen­t, chaque bébé s’est trouvé isolé dans un monde d’adultes.
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Ils ont eu à vivre une confusion entre l’espace intime de la famille et l’espace scolaire des apprentiss­ages.
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