Le bar, poisson fédérateur
Il existe tant de clubs de pêche, tant de choses faites et réalisées autour du bar, tant de livres et d’articles qui traitent de lui que ce poisson est un quasi Dieu si l’on regarde tout cela d’un oeil objectif. Beaucoup le pêchent encore pour eux- mêmes, et cela peut être juste. Pourtant, ce poisson est une passion. Une passion qui pourrait unir les pêcheurs entre eux au- delà des egos.
Al’heure où son avenir semble déjà décidé, je propose ici de le décrire comme un moyen de créer une véritable ouverture aux autres et à la nature. Tant de choses restent à inventer sur le plan de la relation avec la nature. Le partage des places de bateau (pourquoi partir à deux sur un seul bateau qui peut accueillir quatre pêcheurs ?), le partage des connaissances, entre personnes responsables qui rejettent les poissons au lieu de se rejeter elles-mêmes. Ce que je vois depuis des années, c’est une passion très forte pour ce poisson. L’ayant cultivée moimême, j’ai la joie et le bonheur d’en ressentir toute la portée philosophique. Être un pêcheur de bars, c’est rechercher en permanence un échange, un point de connexion avec un animal, c’est rechercher le lien avec la nature. Ce poisson est exigeant, mais tout aussi généreux. Je le pense fédérateur dans le sens où il permet un si grand nombre d’échanges entre humains qu’il pourrait aussi facilement créer cette unité qui souvent nous manque. Il existe des clubs dédiés au bar, des sites Internet, des livres, des films, des salons majoritairement dédiés à sa personne, des vêtements, du matériel, des bateaux équipés spécifiquement pour lui, des concours qui lui sont destinés, des peintres le peignent, des sculpteurs lui donnent forme, et surtout, il valorise son pêcheur... Les pêcheurs parlent entre eux de la dernière partie de pêche, ils échangent autour d’une table ou en maniant la canne, les familles se réjouissent quand il s’agit de le consommer. Ce poisson est bien plus qu’une star de la chanson, il génère une manne commerciale bien plus importante d’ailleurs. Ce poisson n’est pas qu’une icône, il est la meilleure raison de se rassembler à l’heure où certains n’ont encore rien compris. Je voudrais toucher du doigt une potentielle réalité qui nous est envisagée pour demain : l’interdiction totale de tout prélèvement de l’espèce. Cette décision est une fois de plus dans l’excès, et bien entendu à deux vitesses. Elle ne concerne qu’une partie des côtes, alors que le sud de la France est encore plus touché par la raréfaction du bar. Alors ce qui suit n’engage que son auteur : je ne trouve pas ridicule d’interdire
le prélèvement pendant une période de l’année, voire même durant une année, ou deux. Si cela est nécessaire pour la survie de l’espèce, alors soit. Nous y serons gagnants. Cela dit, l’interdiction doit être nationale, européenne, et pour tous. De plus, qui dit prélèvement (donc tuer) ne suppose pas d’interdire aussi la pratique de la pêche avec relâche obligatoire. Au lieu d’interdire par facilité, sous d’obscures tractations lobbyistes, encadrons et responsabilisons-nous aussi. Cette aparté terminé, revenons-en à nos bars, et à notre monde. Nous opposer à nos politiques semble devenir une règle compte tenu de l’aveuglement de certains. Nous opposer pourquoi ? Comment ? En nous unissant, faire de tous un seul. Certes je joue ici l’utopiste en puissance, mais je l’accepte. S’unir n’est pas que politique. Créer une unité puissante suppose du réalisme et de la vérité. Sommes-nous en mesure de faire parler la voie du milieu, celle qui intègre toutes les parties dans un équilibre qui soit profitable à tous ? Le bar est un moyen d’échanges... tous les échanges. Il est celui par lequel nous pouvons repenser la pêche de demain, une pêche qui intègre le respect de la nature, le développement d’économies nouvelles, de nouveaux métiers, et le développement d’autres bien plus anciens, mais réalistes. Tant de choses restent à faire.
Tournons un instant autour d’un simple mot : partage
Partager les places de bateau, cela se fait déjà, mais ne peut-on pas l’amplifier de sorte à permettre à ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter un bateau d’y accéder. Cela suppose naturellement un partage des frais de navigation, et aussi un partage du fruit de la pêche. Partager les connaissances, cela se fait déjà, mais
ne peut-on pas l’amplifier de sorte à intégrer d’autres connaissances que celles qui ne conduisent qu’à la prise du poisson ? Les connaissances de la mer, de la nature, de la navigation sont tout aussi importantes que la seule prise du poisson. Ces connaissances sont à l’attention de tous, jeunes et moins jeunes, elles sont l’or de l’humanité. Partager les tâches ingrates, et là il y a beaucoup à faire. Nettoyer les mers, les plages, et les ports. Certes, on me dira que les collectivités locales peuvent s’en charger avec l’argent qu’elles nous prennent. La boîte de vers en polystyrène restera donc dans les rochers et finira dans la mer, de même que les restes en plastique du pique-nique de la veille. Créer chaque année des efforts communs en vue d’agir pour la nature, et pas uniquement pour soi-même est précisément le genre de choses qui font la force d’un collectif. J’entends bien ne rien inventer ici, et je sais à quel point la plupart d’entre vous donnent déjà beaucoup. Pourtant nous tournons toujours autour d’un pot qui n’enfante toujours que les mêmes hérésies. Il y a aujourd’hui des personnes qui oeuvrent véritablement pour le changement. Certaines le font avec orgueil et préjugés, mais malgré cela ce qu’elles font n’est jamais totalement inutile. D’autres le font sans moyens, mais avec le coeur, et ce qu’elles font n’est jamais totalement inutile. Si tant de personnes différentes font des choses similaires, pourquoi ne pas les réunir, avec la seule ambition que de sauver une espèce, et sans notion de temps. Je m’explique : les actions à poser aujourd’hui concernant le bar n’ont rien de bien différent de celles que l’humanité doit poser pour la planète. Des milliers de scientifiques alertent depuis des années sur les risques que nous encourrons. Alors sauver l’espèce bar n’est pas pour que chacun puisse ramener demain des sacs pleins de poissons. Sauver l’espèce bar, c’est aussi sauver la pêche dans son ensemble, et cela ne pourra se faire qu’en redéfinissant définitivement le rapport de l’homme à la nature. Si chaque mouvement qui se crée est voué à se scinder pour des questions secondaires d’ego ou de relations entre les hommes, c’est la branche qui est sciée à chaque fois. Tant de clubs se sont scindés de la sorte, et tant de belles initiatives ont été tuées dans l’oeuf avant d’avoir pu éclore. La seule chose qui compte est le poisson, et pour toucher le but que chacun aimerait atteindre, il faut accepter.
Responsables
Accepter que nous sommes tous en partie au moins responsables de la situation actuelle. Si nous sommes unis, nous le sommes pour les erreurs de nos semblables aussi. Alors à nous de régler chez nous nos problèmes pour ensuite exiger des autres qu’ils le fassent euxmêmes. Accepter ce qui peut parfois nous paraître inacceptable, comme par exemple les notions de quota. Parce que le monde change et que la planète compte aujourd’hui plus de 7 milliards d’individus, on ne peut continuer à puiser dans la mer
comme on le faisait auparavant. Accepter que si notre monde de la pêche (en France) n’est pas entendu, c’est peut- être aussi parce que la pêche tend à s’épuiser. Moins il y a de poissons dans l’eau, moins il y a de pêcheurs en mer, et sur ses côtes. Les clubs de pêche s’épuisent, les écoles disparaissent. Les fédérations se fragmentent, les revues disparaissent, les concours s’étiolent. Alors que les jeunes enfants sont toujours autant émerveillés par la nature, avons-nous su adapter notre passion à l’évolution du monde ? La technologie seule a suivi la dynamique d’évolution du monde. L’électronique embarquée a déferlé sur les cockpits, offrant toujours plus de précision, et de potentiel. En même temps, les notions de pêche responsable ont trouvé racine, mais elles poussent nettement moins vite. Si on regarde bien, ce que nous vivons avec le bar est précisément ce que vit l’humanité toute entière. Les états se font la guerre pour le contrôle de l’accès aux énergies, les pêcheurs se font la guerre pour le contrôle de l’accès aux stocks de poissons. Les peuples se font la guerre pour le pouvoir, les pêcheurs en font de même. Alors au milieu de tout cela il y a aussi la nature, toujours. Sans énergie il n’y a plus d’humanité, et sans bars il n’y a plus de pêcheurs de bars. La nature s’adapte, le faisons-nous ? Quand nous voyons que certains se disputent pour légaliser la pêche électrique dans des mers épuisées, vidées, délavées, on est en droit de se poser vraiment la question : où va-t-on ? Alors que la seule chose que nous demandons est de pouvoir vivre une passion – et pour certains vivre d’une passion –, c’est toujours le pouvoir qui s’impose. L’ego du pouvoir ou le pouvoir de l’ego est toujours présent et il détruit tout. Il se glisse partout, même du côté du bien, ou du moins de ce côté que nous croyons être le bien. Je ne suis qu’un auteur passionné. Je vis parce que j’écris, et j’écris pour vivre. J’ai bien plus de plaisir à écrire ma passion pour ce poisson qu’est le bar qu’à me prendre à jouer les donneurs de leçons. Je n’ai en conclusion, aucune forme de leçon à donner à quiconque. Je sais au fond de moi que chacun fait en fonction de ses moyens, et de ses compréhensions. Je reste pourtant fort optimiste sur le fait que les choses changeront, par des idées nouvelles. Si tout reste à réinventer, peut- être est- ce le moment pour nous de le faire, ensemble. En écartant toute colère, toute rancoeur et toute velléité personnelle...