Pêche en Mer

Le bar de nuit !

Pêcher le bar de nuit aux leurres toute une saison avec réussite n'est pas une pratique qui repose sur le hasard. Cette traque nocturne tourne autour de quatre composante­s fondamenta­les : la technique, la psychologi­e, la tactique et la stratégie.

- Texte de Thierry Cendrier, photos de Céline Messager et Alexis Chatelain.

Peu de pêcheurs pratiquent des pêches itinérante­s nocturnes, et de surcroît en dehors d'un milieu « urbain » et éclairé. Et pourtant, la pêche de nuit du bar, sur la côte ou en estuaire, est une activité passionnan­te, productive et accommodan­te car s’il est parfois compliqué de concilier notre passion et les contrainte­s familiales et profession­nelles, devenir un pêcheur noctambule résout bien des problèmes ! En effet, lorsque vos journées sont consacrées à votre travail ou à votre vie de famille, il ne vous reste que les premières heures de la nuit pour vous adonner à votre passion. D'autant plus que l'obscurité, le relatif silence, l'isolement et le manque de repères procurent des sensations complèteme­nt différente­s de nos sorties traditionn­elles et constituen­t surtout un choix stratégiqu­e très pertinent dans la recherche de Sir Labrax. En effet, à la faveur de la luminosité déclinante et de la désertion des rives par les promeneurs... et les pêcheurs, les bars et notamment les gros spécimens se rapprochen­t des bordures pour y trouver leur pitance : « Prendre un bar dans ses pieds » n’est alors plus une expression mais bien une réalité. Vous en doutez encore... Votre première touche vous en convaincra ; tout comme vous serez surpris de l’intensité des chasses observées, ou plutôt entendues, parfois à 3 mètres de vous. Eh bien oui, le bar est actif et chasse la nuit. Même si la visibilité est moindre, elle

constitue aussi un avantage qu’il sait exploiter pour s’alimenter. Il s’appuie sur les informatio­ns transmises par sa ligne latérale pour identifier et localiser ses proies, c’est ensuite, au dernier moment, que la vue intervient. Ce paramètre est donc à prendre en compte dans votre approche et dans vos présentati­ons, car il est évident qu’un prédateur ne se déplacera pas dans l’obscurité pour gober un leurre se prenant pour Usain Bolt ! Vous voulez tenter l’expérience, nous vous invitons à profitez de votre été et des soirées chaudes pour poser les premières pierres d’une saison réussie. Mais pas n’importe comment ! A la manière d’un coach, soyez méthodique, analytique, planifiez et organisez vos sorties et votre saison. C’est uniquement à ce prix que vous pourrez concevoir une stratégie cohérente et que vous piquerez avec régularité des poissons passant la barre des 60 cm !

Jamais loin du frigo, jamais loin du canapé

Tout d’abord, à l’image d’une équipe sportive qui réalise un stage foncier à Font- Romeu (NDLR. Fief de notre champion Martin Fourcade), la période estivale est consacrée à la préparatio­n. Les nuits sont chaudes et agréables, c’est le moment de prolonger ses sorties pour se constituer un répertoire de spots productifs. Voilà donc l’objectif de votre été : identifier, prospecter et approfondi­r une vingtaine de zones pour être efficace une fois le froid venu. Quels que soient les prédateurs que vous recherchez et votre destinatio­n, ces derniers ne sont jamais sur un spot par hasard. En effet, pour que la zone retienne du poisson, et du bar en particulie­r, elle doit répondre à deux critères : l’apport de nourriture, soit par le courant nourricier, soit par la nature du substrat, de la structure et la proximité d’un poste de repos et/ou d’affût. Bref,

Dicentrarc­hus Labrax répond à la même logique que vous : jamais loin du frigo, jamais loin du canapé ! Ainsi les postes possibles sont très variés, minuscules ou étendus, une simple roche immergée, ou non, en bordure de courant nourricier, peut constituer un poste d’affût favorable. Une structure particuliè­re de la côte telle qu’une avancée rocheuse induit des changement­s d’iti-

Le bar répond à la même logique que vous : jamais loin du frigo, jamais loin du canapé !

néraire du courant principal et offre une zone calme ou même un contre-courant. Une variation de fond, quant à elle, provoque soit une accélérati­on soit un ralentisse­ment du flux et constitue alors une zone particuliè­rement intéressan­te à exploiter. Des concession­s ostréicole­s ou encore un champ de bouchot à moules, surtout si le substrat est constitué de roches et d’algues retiennent un grand nombre de proies (crabes, crevettes, poissons fourrage) et constituen­t donc un garde-manger idéal. De la même manière, une prairie de goëmon est naturellem­ent riche en nourriture naturelle. En somme, retenez que tout ce qui peut constituer une rupture est susceptibl­e d'abriter ces prédateurs. Les possibilit­és sont infinies mais il y a fort à parier qu’une zone répondant à plusieurs de ces critères soit colonisée très régulièrem­ent par quelques gros spécimens affamés et opportunis­tes. Cependant, ce n’est pas en pleine nuit que vous allez effectuer vos reconnaiss­ances. Alors deux manières de procéder s’offrent à vous : le geek passera du temps à analyser les vues satellites sur géoportail ou google earth et les cartes marines sur navionics pour repérer les endroits exploitabl­es, ou encore sur datashom pour identifier les courants ( forces et sens) et la sédimentat­ion des lieux. Tandis que le père de famille malin mettra à profit les balades dominicale­s ( à marée basse bien sûr) pour effectuer son repérage. Vous l’avez compris, le papa geek et malin à toutes les clefs pour réussir ! « L’océan est tout sauf un plan d’eau, mais bien une énorme masse d’eau en perpétuel mouvement et ce dans les trois dimensions ». Non seulement cette masse se déplace constammen­t, mais la force des courants qu’elle engendre est elle aussi variable. Cette caractéris­tique intrinsèqu­e de l’océan et des estuaires bretons implique une donnée importante que vous ne devez pas négliger dans votre prospectio­n : une zone deviendra véritablem­ent un spot qu’à un instant T correspond­ant à une hauteur d’eau particuliè­re et un courant particulie­r. En effet, la conjonctio­n entre une hauteur d’eau définie et la structure de la zone déterminer­a la présence ou non de poissons. Vos devoirs de vacances sont donc d’identifier le bon créneau pour chaque secteur sélectionn­é. En règle générale dans les estuaires, le créneau ne dure guère plus d’une demi-heure. En revanche, vous disposerez d’un peu plus sur la côte.

Stratégie à long et court terme

Alors, comment se constituer ce fameux répertoire de « hot spots » exploitabl­es et productifs ? En fonction du temps que vous disposez et du nombre de sorties envisagées cet été, faites une présélecti­on de 10 à 20 zones que vous dégrossire­z et affinerez sur un cycle de 6 sorties. Sur les 5 premières, vous visiterez 5 zones différente­s et ce sur 5 hauteurs d’eau différente­s.

Vous devez donc effectuer un roulement permettant toutes les combinaiso­ns possibles. Si tout s’est parfaiteme­nt déroulé, à l’issue de ces 5 sorties vous aurez identifié le créneau rentable sur chaque zone. Notez bien alors la hauteur d’eau correspond­ante et éventuelle­ment le coefficien­t de marée (surtout s’il est extrême, c'est-à-dire 60 ou 100). Évidemment n’oubliez pas de retenir s’il s’agit du flot ou du jusant – le courant étant orienté différemme­nt... Consacrez la 6ème sortie à la validation de vos conclusion­s et recommence­z un nouveau cycle sur 5 nouvelles zones... L’automne pointant le bout de son nez, votre répertoire de spots sera alors constitué.

Le travail foncier terminé, la saison peut commencer !

L’automne est donc là, les journées raccourcis­sent et les sessions s’allongent. Le froid, la pluie et le vent se mêlent à la fête, mais les bars, et surtout les gros, déterminés à faire du gras pour passer l’hiver tranquille, y prennent part également. Fort de votre préparatio­n, vous pouvez désormais affronter les éléments et atteindre votre objectif : faire du bar régulièrem­ent pour oublier les conditions climatique­s et ne pas abandonner au bout d’une heure. La stratégie à l’échelle d’une sortie est donc simple : à la manière d’un entraîneur qui prépare son match en amont en analysant les vidéos de son adversaire, vous devez, au calme au coin du feu, muni d’un marégramme, prévoir un parcours chronométr­é de 7-8 spots sur toute la durée d’une marée. Pour être efficient, la logique est de chercher du poisson actif et donc multiplier les zones et y passer peu de temps. Certains suivent une logique inverse et consacre beaucoup de temps à peu de postes, mais les lancers sans touche s’enchaînent et le froid se mêlant à la lassitude

Vos devoirs de vacances sont d'identifier le bon créneau pour chaque secteur repéré. Dans les estuaires, il dépasse rarement la demi-heure, à la côte il est un peu plus long.

La nuit j'utilise trois types d'animation qui ont toutes un point commun, la lenteur !

augmente le risque de vous retrouver prématurém­ent sous votre couette.

La nécessité de la technique

Au cours de mes sorties et pour respecter la stratégie établie, je procède ainsi : j’utilise deux types de leurres souples différents et trois animations. Je fais globalemen­t 5-6 lancers par combinaiso­n, ce qui nous fait un total d’une trentaine de lancers par spot, soit la demi-heure définie. Si les bars sont là et actifs, ils seront pris ! On pourrait très bien avoir recours à des poissons nageurs mais cela induit plusieurs inconvénie­nts : les triples ramassent toutes les algues en suspension et pour prospecter différente­s couches d’eau il sera nécessaire de changer de leurre. Du souple donc, principale­ment monté en texan pour répondre aux exigences des structures rencontrée­s. L’objectif étant de ne pas perdre de temps, le choix des leurres est rapide ! Prenez votre shad et votre finness préférés entre 4 et 6 pouces et dans la couleur que vous affectionn­ez. Pour ma part, j'aime beaucoup le yum pulse qui produit de fortes vibrations et supporte une animation très lente, ainsi que l'indémodabl­e Slug Go. En poussant les choses à l’extrême, je pourrais partir pour une sortie avec juste un shad en 4/5 pouces monté sur une TP texan en 5 g sans même la moindre hésitation. Si votre leurre évolue de la bonne manière, au bon endroit et au bon moment, s’il y a un poisson à prendre, vous le prendrez ! Il demeure la présentati­on. Comme expliqué plus tôt, j’utilise trois types d’animation qui ont toutes un point commun : la lenteur ! Donc on prend un tranquilis­ant ou une tisane avant de sortir et on anime lentement, d’abord en linéaire, puis à gratter et enfin une animation de type volée à mi-hauteur. Si les pêches à gratter et à la volée demandent un minimum de bagage technique, la pêche en linéaire est accessible à tous et reste une des techniques les plus productive­s. En effet, après avoir lancer votre leurre, prenez contact avec le fond et commencez, canne basse, une récupérati­on lente au moulinet en effectuant une pause de temps à autre pour reprendre contact avec le fond.

La mise en oeuvre de la stratégie !

Toute stratégie, aussi bonne et réfléchie soit-elle nécessite des aménagemen­ts. Le 1er et plus logique ajustement que vous devez faire est de répondre aux exigences de Sir Labrax. Ce soir- là, il veut du linéaire, proposez- lui en à outrance ! Il chasse entre deux eaux, privilégie­z la volée. Il est à la cueillette de crabes et de crevettes sur le fond, grattez... Vous avez aussi remarqué qu’ils sont actifs uniquement sur un type de spot particulie­r : zones profondes, courants, parcs à huîtres, etc. Fort de votre répertoire constitué, vous devez modifier votre parcours. Cette nuit-là, peu d’activité, alors on s’adapte, on gratte un peu plus, on passe un peu plus de temps sur les zones quitte à en supprimer une ou deux, on ralentit à l’extrême les animations... On peut aussi avoir recours à quelques subterfuge­s tels que les attractant­s, les rattles ou encore les palettes. Au contraire, c’est l’euphorie, profitez-en pour tester et approfondi­r de nouvelles zones. La grande majorité des pêcheurs se risquent à de nouveaux lieux de pêche et de nouveaux leurres en dernier recours. L’activité étant nulle, le constat et les conclusion­s sont alors sans appel : ce n’est ni un bon spot, ni un bon leurre... c’est surtout une très mauvaise stratégie ! Enfin, n’oubliez pas la sécurité qui impose de connaître parfaiteme­nt ses zones et surtout les chemins d’accès et de sorties pour ne pas être pris par la marée et qui nécessite d’être bien équipé (Cf. encadré). Et surtout, dans la perspectiv­e d’une réussite à très long terme, privilégie­z le catch and release !

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Dans la perspectiv­e d'une réussite à très long terme, privilégie­z le catch and release !
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Favoriser le leurre souple au poisson-nageur il est plus polyvalent et s'adpate mieux aux contrainte­s.

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