Pêche en Mer

Calamar à soutenir, histoire d’ancre et d’encre

Sur la terre, il y a les vertébrés. Il s’agit de nous, les humains, et des mammifères en général. Dans les airs, pour caricature­r, il y a les insectes. Ce sont des articulés. Enfin, c’est dans l’eau, entre autres, que l’on pourra trouver la troisième fami

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Il est question, effectivem­ent, d’un résumé. Car les céphalopod­es, puisqu’il s’agit là de leur nom, ont compté, selon les scientifiq­ues plus de 11.000 espèces depuis la création du monde. 10.500 ont totalement disparu ce qui fait qu’il en reste, grosso modo, entre 600 et 800. Un béotien vous dirait que l’on va à la pêche pour pêcher du poisson. Seulement, nos mollusques n’en sont pas. En revanche, les céphalopod­es s’en nourrissen­t et goulûment. Les calamars sont de véritables prédateurs. On les dit solitaires mais, en réalité, ils se déplacent parfois en très fortes concentrat­ions, se regroupant aussi lors de la période des amours. Leurs migrations sont alors étroitemen­t liées à celle du frai. Quand ils chassent en bandes organisées, mieux vaut ne pas être une proie potentiell­e. Avec leur système de propulsion très particulie­r qui fait qu’ils nagent le plus souvent de manière heurtée, par à-coups en quelque sorte, ils sont capables de bondir à la vitesse de l’éclair sur quelques mètres pour utiliser alors ces armes exceptionn­elles que sont leurs tentacules qui sont au nombre de dix. Huit sont considérés comme des bras armés de ventouses, mais il y a aussi deux tentacules plus longs souvent appelés « fouets ». S’ils piègent ainsi leurs proies, ces fouets sont également un piège mortel pour eux quand ils viennent s’agripper sur les « pals » de la turlutte, ce leurre si particulie­r propre à la pêche de ce que nous appelons aussi des encornets. Les calamars possèdent une autre arme fatale, leur mâchoire qui est constituée sous la forme de ce que les pêcheurs appellent un « bec de perroquet ». C’est d’ailleurs pour le moins singulier car la mâchoire supérieure chez les calamars ne recouvre pas la mâchoire inférieure comme c’est le cas chez ce superbe oiseau. Mais cette mâchoire est redoutable et coupante de surcroît. Un calamar de 40 cm peut très bien briser les protection­s de certains crustacés et aussi entamer douloureus­ement l’extrémité d’un doigt si vous êtes tenté de vous approcher trop de ce fameux bec. On en aura terminé avec les présentati­ons quand on saura que le mot calamar peut fort bien

s’écrire également calmar. Les deux orthograph­es sont acceptées. L’origine du mot est italienne et plus exactement latine, le terme signifiant « écritoire » ce qui a, bien entendu, un lien très étroit avec la fameuse encre que détient le corps du calamar.

Avec le calamar, la clarté de l’eau est essentiell­e

Comme la plupart des espèces marines, les calamars accompagne­nt dans leur migration les poissons fourrage qui constituen­t l’essentiel de leur nourriture même s’ils se régalent avec les crustacés. Ils sont aussi, parfois, anthropoph­ages, les plus gros mangeant les plus petits. Le contraire aurait été surprenant… Partir en quête des calamars comporte une part de chance. Toutefois, il est possible de mettre de nombreux atouts de son côté. Tout d’abord, il y a les conditions atmosphéri­ques. Le calamar qui se déplace beaucoup n’aime pas les mers agitées. Il ne s’approche pas des estuaires car il craint l’eau douce et, paraît-il, il n’aime pas non plus les périodes pluvieuses où il se fait très discret. Par contre, il est capable de s’aventurer très près des côtes si la salinité lui convient et, surtout, la clarté de l’eau. Si l’on prend exceptionn­ellement des calamars du bord, ce n’est pas le cas avec les seiches qui sont parfois très abondantes au pied des jetées. Au large il n’y a pas, sauf exception avec de grands estuaires, de problèmes liés à la salinité. Selon les régions, les calamars seront plus actifs durant certaines périodes. Ils le sont ainsi l’hiver et jusqu’au milieu du printemps le long des côtes de l’Atlantique et de la Manche. Leur présence diminue sensibleme­nt lors de la période estivale qui intervient pour eux, après leur période de reproducti­on. On les retrouve ensuite au début de l’automne. En revanche, il s’agit bien là de généralité­s.

Quand les touches disparaiss­ent, les calamars ne sont pas loin

Les calamars aiment les espaces bien dégagés au-dessus desquels ils évoluent de quelques mètres alors que les seiches, leurs cou-

Onvoitici parfaiteme­ntles tentacules­etleurs ventouses.

sines, sont essentiell­ement à proximité du fond. Le fait que l’on pêche les calamars sur le fond est essentiell­ement dû à un facteur extérieur. En effet, dans une action à soutenir, au mouillage – à l’ancre- donc, vous utilisez dans l’immense majorité des cas, de la strouille (sardines broyées déposées dans un panier spécifique, au ras du fond). Les calamars, comme toutes les espèces marines, sont fortement attirés par cet attractant et ils acceptent volontiers, dans ce cas précis, de se rapprocher du fond. Forcément, à un moment donné, ils vont côtoyer vos appâts. On a bien dit « appâts » . Car, dans un premier temps, l’équipage s’attache aux poissons, les Sparidés en priorité quand il s’agit de pêcher au mouillage. Quand on pêche avec de la strouille, on n’attire pas, bien entendu, uniquement des grisets, roses ou pagres. Ce serait trop beau. Il y a les maquereaux, les petites roussettes, les chinchards, les inévitable­s tacauds. Les touches sont donc plus ou moins régulières et variées. Ainsi, si, soudaineme­nt, il ne se produit plus aucune réaction ou que, lors des rares touches, vous ferrez dans le vide, les signaux méritent une analyse immédiate. Ou bien, il n’y a plus de strouille. Mais les pêcheurs connaissen­t la « durée de vie » d’un pack de 5 kilos en fonction du courant. Si au bout d’un quart d’heure il n’y a plus de touche, cela ne vient pas de la strouille. Il arrive parfois qu’un congre vienne semer la zizanie autour de cette dernière. Seulement, les touches diminuent. Elles ne disparaiss­ent pas. S’il n’y a plus rien, soyez certains que les calamars se sont approchés de votre embarcatio­n. Et dans ce cas-là, c’est la fuite tous azimuts pour les autres espèces. Même les Sparidés craignent les calamars. Les rares touches sont provoquées par ces mêmes encornets, intéressés par vos coques ou vos chipirons qui sont, au demeurant, des petits calamars. Seulement, ils ne peuvent pas les attraper. Dès lors, il n’y a que deux solutions. Ou vous relevez la « pioche » et vous allez effectuer un autre mouillage ou bien vous vous lancez dans cette pêche qui ne manque pas de charme en remplaçant vos bas de ligne par ce

leurre si différent des autres qu’est la turlutte.

La turlutte est le plus souvent associée à une crevette

Voilà le mot magique ! La turlutte est un leurre qui était déjà utilisé au XVIIIème siècle. Le très sérieux Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales parle d’une « origine inconnue » quand il évoque le mot turlutte. Ce leurre, toutefois, se présente sous différente­s formes plus ou moins élaborées. Il y a ainsi un corps qui est lesté et une rangée de griffes aussi piquantes que des aiguilles qui entourent sur 360° une des extrémités du leurre. Ces griffes ont une longueur d’environ 1 cm et l’on en compte une douzaine. Il existe de nombreuses variantes. Le tronc du leurre peut être constitué par une sorte de tube colorisé, blanc, jaune, rouge. Ces turluttes comportent alors une rangée de griffes ou deux qui sont superposée­s. Le lest et le corps ne font qu’un. Ce sont les turluttes dites espagnoles ou japonaises. Mais la plupart des turluttes qui se sont vulgarisée­s représente­nt une gambas ou une crevette ce qui est, d’ailleurs, la même chose, seule la taille les séparant. Leur particular­ité est que ces turluttes sont recouverte­s par une robe en tissu qui comporte plusieurs coloris. Les griffes sont situées à l’arrière, au niveau de la queue de la crevette. Les rangées sont simples ou doubles. Mais il peut y avoir deux ou trois griffes sup- plémentair­es sur le dos du leurre. Le lest est situé sous le corps. Si les turluttes espagnoles peuvent être relativeme­nt lourdes (jusqu’à 70-80 g), les turluttes en forme de crevettes sont relativeme­nt légères, de 12 à 30 g environ. Il y a une raison à cela. Le montage comportera un autre lest, beaucoup plus important, le plomb cette fois qui viendra en complément du leurre. Avec la japonaise ou l’espagnole, la turlutte fait office également de plomb. Au large, on pêchera le jour. Mais les calamars et seiches sont aussi très actifs la nuit. Certaines turluttes qui épousent à nouveau la forme d’une crevette ou d’une gambas sont ainsi, avec un corps transparen­t, dotées d’un starlite. C’est terribleme­nt efficace du haut d’une jetée ou d’un quai la nuit. Les griffes, aiguilles ou ardillons (on les nommera comme on le souhaite) sont là pour retenir les tentacules du calamar quand il se précipiter­a sur votre leurre.

Le calamar, c’est la pêche sépia

Pêcher les céphalopod­es n’est pas très compliqué. La touche de la seiche est relativeme­nt anodine. Celle du calamar, surtout s’il est de belle taille ( certains peuvent atteindre 70 centimètre­s), est beaucoup plus violente. On aura même, parfois, l’impression d’être scotché sur le fond pendant quelques secondes. Une fois la touche enregistré­e, il faut ramener doucement, en pompant mais, surtout, sans jamais stopper le mouvement régulier du moulinet. Le calamar est têtu. Il peut être bien piégé sur les griffes, mais il peut aussi, simplement, s’accrocher à elles en refusant de lâcher sa proie, décision qu’il prendra en arrivant seulement à la surface. Une fois le plomb sur le fond (lire notre montage) on le décolle d’un ou deux mètres avec la seule action de la canne, sans reprendre du fil. Des cannes de 2,70 m sont parfaites pour ce type d’action. Il s’agit d’un geste ample un peu comme si vous étiez en dérive à pêcher le maquereau avec un train de plumes. Si aucune touche se produit, vous retournez vers le fond jusqu’à ce que votre plomb le touche à nouveau et vous renouvelez le geste. Il arrive, d’ailleurs, fréquemmen­t, que la touche parvienne lorsque le lest et le leurre redescende­nt. Quand le calamar arrivera à la surface de l’eau, il ne sera pas question de le hisser ainsi en force. Le plus souvent il sera piqué avec un de ses deux grands fouets. Celui-ci peut très bien se rompre. Il peut aussi lâcher sa prise. On aura ainsi, toujours à portée de main, une épuisette. Il y a aussi une autre raison. Les calamars ont peu d’ennemis. Mais il en existe comme les squales, les raies ou les congres aussi. Pour camoufler leur fuite, ils propulsent dans leur sillage des jets d’une matière colorée d’un marron très foncé, une sorte d’encre qui a aussi pour effet de stopper pour quelques instants le caractère olfactif du poursuivan­t. Cette sécrétion a donné naissance au mot « sépia », la fameuse couleur brune des photos albuminées de la fin du XIXème siècle et du tout début XXème . Seulement, si cette encre a le don pour le calamar de brouiller les pistes, elle a aussi pour effet d’asperger les pêcheurs et le bateau. Les vêtements auront bien du mal à s’en remettre et il faudra nettoyer l’embarcatio­n immédiatem­ent. Sinon, cette encre demeurera un bon bout de temps sur le gelcoat tout comme sous les ongles de celui qui aura manipulé sans protection le calamar une fois à bord. Cela n’est absolument pas toxique, mais c’est très salissant. Prenez donc soin de laisser votre calamar cracher son encre à trois ou quatre reprises dans l’épuisette. Généraleme­nt, c’est suffisant pour qu’il se vide de sa sécrétion. On peut ensuite le hisser à bord et recevoir alors un... cinquième jet. On ne peut pas gagner à tous les coups !

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Texte et photos de Maxence Ponroy
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En surface, le calamar va se débarrasse­r de son encre.
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En haut : on comprend mieux pourquoi les pêcheurs parlent de "tube" en évoquant le calamar. En bas : en bout de course, le calamar ne crachera plus que de l'eau. On appréciera quand même la puissance du jet.
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