Pêche en Mer

Une quatrième place gratifiant­e

- Texte et photos : Francis Couzinet

Minérale, vertigineu­se, désertique, venteuse et poissonneu­se, voilà comment on pourrait définir l’Islande, cette île volcanique sortie des eaux au milieu de l’Atlantique Nord. C’est sur cette toile de fond, lors des championna­t d’Europe EFSA, que l’équipe de France a terminé au pied du podium. Compte- rendu.

C inq pêcheurs de l’Hexagone, formant la Team France EFSA, ont donc débarqué le 23 mai dernier pour disputer à Olafsvik, petit port de la côte Ouest, ce Championna­t d’Europe tant attendu par 140 pêcheurs issus de 14 nations dont l’Afrique du Sud, invitée habituelle de la Fédération européenne. Direction Grundafjor­dur, un petit village portuaire à 240 km au nord de Reykjavik qui, comme son nom l’indique, se situait à proximité d’un fjord de toute beauté. Un cadre pittoresqu­e, composé de montagnes enneigées, de cascades et d’innombrabl­es volatiles marins (canards, oies, limicoles, rapaces, macareux et autres mouettes diverses) comme seuls voisins, méritent à eux seuls le voyage.

Le plus d’espèces possibles

La première journée d’entraîneme­nt fût annulée à cause d’une météo défavorabl­e, ce sera d’ailleurs le fil rouge du séjour, un coup on peut sortir et un autre on ne peut pas. A ce petit jeu, sur les sept jours planifiés, nous ne sortirons que quatre fois. La compétitio­n devait se pratiquer sur quatre jours, une pêche dite « aux espèces » où l’on doit rechercher la diversité, chaque type de poisson étant de toute manière limité à dix prises. Nos cibles étaient donc très variées : poissons de pleine eau comme les lieus noirs et les cabillauds ; les poissons de grands fonds, juliennes, brosmes, sébastes, flétans ; les poissons côtiers et semi-côtiers, limandes, plies, poissons-loups, aiglefins, merlans, etc. Le jeu consistait donc à cibler ces différente­s espèces en variant montages, leurres, profondeur­s et animations. Le tout, pratiqué uniquement en dérive, en utilisant soit des leurres (shads, jigs, plumes) ou des appâts, et parfois un mélange des deux.

La stratégie des chiffres

La principale difficulté était d’éviter les cabillauds, omniprésen­ts de 5 à 120 mètres d’eau et souvent d’une voracité telle qu’aucune autre espèce n’avait le temps de mordre à nos lignes ! Leurs tailles variaient de 1 à 15 kg. Nos skippers n’ont jamais cherché les gros spécimens puisque leur capture n’avait pas d’incidence sur la pêche, un cabillaud valant 2 points quelle que soit sa taille. Le système de point attribuait un bonus à chaque espèce différente, auquel on ajoutait les « points espèces ». Exemple, votre premier cabillaud valait 15 points dédiés à l’espèce, puis 2 points par prises jusqu’à la 10ème. Ainsi, le 11ème cabillaud ne comptait pas. Le poissonlou­p, plus intéressan­t avec ses 5 « points espèces », pouvait donc être recherché plus longtemps. Le premier poisson-loup valant 15 + 5 etc. Le « vainqueur » du bateau était presque tout le temps le pêcheur ayant fait le plus grand nombre d’espèces car la valeur des « 15 points » écrase le reste.

Première journée d’entraîneme­nt

A notre première et seule journée d’entraîneme­nt, nous embarquons

volontaire­ment sur deux bateaux différents afin de varier autant que possible la méthode de travail de nos skippers. Ce sont des petites unités, très marines, pour des pêches aux treuils et à l’anguillon avec pour seul cible le cabillaud ! Pêcheurs profession­nels connaissan­t parfaiteme­nt les postes, ils ont tous joué le jeu de la recherche des espèces en nous positionna­nt sur des postes précis. Cette unique journée d’entraîneme­nt nous a confirmé l’omniprésen­ce des cabillauds et la difficulté à capturer l’espèce supposée présente. Difficile de tous avoir le poisson-loup, difficile de faire des lieus noirs maillés (45 cm), difficile enfin de prendre les espèces moins représenté­es comme merlans, églefins et sébastes. La pêche côtière, axée sur la limande, ne posait aucun problème nos bas de ligne étant super efficaces, et quant à la plie, sa rareté était un vrai souci.

Une organisati­on qui casse la conviviali­té

Le dimanche, suite à un petit briefing de l’organisate­ur, nous apprenons qu’à cause du manque d’embarcatio­ns, chaque journée allait être divisée en deux manches : 14 bateaux embarquant la moitié des compétiteu­rs le matin de 7h à 12h puis, à leur retour au port, ces mêmes 14 unités réembarqua­ient l’autre moitié des concurrent­s pour la manche de l’après-midi de 14h à 19h. Grosse surprise pour tout le monde et gros souci d’organisati­on pour les teams ne possédant qu’une voiture, notre location étant à 20 km du port de départ, cela ne nous a pas forcément aidé... Mais le vrai manque fut dans la conviviali­té d’un embarqueme­nt unique et d’un retour « tous ensemble » où l’on peut tirer le bilan entre pêcheurs de la journée passée. Dans les faits, les pêcheurs du matin arrivaient, débarquaie­nt et étaient remplacés par le deuxième groupe sans même un échange. Il nous est donc arrivés de ne pas nous croiser, donc aucune discussion possible.

Une première journée favorable

Au premier jour de la compétitio­n le ton était donné et le plan de pêche bien établi. Cap au large à la recherche des cabillauds, lieux noirs et sébastes par 90 mètres de fond, puis un rapprochem­ent de la côte pour trouver un maximum de diversité, la profondeur variant de 30 à 40 mètres, merlans, loups, églefins, et enfin on terminait invariable­ment au ras du port par 5 mètres de fond pour traquer les limandes et les plies. Cette première sortie fut la meilleure quant au résultat et nous occupons la deuxième place du général derrière la Norvège et devant l’Allemagne. Notre travail sur les bas de ligne entamé dès l’année dernière a donc porté ses fruits. Pour les poissons plats côtiers, le choix s’orientait sur un traînard avec des hameçons type Aberdeen n°4 et surtout des perles, jaunesoran­ges pour les plies et argentées pour les limandes. Le poisson-loup local, assez petit (les plus gros spécimens atteignant quand même les 90 cm), nécessitai­t un traînard également, sans perle à cause des cabillauds et monté fort, 80/100 minimum avec hameçons de 3/0 étaient de mise. L’eschage s’effectuait avec du maquereau, du calmar ou des morceaux de lieus noirs si on en avait capturé un. Pour les sébastes, nous avons utilisé soit un montage mitraillet­te classique avec effet phosphores­cent (perles ou octopus), soit un montage très étagé, au moins 2 mètres entre nos deux hameçons. Ces sébastes étaient tantôt calés au fond, tantôt dans la couche d’eau. Ce montage prenait également pas mal d’espèces recherchée­s, notamment églefins et merlans. Pour les lieus noirs, le meilleur est le jig remonté très vivement, armé d’un triple ou d’un assist hook. Enfin, le cabillaud se prenait sans difficulté avec tous ces montages. En revanche, si on voulait le cibler particuliè­rement, c’est au leurre

Laprincipa­ledifficul­téconsista­itàéviterl­es cabillauds,omniprésen­tsde5à120m­ètresd’eau, souventd’unevoracit­étellequ’aucuneautr­eespèce n’avaitletem­psdemordre­ànoslignes!

souple qu’il mordait le mieux.Selon la profondeur on utilisait un shad GT (Delalande) vivement coloré, jaune-orange, plombé de 400 g à 80 g selon l’endroit. Arrivé au fond, il suffisait d’une remontée régulière pour être attaqué entre le fond et une dizaine de mètres audessus. Mais je le redis, le cabillaud tapisse les fonds islandais, de 500 g à 6 kg près de la côte et de 2 kg à 25 kg sur les tombants au-delà de 100 mètres. Ne pas attraper un cabillaud à sa première mise à l’eau est impossible dans ce pays...

Deuxième journée annulée

Très mauvais temps la deuxième journée, un force 8 à 9 toute la nuit avec une traîne à 6 Beaufort toute la journée, impossible de sortir de notre maison, manche annulée. Le 3ème jour a eu lieu la seconde manche. Même plan de pêche que sur notre première sortie, mais avec malgré tout une manche décalée d’une heure car les conditions marines restent tendues. Notre résultat sera un peu moins bon, et nous nous faisons dépasser par les Ecossais qui réalisent ce jour-là un résultat exceptionn­el, chacun de ces pêcheurs remportant son bateau. Une manche qui restera gravée dans leur mémoire. De notre côté, les scénarios varient de l’un à l’autre, et on se rend compte qu’il est dur de se battre quand des espèces rares ne mordent pas à notre ligne et nous essayons de trouver une solution pour limiter les dégâts à bord du bateau quand un concurrent sort de l’eau ce fameux poisson « bonus » !

Des Norvégiens intouchabl­es

Comme d’habitude ce sera le dernier jour que se jouera le podium et nous partons confiant car nous occupons la 3ème place. A nous de faire une bonne manche pour rester à cette place voire dépasser les Ecossais. Les Norvégiens, loin devant, semblent intouchabl­es. Pour la première fois, depuis le début de cette compétitio­n je croise à l’embarqueme­nt de l’après-midi Simon et Jean-Pierre, de retour de leur manche matinale et m’annoncent des bons résultats. Confiant et plein de hargne, ma journée ne répondra pas à mes attentes. Les trois premières heures se déroulent parfaiteme­nt, limandes, cabillauds et églefins garnissent mon panier alors que mes adversaire­s calent un peu. Mais voilà, quelques dérives plus tard, un redoutable concurrent anglais me donne une leçon de jeu. Descente du bas de ligne, julienne ! Descente du bas de ligne, merlan ! Descente du bas de ligne, églefin ! Aïe, descente du bas de ligne, sébaste ! Et comme ça ne suffit pas, de mon côté pas de sébaste et que du merlan sous taille, c’est rageant d’autant qu’en terminant la journée à la côte il finit de casser le moral de tout le monde en capturant la seule plie du jour... De retour à quai, le résultat de l’équipe semble tout de même correct. En revanche, nous voyons les Allemands se féliciter et les Ecossais font un meilleur résultat que nous... nous ne les rattrapero­ns pas. Pire, en fin de soirée, quand le résultat individuel du jour sera donné, nos calculs nous placent 4ème, les Allemands sont passés devant grâce à cette 3ème manche, historique pour eux ! Décidemmen­t, ce n’est pas notre semaine... le lendemain nous avions programmé une journée spéciale gros poissons pour se détendre et finir sur des sensations fortes. Finalement annulée, la météo ne permettait pas d’aller dans les grandes profondeur­s. Quelle frustratio­n !

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1 2 1. Les sébastes étaient bien présentes. 2. L’un des quatorze bateaux sur lesquels les compétiteu­rs s’affrontaie­nt. 3. Nous avons oscillé entre leurres et pêche aux appâts naturels.
1 2 1. Les sébastes étaient bien présentes. 2. L’un des quatorze bateaux sur lesquels les compétiteu­rs s’affrontaie­nt. 3. Nous avons oscillé entre leurres et pêche aux appâts naturels.
 ??  ?? 3
3
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France