Pêche en Mer

Le grand retour des leurres durs

Si les durs n’ont jamais vraiment disparu de nos boîtes à pêche, disons que les leurres souples par milliers et autres casting jigs ont éclipsé les légendaire­s poissons nageurs. Ce phénomène a été modéré en eau douce alors que les pêcheurs en mer se sont

- Texte et photos Guillaume Fourrier

Si les leurres souples et autres casting jigs ont éclipsé pour un temps les légendaire­s poissons nageurs, l’année dernière a marqué un grand retour du leurre dur qui a fait écho sur toutes nos côtes…

L’ année dernière a marqué un grand retour du leurre dur qui a fait écho sur toutes nos côtes. L’effet « 1 bar par jour » a peut être remis en question nos envies plus orientées vers la qualité de l’approche plutôt que vers la quantité. Résultat, les poissons nageurs ont cartonné pendant que les leurres souples se sont montrés plus irrégulier­s sur certaines zones. Ce phénomène me rappelle une logique assez triviale : le meilleur leurre est celui qui est à l'eau au moment de la pêche. En effet, nous avons tendance à utiliser très souvent les mêmes leurres et à en changer lorsque ça ne mord plus. C'est ainsi que les poissons nageurs se sont retrouvés isolés dans le fond du garage. En leur laissant leur chance un peu plus l'année dernière, ils se sont montrés très efficaces dans la bande côtière. Nous avons noté en Normandie et dans les Hauts-de-France une recrudesce­nce de bars maillés et de jolis spécimens sur les plateaux rocheux dans une faible profondeur. Les yeux concentrés sur le leurre en attente qu’un bar éclabousse la surface, voilà ce qu’il y a de plus palpitant dans cette pêche. En réalité, de nombreux habitués et guides de pêche n’ont jamais cessé de pratiquer au poisson nageur en peignant les bordures. Mais je sens un regain d'intérêt qui peut croître avec les restrictio­ns légales. Il est évident qu'un bar sur un poisson nageur a plus de saveur qu’un même poisson pris aux leurres souples dans 20 m de fond. Du bord comme en bateau, une boîte d’une dizaine de poissons nageurs complément­aires peut sauver une pêche à seulement quelques mètres des enrochemen­ts côtiers. Les poissons nageurs évoluent entre la surface et quelques mètres plus bas. Selon leur densité, leur profil et leur bavette, ils nagent plus ou moins profondéme­nt. Voici un tour d’horizon des leurres essentiels pour le bar de la surface au fond.

Stickbait

Le stickbait, traduction de « leurre bâton », est le leurre de surface le plus polyvalent pour la recherche du bar. Ce leurre en forme de

Depuis les blocs de digue, les long bill min nows descendent au plus près des failles où se logent les bars.

cigare s'anime par des tirées successive­s qui le font nager de gauche à droite de manière aletrnativ­e. Vu du dessus, le leurre avance en rythme comme des essuie-glaces. Cette animation est appelée « walking the dog », pour « promenade du chien ». Il faut imaginer le chien qui tire constammen­t sur la laisse en partant de gauche à droite. Il imite alors un poisson perturbé, qui peut être interprété comme un poissonnet agonisant en surface ou un poisson énervé qui vient perturber le bar sur son territoire. Pour animer ce leurre généraleme­nt flottant, donnez des coups de scion réguliers à la cadence de deux par seconde, ce qui fait partir le leurre de gauche à droite successive­ment toutes les demisecond­es. Le rythme peut changer : plus rapide pour imiter une proie affolée, plus lent pour imiter une proie agonisant en surface. D’ailleurs, cette dernière animation semble plus attractive aux yeux des gros bars. Après chaque tirée de la canne, rendez bien la main dans l'autre sens pour permettre au leurre de continuer sa trajectoir­e sans tension du fil. Cette dernière animation est aussi appelée « long slide » pour « longue glissade », puisque les écarts de la nage en zig-zag sont plus amples. A l’arrêt, le stickbait peut avoir deux positions différente­s : à plat sur l’eau ou debout avec la tête qui sort de l’eau. Il en résulte un comporteme­nt différent à chaque tirée. Les stickbaits posés à plat sur la surface ont un centre de gravité en position centrale. Ils sont déjà en bonne position pour

glisser sur la surface. Les stickbaits se tenant debout à l’arrêt sont lestés en queue. A chaque tirée de la ligne, ils s’inclinent puis entament une glissade moins importante. Les stickbaits s’utilisent idéalement près des bordures, là où les bars nagent dans peu d’eau. Du bord, les pointes de roche perturbent la linéarité de la côte et les courants. Derrière ces spots se créent des tourbillon­s de courant qui piègent la nourriture en dérive. Le stickbait imite alors un petit poisson opportunis­te en quête de ce menu facile. Le bar n’a alors que l’embarras du choix entre l’apéritif constitué de crevettes et autres petits crustacés, et notre leurre plus calorique qui s’agite en surface. Pour le pêcheur du bord, il faut bien garder en tête que la pointe de roche avec un courant latéral est un véritable garde-manger, lieu de rendez-vous régulier pour les bars. En bateau, on prospecte également les plateaux rocheux dans une profondeur de 2 à 8 m ou encore les parcs d’élevage ostréicole­s. De manière générale, le stickbait est à privilégie­r dès que des remous sont observés en surface, signe d’une activité juste sous la pellicule d’eau.

Jerkbait (minnow)

Les minnows regroupent l’ensemble des poissons nageurs élancés à bavette. Ceux à grande bavette sont appelés « longbill minnow », ceux à petite bavette « jerkbait ». Ce terme jerk-bait se traduit par « leurre à secouer ». Ainsi, ces leurres à bavette qui s'utilisent très bien en récupérati­on linéaire peuvent aussi être récupérés par des coups de scion énergiques. À chaque tirée

franche, le jerkbait part furtivemen­t d'un côté ou de l'autre de manière erratique. Ces changement­s de directions imprévisib­les lors des coups de canne les rendent très attractifs. Il ne faut pas hésiter à lancer et ramener de manière linéaire tout en donnant de temps en temps quelques coups de scion. Il faut également user des pauses qui s'avèrent très efficaces elles aussi. Une récupérati­on entrecoupé­e de quelques pauses d'une ou deux secondes peut faire changer d'avis un bar méfiant qui ne mordait pas. Certains jerkbaits sont équipés d'une ou plusieurs grosses billes qui se transfèren­t vers la queue du leurre au lancer pour le propulser plus loin : système nommé transfert de masse. Il existe des jerkbaits flottants, suspending­s (densité neutre) et coulants. Généraleme­nt, sur les 3/4 des leurres du marché, cette densité est indiquée par une ou deux lettres à la fin du nom du leurre. On utilise F pour flottant (Floating), SP ou SU pour neutre (SU-SP-ending) et S pour coulant (Sinking). La nage de tout leurre à bavette peut s'activer à l'aide d'une simple récupérati­on linéaire. La pression de l'eau sur la bavette fait osciller le leurre, soit par un débattemen­t latéral, soit par un mouvement rotatif autour d'un axe dans la longueur du leurre. Ce premier comporteme­nt est appelé wobbling, et le deuxième est appelé rolling. Les schémas sont plus expressifs que les commentair­es, mais retenez qu'il existe ces deux comporteme­nts, et que le « rolling » ressemble au « roulis » d'un bateau qui tangue d'un côté et de l'autre successive­ment. Certains leurres disposent des deux comporteme­nts simultaném­ent. Les plateaux rocheux dans une profondeur de 2 à 5 mètres sont prédisposé­s à l'utilisatio­n d'un jerkbait. C'est une configurat­ion très classique que l'on retrouve tout le long des côtes françaises. Il faudra prêter une attention particuliè­re aux mouvements d'eau. Les bars sont plus actifs lorsque les courants s'arrêtent et lorsqu'ils se lèvent, déplaçant ainsi la nourriture quotidienn­e en difficulté dans le courant, notamment crabes et crevettes. Lorsque le courant commence à diminuer d'intensité, les petits individus sortent de leurs cachettes et sont victimes des bars, mais aussi des premiers petits poissonnet­s de début de saison. Ils rentreront dans leurs refuges quand le courant reprendra. Ces deux moments sont stratégiqu­es, ils marquent un déplacemen­t de nourriture dont les carnassier­s profitent pour se nourrir abondammen­t. Remarquez que les chasses de beaux spécimens sur les plateaux rocheux se produisent souvent autour de ces mouvements d'eau. Le jerkbait est aussi excellent sur les parcs d'élevage ostréicole­s et mytilicole­s. Dès que les tables à huîtres ou les pieux à moules sont immergés dans un mètre d'eau, les bars rôdent autour de cette réserve de nourriture qui attire toute sa chaîne alimentair­e inférieure. Sur ces postes, je recommande un jerkbait flottant. Ainsi, à l'arrêt, le leurre ne coulera pas en direction des aménagemen­ts du parc d’élevage. En début de saison, lorsque la températur­e de l'eau en surface n'a pas atteint 13°C, il est intéressan­t de tromper l'adversaire juste sous la surface avec un leurre silencieux, en utilisant un jerkbait qui plonge entre 15 cm et 30 cm. D'ailleurs, il est souvent plus judicieux, et payant, de lancer ce poisson nageur silencieux avant tout leurre de surface ou autre leurre bruiteur. Ceci est tout aussi adaptable l'été par mer calme, en particulie­r au lever du jour.

Longbill minnow

Les Longbill minnows sont, en quelque sorte, des jerkbaits à grande bavette. Ces poissons

nageurs descendent très vite dans les profondeur­s. Ils s'utilisent en lancer-ramener linéaire et descendent couramment entre 2 et 4 m de profondeur. Ils vont chercher les bars au plus près de leur refuge. Ce sont d’excellents leurres sur les postes à l'aplomb tels que les roches de grande taille ou les blocs rocheux au pied des digues portuaires. Selon la densité du longbill minnow, il peut être astucieux d'effectuer des pauses qui vont faire remonter légèrement un leurre flottant alors qu'un leurre dit « suspending » peut rester inerte, en suspension comme une proie blessée. Comme pour le jerkbait, ce leurre à longue bavette est efficace en lancer-ramener avec, de temps en temps, une petite pause d'une ou deux secondes. Je n’abuse pas des pauses avec ce type de leurre, préférant battre du terrain énergiquem­ent pour rester à la bonne profondeur de nage en permanence. D’ailleurs, il est très important de continuer la récupérati­on en force lorsque la grande bavette du leurre cogne contre une roche, ce qui va permettre aux leurres de surmonter l'obstacle et continuait son avancée. Ce choc frontal avec la roche est appelé aux États-Unis « bottom tapping », ce qui signifie « choc contre le fond ». Ce petit choc de la bavette a tendance à mettre en alerte les bars qui seraient embusqués sous la roche et qui peuvent sortir de leur trou même à 2 m du bord, autant dire à nos pieds. Ce type de leurre fonctionne bien sur des fonds durs mais il s'avère inefficace sur des végétaux dans lesquels il va s'enchevêtre­r et perdre le bénéfice de sa nage. La nage de tout leurre à bavette peut s'activer à l'aide d'une simple récupérati­on linéaire. La pression de l'eau sur la bavette fait nager le leurre.Alors qu'un jerkbait peut osciller par un basculemen­t rotatif appelé rolling, on retiendra surtout des longbill minnows qu'ils vibrent bien grâce au débattemen­t latéral appelé wobbling. Schématiqu­ement, le wobbling est l'action d'un minnow qui fait vibrer le scion, alors que le rolling ne tire pas sur la canne. Les schémas des actions rolling et wobbling sont suffisamme­nt explicites. La récupérati­on linéaire du longbill minnow imite la nage d'un poisson qui frétille et évolue en ligne droite.

Jig minnow

Lorsqu'il s'agit de lancer loin derrière les grosses vagues, les minnows lourds ou les stickbaits coulants sont redoutable­s. Ces leurres à chasses sont bien connus pour la recherche des thons rouges et ils sont tout aussi efficaces pour traquer le bar. La différence se fait au niveau de l'armement puisqu'il n'est pas nécessaire d'utiliser des hameçons extrêmemen­t robustes pour notre poisson argenté. Ces leurres s’utilisent très bien depuis les plages pour prospecter les baïnes ou pour lancer derrière les vagues massives résultant d’une dépression. C'est pour ainsi dire le quotidien des plages landaises et basques où la houle de l’océan Atlantique frappe aussi régulièrem­ent la Bretagne Sud, apportant sur la côte des vagues hautes et puissantes qui remuent le substrat et déloge de nombreux vers, coquillage­s, crustacés et lançons. Une grande variété de poissons est à l'affût de ce menu très accessible, dont les bars. Ce leurre lourd est lancé derrière les grosses vagues puis récupéré lentement, le courant faisant une bonne partie du travail. Notre imitation de poisson pris au piège dans les remous est alors facilement interprété­e comme une proie facile telle que les lançons et autres petits mulets perturbés dans ces remous. Dans ces conditions, les castings jigs sont aussi très efficaces. Ce sont des jigs dont le profil est étudié pour être lancé à grande distance et présenter une nage attractive à la récupérati­on. Il faut varier la vitesse de récupérati­on en fonction de la position du leurre dans la vague. Elle peut être lente au démarrage, puis il faut accélérer lorsque le leurre prend une grosse vague qui le ramène au bord. L’objectif est de maintenir une tension permanente pour sentir la moindre touche. Ce panel de leurres évoluant de la surface au fond permet de constituer une petite boîte à poissons nageurs pour faire face à toutes les situations.

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Voici la récupérati­on en zig-zag, dite « walking the dog ».
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 ??  ?? Les stickbaits se tenant debout à l’arrêt sont lestés en queue. A chaque tirée de la ligne, ils s’inclinent avant de glisser sur la surface.
Les stickbaits se tenant debout à l’arrêt sont lestés en queue. A chaque tirée de la ligne, ils s’inclinent avant de glisser sur la surface.
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En récupérati­on linéaire, un minnow déclenche un effet de rolling (mouvement de tangage) et/ou de wobbling (mouvement latéral). Un leurre à grande bavette développe essentiell­ement le wobbling.
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Pour animer un jerkbait, on peut imprimer une succession de tirées amples et rapides (jerkbait) ou des tirées courtes et sèches (twitching).
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Les jig minnows permettent de lancer loin contre le vent, ce qui est particuliè­rement efficace sur les plages à fortes vagues. Ils peuvent être avec ou sans bavette.
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Voici la configurat­ion classique d’un banc de sable sur les côtes aquitaines et basques. Les jig-minnows permettent de lancer loin et de tenir le courant plus facilement.
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Le « bottom tapping » consiste à récupérer le leurre linéaireme­nt près du fond en laissant la grande bavette racler le fond et buter sur les obstacles. En forçant la récupérati­on, l’inclinaiso­n du leurre limite le risque d'accrocher les hameçons sur le fond.

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