Boris Cyrulnik
“Il était fondamental que le congé paternité soit enfin allongé.”
*Commission d’experts autour du développement de l’enfant, créé par Emmanuel Macron en septembre 2019 autour des “1 000 premiers jours de l’enfant”.
« Une mère sécurisée devient une mère sécurisante pour son enfant. »
Neuropsychiatre de référence, Boris Cyrulnik est aussi à la tête de la “Commission des 1000 premiers jours de l’enfant”* et analyse pour Parents les évolutions majeures passées… et à venir !
Parents : Comment ont évolué les parents depuis 1969 ? Nos lectrices de l’époque étaient très jeunes. Quels sont les défis des parents d’aujourd’hui ?
Boris Cyrulnik : Il y a 50 ans, il n’était pas rare qu’une femme soit déjà mère à 18 ou 20 ans. Et la différence avec maintenant, c’est qu’elle était entourée physiquement et affectivement par sa famille, qui l’aidait et lui servait de relais. Aujourd’hui, on observe, notamment grâce aux travaux de Claude de Tychey, qu’il y a de plus en plus de dépressions “prématernelles”, plus qu’après la naissance. Pourquoi ? Une des hypothèses est que la mère qui fait un bébé en 2020 vit souvent loin de sa famille et se retrouve parfois complètement isolée socialement. Quand son bébé naît, elle ne connaît pas les gestes de l’allaitement – elle n’a souvent jamais vu un bébé au sein –, la grand-mère n’est pas là car elle habite loin et a ses propres activités, et le père la laisse seule pour retourner travailler. C’est une très grande violence pour la jeune mère. D’où la nécessité, d’après les travaux de la commission des 1 000 jours, de laisser la possibilité au père de rester près de la mère plus longtemps, en allongeant le congé paternité.
Quelle serait la durée idéale du congé paternité? B.C. :
Certaines études montrent que plus le congé paternité est long, plus la sensibilité du père/second parent à l’enfant est grande. Voilà pourquoi nous proposons d’allonger le congé paternité à 9 semaines, pris de manière flexible : une partie après la naissance et une partie à la fin du congé maternel. Nous proposons aussi que soit mis en place un congé parental de 9 mois (36 semaines) mieux rémunéré (qui correspondrait à un montant minimum de 75 % du revenu perçu quel que soit le statut), partageable entre les parents.
Comment considérait-on les bébés en 1969 ?
B.C. : Les bébés n’étaient ni plus ni moins que des tubes digestifs. On nous apprenait qu’un bébé ne pouvait pas souffrir car on pensait que ses terminaisons nerveuses n’avaient pas fini leur développement (!). Ainsi, jusque dans les années 80-90, on immobilisait les bébés et on les opérait sans anesthésie. De même, on interdisait aux parents de venir voir leurs bébés quand ils étaient hospitalisés.