Le bar de nuit !
Pêcher le bar de nuit aux leurres toute une saison avec réussite n'est pas une pratique qui repose sur le hasard. Cette traque nocturne tourne autour de quatre composantes fondamentales : la technique, la psychologie, la tactique et la stratégie.
Peu de pêcheurs pratiquent des pêches itinérantes nocturnes, et de surcroît en dehors d'un milieu « urbain » et éclairé. Et pourtant, la pêche de nuit du bar, sur la côte ou en estuaire, est une activité passionnante, productive et accommodante car s’il est parfois compliqué de concilier notre passion et les contraintes familiales et professionnelles, devenir un pêcheur noctambule résout bien des problèmes ! En effet, lorsque vos journées sont consacrées à votre travail ou à votre vie de famille, il ne vous reste que les premières heures de la nuit pour vous adonner à votre passion. D'autant plus que l'obscurité, le relatif silence, l'isolement et le manque de repères procurent des sensations complètement différentes de nos sorties traditionnelles et constituent surtout un choix stratégique très pertinent dans la recherche de Sir Labrax. En effet, à la faveur de la luminosité déclinante et de la désertion des rives par les promeneurs... et les pêcheurs, les bars et notamment les gros spécimens se rapprochent des bordures pour y trouver leur pitance : « Prendre un bar dans ses pieds » n’est alors plus une expression mais bien une réalité. Vous en doutez encore... Votre première touche vous en convaincra ; tout comme vous serez surpris de l’intensité des chasses observées, ou plutôt entendues, parfois à 3 mètres de vous. Eh bien oui, le bar est actif et chasse la nuit. Même si la visibilité est moindre, elle
constitue aussi un avantage qu’il sait exploiter pour s’alimenter. Il s’appuie sur les informations transmises par sa ligne latérale pour identifier et localiser ses proies, c’est ensuite, au dernier moment, que la vue intervient. Ce paramètre est donc à prendre en compte dans votre approche et dans vos présentations, car il est évident qu’un prédateur ne se déplacera pas dans l’obscurité pour gober un leurre se prenant pour Usain Bolt ! Vous voulez tenter l’expérience, nous vous invitons à profitez de votre été et des soirées chaudes pour poser les premières pierres d’une saison réussie. Mais pas n’importe comment ! A la manière d’un coach, soyez méthodique, analytique, planifiez et organisez vos sorties et votre saison. C’est uniquement à ce prix que vous pourrez concevoir une stratégie cohérente et que vous piquerez avec régularité des poissons passant la barre des 60 cm !
Jamais loin du frigo, jamais loin du canapé
Tout d’abord, à l’image d’une équipe sportive qui réalise un stage foncier à Font- Romeu (NDLR. Fief de notre champion Martin Fourcade), la période estivale est consacrée à la préparation. Les nuits sont chaudes et agréables, c’est le moment de prolonger ses sorties pour se constituer un répertoire de spots productifs. Voilà donc l’objectif de votre été : identifier, prospecter et approfondir une vingtaine de zones pour être efficace une fois le froid venu. Quels que soient les prédateurs que vous recherchez et votre destination, ces derniers ne sont jamais sur un spot par hasard. En effet, pour que la zone retienne du poisson, et du bar en particulier, elle doit répondre à deux critères : l’apport de nourriture, soit par le courant nourricier, soit par la nature du substrat, de la structure et la proximité d’un poste de repos et/ou d’affût. Bref,
Dicentrarchus Labrax répond à la même logique que vous : jamais loin du frigo, jamais loin du canapé ! Ainsi les postes possibles sont très variés, minuscules ou étendus, une simple roche immergée, ou non, en bordure de courant nourricier, peut constituer un poste d’affût favorable. Une structure particulière de la côte telle qu’une avancée rocheuse induit des changements d’iti-
Le bar répond à la même logique que vous : jamais loin du frigo, jamais loin du canapé !
néraire du courant principal et offre une zone calme ou même un contre-courant. Une variation de fond, quant à elle, provoque soit une accélération soit un ralentissement du flux et constitue alors une zone particulièrement intéressante à exploiter. Des concessions ostréicoles ou encore un champ de bouchot à moules, surtout si le substrat est constitué de roches et d’algues retiennent un grand nombre de proies (crabes, crevettes, poissons fourrage) et constituent donc un garde-manger idéal. De la même manière, une prairie de goëmon est naturellement riche en nourriture naturelle. En somme, retenez que tout ce qui peut constituer une rupture est susceptible d'abriter ces prédateurs. Les possibilités sont infinies mais il y a fort à parier qu’une zone répondant à plusieurs de ces critères soit colonisée très régulièrement par quelques gros spécimens affamés et opportunistes. Cependant, ce n’est pas en pleine nuit que vous allez effectuer vos reconnaissances. Alors deux manières de procéder s’offrent à vous : le geek passera du temps à analyser les vues satellites sur géoportail ou google earth et les cartes marines sur navionics pour repérer les endroits exploitables, ou encore sur datashom pour identifier les courants ( forces et sens) et la sédimentation des lieux. Tandis que le père de famille malin mettra à profit les balades dominicales ( à marée basse bien sûr) pour effectuer son repérage. Vous l’avez compris, le papa geek et malin à toutes les clefs pour réussir ! « L’océan est tout sauf un plan d’eau, mais bien une énorme masse d’eau en perpétuel mouvement et ce dans les trois dimensions ». Non seulement cette masse se déplace constamment, mais la force des courants qu’elle engendre est elle aussi variable. Cette caractéristique intrinsèque de l’océan et des estuaires bretons implique une donnée importante que vous ne devez pas négliger dans votre prospection : une zone deviendra véritablement un spot qu’à un instant T correspondant à une hauteur d’eau particulière et un courant particulier. En effet, la conjonction entre une hauteur d’eau définie et la structure de la zone déterminera la présence ou non de poissons. Vos devoirs de vacances sont donc d’identifier le bon créneau pour chaque secteur sélectionné. En règle générale dans les estuaires, le créneau ne dure guère plus d’une demi-heure. En revanche, vous disposerez d’un peu plus sur la côte.
Stratégie à long et court terme
Alors, comment se constituer ce fameux répertoire de « hot spots » exploitables et productifs ? En fonction du temps que vous disposez et du nombre de sorties envisagées cet été, faites une présélection de 10 à 20 zones que vous dégrossirez et affinerez sur un cycle de 6 sorties. Sur les 5 premières, vous visiterez 5 zones différentes et ce sur 5 hauteurs d’eau différentes.
Vous devez donc effectuer un roulement permettant toutes les combinaisons possibles. Si tout s’est parfaitement déroulé, à l’issue de ces 5 sorties vous aurez identifié le créneau rentable sur chaque zone. Notez bien alors la hauteur d’eau correspondante et éventuellement le coefficient de marée (surtout s’il est extrême, c'est-à-dire 60 ou 100). Évidemment n’oubliez pas de retenir s’il s’agit du flot ou du jusant – le courant étant orienté différemment... Consacrez la 6ème sortie à la validation de vos conclusions et recommencez un nouveau cycle sur 5 nouvelles zones... L’automne pointant le bout de son nez, votre répertoire de spots sera alors constitué.
Le travail foncier terminé, la saison peut commencer !
L’automne est donc là, les journées raccourcissent et les sessions s’allongent. Le froid, la pluie et le vent se mêlent à la fête, mais les bars, et surtout les gros, déterminés à faire du gras pour passer l’hiver tranquille, y prennent part également. Fort de votre préparation, vous pouvez désormais affronter les éléments et atteindre votre objectif : faire du bar régulièrement pour oublier les conditions climatiques et ne pas abandonner au bout d’une heure. La stratégie à l’échelle d’une sortie est donc simple : à la manière d’un entraîneur qui prépare son match en amont en analysant les vidéos de son adversaire, vous devez, au calme au coin du feu, muni d’un marégramme, prévoir un parcours chronométré de 7-8 spots sur toute la durée d’une marée. Pour être efficient, la logique est de chercher du poisson actif et donc multiplier les zones et y passer peu de temps. Certains suivent une logique inverse et consacre beaucoup de temps à peu de postes, mais les lancers sans touche s’enchaînent et le froid se mêlant à la lassitude
Vos devoirs de vacances sont d'identifier le bon créneau pour chaque secteur repéré. Dans les estuaires, il dépasse rarement la demi-heure, à la côte il est un peu plus long.
La nuit j'utilise trois types d'animation qui ont toutes un point commun, la lenteur !
augmente le risque de vous retrouver prématurément sous votre couette.
La nécessité de la technique
Au cours de mes sorties et pour respecter la stratégie établie, je procède ainsi : j’utilise deux types de leurres souples différents et trois animations. Je fais globalement 5-6 lancers par combinaison, ce qui nous fait un total d’une trentaine de lancers par spot, soit la demi-heure définie. Si les bars sont là et actifs, ils seront pris ! On pourrait très bien avoir recours à des poissons nageurs mais cela induit plusieurs inconvénients : les triples ramassent toutes les algues en suspension et pour prospecter différentes couches d’eau il sera nécessaire de changer de leurre. Du souple donc, principalement monté en texan pour répondre aux exigences des structures rencontrées. L’objectif étant de ne pas perdre de temps, le choix des leurres est rapide ! Prenez votre shad et votre finness préférés entre 4 et 6 pouces et dans la couleur que vous affectionnez. Pour ma part, j'aime beaucoup le yum pulse qui produit de fortes vibrations et supporte une animation très lente, ainsi que l'indémodable Slug Go. En poussant les choses à l’extrême, je pourrais partir pour une sortie avec juste un shad en 4/5 pouces monté sur une TP texan en 5 g sans même la moindre hésitation. Si votre leurre évolue de la bonne manière, au bon endroit et au bon moment, s’il y a un poisson à prendre, vous le prendrez ! Il demeure la présentation. Comme expliqué plus tôt, j’utilise trois types d’animation qui ont toutes un point commun : la lenteur ! Donc on prend un tranquilisant ou une tisane avant de sortir et on anime lentement, d’abord en linéaire, puis à gratter et enfin une animation de type volée à mi-hauteur. Si les pêches à gratter et à la volée demandent un minimum de bagage technique, la pêche en linéaire est accessible à tous et reste une des techniques les plus productives. En effet, après avoir lancer votre leurre, prenez contact avec le fond et commencez, canne basse, une récupération lente au moulinet en effectuant une pause de temps à autre pour reprendre contact avec le fond.
La mise en oeuvre de la stratégie !
Toute stratégie, aussi bonne et réfléchie soit-elle nécessite des aménagements. Le 1er et plus logique ajustement que vous devez faire est de répondre aux exigences de Sir Labrax. Ce soir- là, il veut du linéaire, proposez- lui en à outrance ! Il chasse entre deux eaux, privilégiez la volée. Il est à la cueillette de crabes et de crevettes sur le fond, grattez... Vous avez aussi remarqué qu’ils sont actifs uniquement sur un type de spot particulier : zones profondes, courants, parcs à huîtres, etc. Fort de votre répertoire constitué, vous devez modifier votre parcours. Cette nuit-là, peu d’activité, alors on s’adapte, on gratte un peu plus, on passe un peu plus de temps sur les zones quitte à en supprimer une ou deux, on ralentit à l’extrême les animations... On peut aussi avoir recours à quelques subterfuges tels que les attractants, les rattles ou encore les palettes. Au contraire, c’est l’euphorie, profitez-en pour tester et approfondir de nouvelles zones. La grande majorité des pêcheurs se risquent à de nouveaux lieux de pêche et de nouveaux leurres en dernier recours. L’activité étant nulle, le constat et les conclusions sont alors sans appel : ce n’est ni un bon spot, ni un bon leurre... c’est surtout une très mauvaise stratégie ! Enfin, n’oubliez pas la sécurité qui impose de connaître parfaitement ses zones et surtout les chemins d’accès et de sorties pour ne pas être pris par la marée et qui nécessite d’être bien équipé (Cf. encadré). Et surtout, dans la perspective d’une réussite à très long terme, privilégiez le catch and release !