Parents

Les traditions d’Hacene et la pression familiale le rattrapent. Je prends tout ça comme des contrainte­s.

Vittoria, 31 ans, maman d’Elias, 3 ans, et de Nael, 7 mois.

-

Entre nous, tout a commencé un beau jour de mars 2011, au resto U de la fac. Hacene a malencontr­eusement renversé sur moi un plat de spaghettis bolognaise ! Ça partait plutôt mal. Mais par la suite, et à chaque fois qu’on se croisait, on feignait de renverser nos plateaux. Jusqu’au jour où j’ai invité Hacene à ma table. Et depuis, on ne s’est plus jamais quittés. Tous les deux étudiants en pharma à Bordeaux avec un an d’écart, on a réussi sans grosse difficulté notre cursus et vite trouvé du boulot… Tout était assez facile pour nous à ce niveau-là. On partageait les mêmes passions pour les arts martiaux, pour les randos en haute montagne et pour l’Amérique du Sud, qu’on a visitée en long en large et en travers. Côté gastronomi­e aussi, on était sur la même longueur d’onde. On raffolait tous les deux du couscous et des tagines marocains de la maman d’Hacene, et de la pasta à toutes les sauces, pas que bolognaise, de mes parents, qui tiennent l’un des grands restos italiens de la ville.

Seul sujet de discorde entre nous: la religion. Ma famille est italienne catholique, celle d’Hacene, marocaine musulmane…

On évite aujourd’hui d’en parler parce que c’est un sujet très épineux entre nous. À tel point qu’on a choisi de travailler dans deux officines différente­s de la ville pour ne pas pourrir l’ambiance après les discussion­s houleuses que nous avions au début de notre relation à ce sujet. Je n’oublie pas non plus que les parents et frères et soeurs d’Hacene ont mis du temps à accepter notre histoire… Je me suis longtemps sentie rejetée. Pour notre mariage, il a même fallu organiser deux fêtes : une avec alcool à laquelle la famille d’Hacene n’a pas assisté, et une autre plus traditionn­elle et sans alcool. L’arrivée des enfants a été une autre épreuve, même si j’adore mes fils, évidemment. La question de leur circoncisi­on continue de nous opposer au quotidien. Hacene est POUR, moi totalement CONTRE. Je redoutais justement d’avoir des garçons à cause de ça.

Autre problème : le fait de devoir priver nos garçons de porc, alors que mon père, en bon Modénois qu’il est, cuisine le zampone (pied de porc farci) comme personne. Ce sont les interdits qui m’agacent le plus. Si Hacene était pieux encore, et faisait Ramadan… ce n’est même pas le cas. Certes, on avait parlé de tout ça avant d’avoir les enfants, mais les traditions d’Hacene et la pression familiale le rattrapent. Je prends tout ça comme des contrainte­s. On est pourtant conscients tous deux de la chance qu’ont nos enfants de vivre dans une famille à double culture. Hacene a récemment perdu son papa. Il aura fallu ce drame pour qu’il relativise et passe sur ses principes, se disant que la vie est courte et que nos enfants feront leurs propres choix plus tard.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France