Empile ou traînard ?
Cette question est récurrente chez les pêcheurs en surfcasting... Les méditerranéens répondront souvent « traînard » , les autres répondront « empile » ! Alors, où se situe la vérité ?
E n matière de pêche, l’expérience peut conduire à penser qu’aucune vérité ne peut subsister plus longtemps que les exceptions qui viennent la contredire. En matière de montage, la bipolarité apparente qui existe entre le traînard et l’empile a fait long feu. On a très longtemps pensé que le traînard pêchait au fond, et l’empile entre deux eaux. Certes, cela est possible, mais dans certains cas uniquement. Concrètement, si on prend en compte l’inclinaison de la ligne, on ne peut qu’admettre par l’évidence concernée que plus le montage est éloigné, et plus l’angle qu’il forme avec le fond est fermé ( faible). Donc, plus le montage est éloigné de la canne, plus il est proche du fond... et donc en vérité : il est posé au fond. Qu’il s’agisse d’un traînard ou d’une empile, ils sont posés au fond. La vérité selon laquelle l’empile est suspendue est donc une petite part de vérité qui est uniquement liée à l’éloignement du montage. Si la ligne est lancée à 30 mètres du bord, alors l’angle résiduel étant bien ouvert, l’empile a une chance d’être effectivement suspendue. En pratique, et dans la réalité des faits, les montages sont quasiment toujours plus éloignés que ces prétendus 30 mètres. On peut donc conclure que les empiles, comme les traînards, traînent toujours au fond… et par redondance, le choix entre les unes ou les autres ne peut être fait selon la définition qui en est habituellement retenue. Comment donc choisir dans ces conditions ?
Comprendre la mécanique du mouvement
Sous l’eau, seule la roche est immobile. Je dis la roche, mais cela peut aussi être des éléments apportés par l’humain, comme des blocs de béton ou autres. Bien. Sur une plage, on peut trouver des roches ou des blocs de béton, mais en dehors de ces éléments plus rares que le reste, tout est en mouvement. Les poissons vivent dans un environnement où leur nourriture bouge tout le temps. Même les coquillages bougent dans le sable… Les poissons ont l’habitude de tout ce mouvement. Ils voient même parfois passer leur nourriture devant leur nez. Imaginez voir passer dans le vent un saumon fumé… comme la feuille qui est emportée par l’air frais d’un matin d’automne ! Un peu de poésie peut faire place à l’image. Revenons- en à nos moutons : tout est mouvement, et le poisson a l’habitude de courir après ses proies, et même lorsqu’elles sont mortes ( comme le coquillage mort après la tempête), elles bougent, sous l’effet de l’eau qui est en mouvement
Quandlecourant est bien présent, tout sembleplusfacile!»
quasi perpétuel. Les marées, les courants, les vagues, tout ceci donne la vie et la dynamique du mouvement. De ce fait, ce qui est immobile n’est par définition pas vivant ! Tout ce qui ne bouge pas de façon naturelle est suspect ! Tout ce qui a un comportement bizarre est potentiellement dangereux. Aucun poisson n’a encore jamais vu un ver avec un fil à la patte, et un hameçon dans le corps… Enfin, ça se saurait. Ce qui va déterminer le choix entre le traînard et l’empile est donc la façon dont l’appât se comporte, en fonction des éléments que la nature nous met à disposition : les vagues et les courants.
L’environnement et le comportement de l’appât
Partons de ce que la nature nous propose, et uniquement de là. Sous l’eau, quand la mer est en mouvement, les appâts le sont aussi. En raison des risques d’emmêlement liés à la présence du plomb, le traînard devient difficile à employer, même s’il existe des solutions techniques qui permettent de réduire les problèmes. Nous partons donc du constat de base qui consiste à privilégier les empiles, plus courtes, lorsque la mer est agitée. A l’inverse, lorsque la mer est calme, les appâts ne bougent pas. Il sont donc souvent posés au sol, et on peut imaginer que le traînard est alors une excellente proposition pour éloigner l’appât du plomb et du reste du montage. Tout ceci est la théorie qui, pour moi, ne s’applique pas réellement dans les faits. Je choisis entre les deux montages en fonction d’autres critères. Ce que je recherche : adapter le plus précisément possible le comportement des mes appâts aux conditions naturelles que propose la mer. J’essaie de mettre la « navigation » des esches en cohérence avec le flot. En somme, je donne tou-
jours le maximum d’amplitude de mouvement à mes appâts. Alors la problématique est bien différente de celle évoquée au paragraphe précédent. L’utilisation d’un traînard est justifiée qu’il y ait du courant ou non, et les empiles peuvent être efficaces que la mer soit mauvaise ou calme ! Ce qui va entrer alors en jeu est la capacité du montage à résister à l’emmêlement. S’il y a des vagues, les risques d’emmêlements sont importants. Les appâts sont brassés, ils montent et descendent au rythme des rouleaux et de la houle. Dans ces conditions, il est fort probable qu’un traînard s’emmêle autour du corps de ligne, ou du plomb. Si le courant est de la partie, alors l’effet des vagues est atténué puisque le traînard est « étalé » , allongé par la pression latérale du courant. Ces données nous donnent une autre lecture de la façon dont nous devons faire notre choix : en présence de courant, le traînard devient très efficace à condition que les vagues ne soient pas dominantes sur le courant. En l’absence de vagues, préférez le traînard, et surtout allongez- le. Un traînard de 3 mètres est bien plus efficace qu’un traînard de 1 mètre. Inversement, si le courant est dominé par les vagues, préférez les empiles. Elles résisteront mieux au brassage à condition, bien entendu, qu’elles ne soient ni trop longues, ni de trop faible diamètre.
Les cas particuliers
Il y a des cas particuliers qui peuvent justifier plutôt tel montage ou plutôt tel autre. Le premier cas est lorsque l’espèce que l’on recherche est exigeante. Par exemple, les marbrés mangent essentiellement sur le fond. Ils sont donc susceptibles de prendre aussi bien sur un traînard que sur un montage à empiles. Pourtant, comme ils sont très sensibles au niveau de la gueule, ils refusent très facilement un appât qui montre la moindre résistance, ou qui n’a pas un comportement vraiment naturel. Pour ce poisson, le traînard est préférable, car il accorde plus de réalisme et moins de résistance quand il engame l’appât. Pour les poissons plats qui mangent au fond, comme la sole, le montage à empiles est privilégié. On peut présenter deux ou trois appâts à même le sol, et restreindre les mouvements sur le fond. Cela facilite la localisation et cela aide les poissons plats dont les yeux sont situés « sur » la tête, à couvrir les esches, et donc à les localiser. Prenons un autre exemple : le bar. Le bar ne mange pas comme un Sparidé. Il ne saisit pas par le bout des lèvres. Il engame, il aspire ses proies. Si vous pêchez au fond avec un traînard, il faut de l’amplitude. Le poisson doit pouvoir décoller l’appât du fond ( d’un coup de queue) pour se retourner et l’aspirer alors qu’il est encore en suspension. Si le traînard est trop court, l’appât retombe immédiatement, et cela est suspect. Le bar peut aussi se pêcher avec des empiles, et avec succès, mais dans d’autres conditions. En pêche à courte distance, un montage à empiles permet une suspension des empiles, et comme elles sont en suspension, le bar peut facilement les engamer. Dès que les lancers doivent être allongés, il faut également tenter d’allonger les empiles, pour que les appâts puissent décoller du sol, sous l’effet de la houle et des vagues ( ou du courant). Voici la manière de choisir entre un traînard et des empiles. Le pêcheur peut établir toutes les stratégies qu’il désire, mais rien ne peut lui faire échapper aux règles de la nature. En surfcasting, comme dans toutes les autres techniques de pêche, chaque choix technique implique une conséquence sur l’appât ( ou sur le leurre). Si la technique est réfléchie pour tromper le poisson, on passe souvent à côté de beaucoup de choses. Si elle est réfléchie pour rassurer le poisson, alors on arrive plus facilement à s’approcher de ce qu’il connaît.