Et si on enfilait des perles ?
Pêcher sans perle, au large, à soutenir, ou du bord, en surfcasting, c’est conduire un véhicule sans phares ni clignotants. C’est dire toute l’importance que les pêcheurs accordent à ces cinq lettres.
La perle est aussi un domaine qui prête souvent à polémique. Les perles sont-elles vraiment utiles puisque l’on prend du poisson également sans cet additif ? Il y a ainsi les inconditionnels de la perle et ceux qui la dénigrent systématiquement. Au fait, quand on évoque le mot perle, que se cache-t-il réellement derrière ? Dans ce domaine si riche qu’est le montage en pêche dite récréative, ce même mot peut être interprété différemment.
Les perles sont le couteau suisse du pêcheur
Des perles, il en existe une grande variété et leur utilisation est très variable. Elles sont le couteau suisse du pêcheur. Essayons d’y voir plus clair avant d’aborder ce toujours délicat secteur qu’est la perception des couleurs par les poissons sur des fonds de 20 ou 30 mètres qui sont les profondeurs moyennes où l’on positionne son mouillage dans une pêche à soutenir. Évoquons là le seul domaine de la mer. Car, en eau douce, on utilise aussi des perles qui sont, là encore, différentes de celles de la mer, notamment chez les carpistes pour amortir le choc lors d’un lancer ou bien des perles dites flottantes. Au large, pour demeurer dans les grandes lignes, six ou sept types de perles ont une fonction bien précise. Les plus connues sont les perles que l’on dispose sur l’avançon à hauteur de la boucle de l’hameçon. On peut, selon les espèces recherchées, en monter une discrète ou, au contraire, en glisser trois ou quatre et séparées par des sequins comme cela se pratique généralement pour le merlan. On verra plus loin pour ce qui concerne les couleurs mais les plus répandues sont le saumon et le vert pâle. Dans ce registre, il existe deux genres de perles, la ronde et l’ovale. Que ce soit chez les rondes ou les ovales, il y a les perles dures et les perles molles. Il y a, enfin, les « fluos » ou les « phosphos » et les perles qui n’ont pas ces qualités. Quand on vous disait que la panoplie est vaste... On a prononcé le mot avançon. Un avançon peut être monté en direct sur le corps du bas de ligne. Mais on utilise aussi très souvent des perles rotatives. Comme leur nom l’indique, elles permettent à l’avançon d’avoir une grande mobilité qui est tout simplement de 360° autour du bas de ligne. Les perles rotatives peuvent être uniques mais, le plus souvent, elles sont en couple enserrant la petite partie métallique ou sera glissé l’avançon. Elles ont aussi un autre avantage, celui d’être phosphorescente ce qui apporte
un plus non négligeable dans les profondeurs d’eau importantes et, bien sûr, lors d’une pêche nocturne.
Il y a même des perles qui ne sont pas percées !
La perle peut aussi servir de coulisseau en tête d’un émerillon qui supportera le lest dans une pêche avec un long traînard. C’est plus discret qu’un coulisseau classique et tout aussi efficace. Il existe aussi des perles qui ne sont pas percées ! Elles sont tout simplement collées sur le nylon de l’avançon juste au-dessus de l’hameçon. Mais si c’est assez pratique à utiliser, il faut impérativement une colle de très grande qualité. Sinon vous risquez de perdre vos perles. D’autre part, si la colle sera efficace dans d’autres montages, elle pourra, si ce n’est pas du haut de gamme, endommager votre nylon à un endroit où il doit être, au contraire, en parfait état. On a bien dit nylon et non pas tresse car nous sommes sur un bas de ligne. Enfin, terminons notre petit voyage dans l’univers des perles avec une autre, indispensable, la perle de butée. La perle de butée est destinée à empêcher un élément du bas de ligne ou du corps de ligne à aller au-delà de ce que l’on souhaite. On l’utilise communément quand on pêche à l’anglaise au large avec un gros flotteur. Elle permet à ce flotteur, en stoppant sa remontée le long du corps de ligne, de se positionner à la surface de l’eau exactement à la distance souhaitée par rapport au fond. Au large, à soutenir, on est toutefois contraint d’utiliser des perles de butée très fines qui doivent passer sans problème à travers tous les anneaux, le plus délicat étant toujours celui de tête. On ne lance pas à de grandes distances dans une pêche à soutenir, mais il faudra que la perle puisse traverser les anneaux sans le moindre heurt.
Les poissons ont des attitudes différentes face à la perle
Concentrons nous uniquement sur les perles qui sont destinées à susciter l’intérêt des poissons, autrement dit celles qui se situent au contact à la fois de l’hameçon et de l’appât. La première chose à vérifier est que la, ou les perles, soient visibles. D’autre part, on choisit une taille de perle qui correspond à celle du
poisson recherché sachant que s’il y a des poissons qui se moquent totalement des perles, il y en a d’autres que cela intrigue et aussi ceux que cela fera fuir. Les poissons sont aussi comme les humains. Ils ont leurs couleurs préférées. Ainsi peuvent-ils percevoir les couleurs orange, violette, jaune et rouge, notamment. Ils ont aussi, du fait de la conception de leur rétine, une excellente vision de nuit. Mais tous ne sont pas traités à égalité. Certains ont une perception supérieure à d’autres. Loin de nous l’idée d’entrer dans les détails que pourraient apporter un scientifique. Toutefois, pour bien comprendre quelles perles il convient d’utiliser en fonction de l’environnement, il faut savoir, et les plongeurs, eux, le savent fort bien, que plus on descend en profondeur, plus les couleurs s’estompent. Seulement, elles ne s’effacent pas toutes à la même profondeur. Ainsi, c’est la couleur rouge qui, la première, tend à disparaître. Paradoxalement, c’est donc la plus vive qui se fait le plus rapidement discrète. La couleur rouge se dégrade très vite à un tel point qu’au bout de 5 mètres, elle n’existe plus ! L’orange suit de près, le jaune et le violet également. A une vingtaine de mètres, toutes ces couleurs pourtant « agressives » auront disparu. C’est le vert et, surtout, le bleu qui résistent le mieux jusqu’à 40 ou 50 mètres. C’est ce que les scientifiques nomment l’absorption sélective. Alors, quel intérêt y a t-il à utiliser des perles si les poissons, à une certaine profondeur, ne différencient pas, eux aussi, les couleurs ? Tout d’abord, il semble que les poissons soient capables de percevoir les ultraviolets contrairement à ce que la rétine de l’homme peut proposer. D’autre part, ils sont extrêmement sensibles à tout ce qui est fluorescent ou phosphorescent. Et les perles de ce type continuent d’émettre dans la pénombre des grands fonds. Maintenant, force est de constater qu’il y a certaines espèces qui sont très attirées par des couleurs bien précises et que les performances du pêcheur s’en ressentent. Ainsi, les Sparidés ont une nette préférence pour les perles couleur saumon ou rouge alors que cette couleur est une des premières à dispa- raître sous l’eau. Quand on va chercher une dorade grise par 20 mètres de fond, elle ne peut pas percevoir sa couleur « préférée ». Et, pourtant, c’est sur ce type de perle qui évoque les oeufs de saumon qu’elle se jettera en priorité. Il y a donc quelque chose qui va échapper au plus cartésien des pêcheurs. Cependant, on sait que, même à une certaine profondeur, la couleur rouge émettra plus de lumière que les autres. Cela peut
expliquer sans doute le fait que la perle rouge soit plus attractive qu’une autre sur le fond alors que les perles plus sombres (le bleu, le vert) soient plus efficaces s’il y a moins de profondeur. Il faut aussi préciser que la notion de fluo ou de phospho est essentielle dans la perception de ces perles. Si vous pêchez avec des perles classiques, quelle que soit leur couleur, à 30 mètres de profondeur elles n’apporteront aucun plus si elles ne possèdent pas une de ces deux qualités essentielles. Les couleurs fluos sont forcément plus lisibles pour les poissons que les autres, que ce soit la nuit ou à une profondeur importante. Il reste néanmoins que la gamme des fluos est relativement restreinte. Quatre couleurs sont proposées généralement, le vert qui est la plus répandue, le jaune qui a son succès d’estime, le rouge et l’orangé.
Le choix de la perle est dicté aussi par la clarté de l’eau
N’oublions pas aussi qu’à 30 mètres de fond, il n’y a pas que l’intensité lumineuse de la perle qui peut jouer un rôle mais aussi des phénomènes de vibration qui font que l’utilisation de certains additifs comme les sequins aura une importance non négligeable à condition de ne pas multiplier leur présence sur l’avançon. Enfin, il y a un autre phénomène dont il conviendra de tenir compte. Il s’agit de la clarté de l’eau. Le débat, là encore, est souvent sujet à polémique. Pour résumer, disons que tout ingrédient qui figure sur le bas de ligne, doit le mieux possible faire corps avec son environnement. Si les fonds, et c’est souvent le cas en période estivale, sont limpides, il faudra utiliser des perles qui se fondent dans le paysage, donc plutôt cristallines ou vertes fluo. L’idéal serait le gris ou le noir mais, en phospho ou fluo, ce ne sera pas simple... Le noir absorbe la lumière alors qu’il faudrait au contraire, la renvoyer. Il ne faut pas confondre ce qui sera une gamme multicolore de perles (où, là, on trouve du noir) avec le phospho ou le fluo qui sont des perles beaucoup plus élitistes... A l’inverse, dans tout ce qui est saumâtre, en bordure d’estuaires ou après un gros brassage au large suite à des intempéries, en hiver également, on se tournera vers des perles plus agressives, le rouge ayant notre préférence surtout sur des fonds de 20 mètres ou plus. Restons après tout pragmatiques. La perle est un additif, mais le choix du coloris n’est pas à hisser sur un piédestal. L’essentiel, c’est le fluo ou phospho. Nous sommes ici très éloignés d’un autre choix, celui que feront les pêcheurs de leurres, par exemple, puisque cet objet est destiné, globalement, à évoluer dans une zone où la couleur possède encore des vertus. Il est beaucoup plus complexe d’opérer le choix d’un leurre en fonction de l’environnement, la couleur du ciel ou de l’eau ce qui explique qu’il faut souvent changer pour tomber enfin sur le leurre qui sera celui de l’instant. La perle est seulement une petite lumière qui scintillera sous l’eau et aura pour objectif d’attirer le poisson. C’est tout. Il est évident qu’elle aura un effet attractif non négligeable si elle a conservé ses propriétés lumineuses. Dans le cas contraire, cela n’aura aucune incidence sur la qualité de votre pêche. Et puis, après tout, c’est un peu comme la Jouvence de l’abbé Soury. On y croit, ou l’on n’y croit point. Par expérience, j’y crois avec parcimonie.