Éditorial
J uin 2118. Ça grogne dans les rangs de la guilde du P. L. A. R. – Pêcheurs de Loisir Amateurs Récréatifs. En effet, l’U. E. E. – l’Union Elitiste Européenne – vient de suspendre sine die l’application qui leur était jusqu’à là spécialement dédiée. Application qui, rappelons- le, est installée dans la mini- puce électronique que chacun de ses membres s’est fait transplanter sous la peau, à n’importe quel endroit à condition qu’elle puisse « converser » avec le cerveau. A la tête du mouvement de protestation, le Breton Alan- Renan Kiffer regarde la photo jaunie de son arrière arrière aïeul. « Ça devait être fantastique de pouvoir prendre réellement du poisson en chair et arêtes, même si à cette époque il fallait déjà se battre pour défendre ses droits » se dit- il mélancoliquement. C’est vrai qu’il y a bien longtemps que les mers et les océans comme les rivières et les lacs sont vides de toutes espèces de poissons. La faute à bien des erreurs de gestion, involontaires ou pas. Le dernier des derniers qui fut attrapé était un requin lézard ( Chlamydoselachus angui
neus) que l’on a soigneusement taxidermisé pour témoigner du passé. Il y aurait bien encore un coelacanthe mutant qui aurait été détecté par écholocalisation ultra sensorielle au- delà du 48ème parallèle, mais sans aucune certitude. Au fil des années et avec l’apport technologique grandissant, les pêcheurs étaient devenus peu à peu pratiquants sur console vidéo puis mentalistes puisque tout se passait maintenant par le programme installé dans la puce communiquant avec le cerveau qui renvoyait des images. La pêche ne se pratiquait plus, jusqu’à cette suspension, que virtuellement. Evidemment, tout cela avait occasionné des dommages collatéraux à commencer, entre autres, par les fabricants et importateurs de matériels de pêche ainsi que les poissonniers. Le poisson que l’on mangeait sous forme de pilule était, par exemple, d’origine végan. Les uns et les autres n’avaient pas vu, ou voulu voir l’inéluctable... Bon, allez, j’arrête là mes amusettes et je m’en vais à la pêche, la vraie, pendant que c’est encore possible. Salut !