HPA : du technique, du pratique et du Lifestyle
C’est dans leur bureau de la petite couronne parisienne que nous avons rencontré Renaud et Geoffroy Gohin, les deux frères qui gèrent l’entreprise HPA. Ils nous expliquent comment leur micro société a su, au fil des années, s’imposer comme la référence fr
O n a tous avec nous quelque chose d’HPA ! Une pince, un couteau, un sac, une montre, une boîte, une sacoche, un simple sticker... autant de produits qui sont devenus une nécessité au bord de l’eau, que ce soit en pêche ou en navigation, pour des pratiquants qui se veulent de plus en plus vagabonds et minimalistes avec l’explosion ces quinze dernières années de la pêche au leurre. Une activité pointue qui n’a pas été aisée de rendre viable économiquement mais Renaud, 44 ans et patron de l’entreprise argumente ses choix : « la philosophie de l’entreprise est d’avantage de travailler sur des niches que l’on connaît bien que d’être un gros fabricant généraliste. » Ainsi, si HPA qui signifie hectopascal et au logo en forme de tétrapode symbolisant la résistance à la puissance des éléments marins, est aujourd’hui prospère, le chemin, comme bien souvent, n’a pas été de tout repos depuis sa création en 2005.
Des Télécoms à HPA
Les deux frères sont les seuls employés de l’entreprise. Et Geoffroy, de deux ans cadet de Renaud, vient d’arriver dans la boîte voilà
quelques mois. « Je suis très admiratif de ce qu’a fait Renaud seul pendant toutes ces années, il fallait beaucoup de compétences et
d’organisation. » Confie ce dernier. Dans leur petit bureau, où se mélangent papiers administratifs, dessins de produits, sacs, leurres et artefacts persos dans un éparpillement presque ordonné, trône
fièrement sur le mur une photo vue du ciel de la petite ville bretonne de Saint-Jacut-de-la-Mer. Une image hautement symbolique pour ces deux parisiens qui doivent beaucoup à cette charmante bourgade dans leur réussite : « nos parents ont une maison secondaire dans ce village et on y a passé toutes nos vacances. C’est comme ça qu’on s’est passionnés pour les activités nautiques. On y a fait beaucoup de planche et de chasse sous-marine notamment. » A cette expérience de la mer s’ajoute pour Renaud, le fondateur, une formation de commercial à la prestigieuse ESSEC. Il livre les détails de la création de la marque HPA.
« A la sortie de mes études, j’ai travaillé dans les télécoms au moment de la libération des marchés, puis j’ai évolué vers une boîte américaine d’infrastructure web à un poste de direction commerciale qui a fermé ses portes au moment de l’éclatement de la bulle d’Internet au tout début des années 2000. A ce moment-là, je me suis associé à un ami qui avait une expérience de l’import- export en Chine et qui souhaitait lancer une entreprise de matériel de plongée, Ralf
Tech. On a connu un joli succès un peu partout dans le monde, mais à cause d’une mauvaise gestion on a déposé le bilan. Entre temps en 2005, j’ai créé l’enseigne HPA au sein de Ralf Tech. » Mais comment Renaud a-t-il eu ce déclic ?
« Je me suis sérieusement mis à la pêche aux leurres autour de 20032004 et je me suis vite aperçu qu’il n’y avait pas beaucoup d’offre accessoire pour cette pratique. Plus précisément j’avais plein de leurres et je ne savais pas comment les ranger. Je suis parti sur deux lignes directrices : que ce soit résistant aux éléments et que ce soit malin et pratique. » A cela s’ajoute une volonté farouche de développer une philosophie de marque : le lifestyle. « Le travail de l’image de la marque est essentiel, quitte à ne pas vendre au maximum. Les Chinois ont un vrai savoir-faire, mais pour tout ce qui est marketing c’est moyen. » Précise-t-il.
2007-2014 : fort développement, petits profits
Renaud commence donc à concevoir une gamme qu’il présente à
“On adore la pêche mais on est pas non plus obnubilés. L’ouverture à d’autres domaines a permis de faire de la marge. Je pense que s’ouvrir est aujourd’hui vital pour une entreprise de niche.“
Jean-Marc Lanchier, Géo Trouvetou de la pêche qui est, entre autres, l’inventeur du Vitala. Ça lui plaît, la mayonnaise prend et peu de temps après les premiers articles commencent à être vendus en magasin ; nous sommes alors en 2005. Deux ans après Ralf Tech met la clef sous la porte et Renaud peut enfin se consacrer à 100% à son bébé. « Je suis reparti de zéro. Nouveau fournisseur, nouveaux produits, nouvelle distribution. Aujourd’hui c’est Navicom qui s’occupe de cette
partie, c’est une boîte qui a un pied dans la pêche et un autre dans le
nautisme et ça nous plaît bien. » De son propre aveu, les débuts n’ont pas été faciles. Tout juste à l’équilibre budgétaire, il a fallu s’accrocher pendant plusieurs années car les tentations d’abandon étaient fréquentes. En 2009, il lance la vente en ligne qui permet à HPA d’être dans la tendance mais lui fait perdre des revendeurs. Même s’il concède avoir fait un peu de marge grâce à cela, HPA stagne jusqu’en 2014. « A cette date là, je me suis dit qu’il fallait que je me diversifie. Et puis pour être honnête, si j’adore la pêche, je ne suis pas obnubilé par ça et suis ouvert à tout. Ça me plaît bien de faire d’autres choses. Je ne comprends pas pourquoi certaines boîtes ne s’ouvrent pas plus à d’autres domaines d’activité. »
Diversification de l’offre et nouveaux marchés
Le vélo, autre passion de Renaud qu’il pratique en cross country dans la forêt de Meudon, sera son salut.
« Au moment de l’émergence du mouvement des livraisons à deux roues, je me suis approché des entreprises de coursier pour leur
proposer des produits. J’ai alors commencé à fournir les enseignes de transport à domicile que sont par
exemple Foodora et Take eat easy. » C’est aussi là la qualité d’un chef d’entreprise ; être à l’affût des tendances sociales, or la logistique urbaine est en pleine mutation. Pour preuve, le nombre de vélos à Paris a triplé en moins de dix ans. « Dans la ruée vers l’or, les seuls qui se soient enrichis à coup sûr se sont ceux qui vendaient des pelles et des pioches. C’est ce qu’on essaye de faire. » Et la diversification de l’offre ne s’arrête pas là, car Renaud a également empocher des contrats avec des structures aussi prestigieuses et gratifiantes que la SNSM et les forces spéciales françaises qu’il équipe en partie. « Les produits que j’ai conçus pour cet emploi et qui sont souvent très techniques sont devenus une véritable manne depuis trois ans. Et c’est ainsi que j’ai pu accueillir Geoffroy. »
HPA aujourd’hui
Des produits techniques qui nécessitent de la crédibilité pour être vendus à de tels clients (militaires,sauveteurs...).
Or Renaud n’est pas technicien, c’est un commercial.
« J’ai beaucoup appris sur le tas. Je suis dans un métier où on doit savoir tout faire. J’ai aussi beaucoup fait appel aux sous-traitants notamment pour finaliser les plans techniques que je devais envoyer aux usines en Chine tandis que je ne savais pas dessiner. Aujourd’hui, l’arrivée de Geoffroy m’a permis d’avoir plus d’autonomie en interne et donc d’améliorer les marges. » Geoffroy qui est issu d’une formation d’ingénieur aux Arts et Métiers et qui a travaillé plus de dix ans chez Aquarelle est tout aussi heureux que son frère de se retrouver là. « J’ai une véritable affinité au produit et Renaud et moi sommes complémentaires. » En effet, cet ingénieur développement, qui se définit comme “ingénieur bricoleur”, est un véritable touche à tout : programmation, webmarketing, dessin de produits par ordinateur... Le stratège et le technicien se retrouvent toutefois sur une tâche bien précise, celle du manutentionnaire (faire des colis, porter des cartons, inventaire) qui représente tout de même un quart de leur travail.
Un développement à l’international
« Les compétences de Geoffroy m’ont clairement déchargé, je peux à nouveau me concentrer plus sérieusement sur le marché de la pêche qui me passionne et qui est le socle de la marque. »
Malgré la bonne santé, les contraintes restent bien présentes « ce ne sont que des petits marchés et on est dans un métier où il faut aller vite car on est rapidement copié et les plus grands copieurs sont Français. » Il y a aussi les problèmes de fournisseurs sur des éléments de produits particulièrement importants pour lesquels « j’ai fait plusieurs années de sourcing avant de trouver des fermetures éclairs bon marché et de bonne qualité. » Autre souci, l’acceptation d’un produit par le client « ça prend
en moyenne deux à trois ans. » En 2017, HPA a fait un million d’euros de chiffre d’affaires et jouit d’une belle notoriété internationale sur les produits exo, notamment en Australie et en Turquie avec, par exemple, la pince Game Player et prévoit un développement en Angleterre. En France sa réputation n’est pas à faire grâce à son originalité, de nombreux prostaffs et guides qui utilisent ses produits et véhiculent son image lifestyle mais aussi et surtout un SAV béton. Désormais l’enseigne se concentre sur le développement de tee-shirts et de stickers, toujours pour cette fameuse image, souhaiterait faire des produits pour la mouche et pourquoi pas développer des leurres. Puisse cet exemple donner des idées à une nouvelle génération qui, à juste titre, s’inquiète pour son avenir…