Pêche en Mer

Chapon au leurre souple

-

Poisson emblématiq­ue de la Méditerran­ée que l’on peut pêcher quasi toute l’année, le chapon est le plus beau représenta­nt de la famille des rascasses. Il est impression­nant lorsqu’il dresse toutes ses épines devant un intrus qui s'aventure sur son territoire. Haut en couleur avec sa tenue de camouflage, il se confond avec le décor et surprend ses proies avec une rapidité incroyable. Nous allons voir ici les meilleures méthodes pour le faire au leurre souple.

Un chapon peut atteindre exceptionn­ellement un peu plus de trois kilos, mais en règle générale, les prises tournent autour du kilo, voire bien moins. Ce n’est pas tant la taille ou le poids qui intéresse le pêcheur. Ce sont, d’une part, l’extrême précision qu’il faut avoir pour lui présenter un leurre, mais

également, le côté poisson trophée, pas celui que l’on accroche au mur, celui que l’on va cuisiner. Car ne l’oublions pas, le chapon est un met de choix, qu’il soit farci ou poché dans la bouillabai­sse. Sous la mer, c’est surtout un chasseur à l’affût qui maîtrise totalement l’art du camouflage. Il peut changer de teinte ou de couleur en fonction du fond sur lequel il se trouve. La dominante rouge de sa robe le fait disparaîtr­e dans le décor. En effet, sous l’eau, le rouge est la première des couleurs qui est absorbée. C’est d’ailleurs une teinte dominante pour bon nombre d’habitants des profondeur­s, comme les calamars, les crevettes et pour de nombreux poissons. De plus, les aspérités de sa peau sont autant de petits lambeaux cutanés qui flottent avec le courant faisant croire à des algues. Le chapon peut rester immobile durant des heures, voire des jours, dans l’attente d’une proie qui lui convienne. Il mange peu souvent, mais est capable d’ingurgiter des proies de grosses tailles qu’il mettra un certain temps à avaler, puis à digérer. C’est un glouton plutôt qu’un prédateur délicat ou chipoteur. Il peut paraître lent, mais son attaque est souvent

fulgurante. Un point à ne pas négliger, il faut se méfier de lui ou plutôt des épines qui ornent sa tête et les premières dorsales, elles peuvent injecter un venin. La douleur est très pénible, mais pas mortelle. Il faut surtout faire attention en le manipulant. Dans la nature il se serre de cette arme redoutable pour tenir à distance des animaux qui pourraient envisager de l’inscrire à leur menu. D’ailleurs un chapon adulte a peu de prédateurs, hormis l’homme.

Où et comment rechercher les chapons

Le chapon, Scorpaena scrofa, est un poisson qui vit sur des fonds rocheux bien précis, entre une vingtaine de mètres et plus de 300 mètres de profondeur. Il y a des épaves, des pierres, ou des postes à chapons. Au printemps, ils se réunissent sur des fonds intermédia­ires en vue de la reproducti­on, il est alors plus facile d'en capturer plusieurs sur un même secteur. La pêche verticale au leurre souple se pratique en général sur des fonds intermédia­ires de quelques dizaines de mètres de profondeur. On peut également, si la dérive et le courant ne sont pas trop forts, pêcher au-delà des 100 mètres et avoir de belles surprises. Je me souviens l’année dernière avoir fait un chapon record, par 115 m de fond, de 2,6 kg. Les gros individus se trouvent parfois en limite des zones rocheuses, enfuis dans le substrat, vase ou sable, prêt à bondir. Seule une partie de leur tête dépasse, faisant penser à une pierre, posée sur le fond, ornée de petites algues. C’est en cela qu’ils font penser aux poissons pierre que l’on rencontre sous les tropiques et qui sont assez proches morphologi­quement des chapons. Afin d’exploiter ce type de comporteme­nt, il est nécessaire de poursuivre ses dérives au-delà de la tête de roche, du tombant ou des éboulis. Une fois piqué, on sent bien que l’on doit désensable­r le poisson. Il est lourd et ne semble pas vouloir décoller du fond. Ce comporteme­nt m’a été confirmé par des chasseurs sous-marins et par des plongeurs. Le fait que le chapon chasse à poste fixe, cela le rend plus difficile à localiser. Tomber deschute sus devient plus aléatoire. Alors comment le trouver et avec quoi l'attraper ou plutôt le provoquer, devient tout un art. Au leurre souple, le chapon se pêche exclusivem­ent en dérive, à condition qu’elle soit modérée. Si la dérive est trop forte du fait du vent ou du courant, ou encore du fait de la somme des deux, il faut envisager l’utilisatio­n d’un para- afin de ralentir le bateau au maximum.Au-delà d’un noeud de dérive il vaut mieux passer à une autre technique ou remettre ce type de pêche à un autre jour. Les chapons sont des poissons relativeme­nt sédentaire­s se déplaçant très peu ou pratiqueme­nt pas durant la journée. Il faut donc que ce soit les pêcheurs qui couvrent du terrain afin de les trouver.

La touche d'un chapon n'est pas toujours violente, parfois il cherche le fond pour s'accrocher entre les gorgones. Ensuite, il donnera quelques coups de tête et de queue, mais il s'opposera surtout en ouvrant son énorme gueule.

De plus, les chapons apprécient d'avantage une proie en mouvement qu'une morte posée sur le fond. La prospectio­n à l'aide d'un sondeur est très importante car elle permet de détecter une belle tête de roche, un monticule ou une épave. Les nouvelles technologi­es permettent aujourd'hui des visions en 3D qui facilitent grandement l'interpréta­tion des fonds. En revanche, repérer un chapon posé sur le fond à son poste d'affût demande une certaine habitude et surtout une électroniq­ue de qualité. Pêcher en dérive ne présente pas que des avantages, sur des fonds rocheux encombrés, il est malheureus­ement courant de s'accrocher et de laisser quelques leurres. Il est alors indispensa­ble de pêcher avec un matériel extrêmemen­t sensible et avec une tresse assez fine. Cela permet de bien ressentir les moindres aspérités du fond afin de réagir avant de s'accrocher. L’utilisatio­n d’hameçons Texan dont la pointe se trouve dans le prolongeme­nt du dos du leurre évite des accrochage­s intempesti­fs. Le passage dans des algues ou des gorgones est facilité avec ce type d’hameçon conçu à l’origine pour prospecter des milieux encombrés en eau douce.

Technique et maniement

Le chapon est un prédateur qui n'a pas peur de s'attaquer à des proies assez volumineus­es, mais il peut également se nourrir en gobant de tout petits alevins. Le choix de la taille du leurre est donc plutôt fonction de la profondeur à atteindre et de la dérive. Cela peut varier de moins de 10 cm à 20 cm avec une tête plombée allant d’une vingtaine de grammes à plus de cent. Le chapon est en fait réceptif à un leurre imitant ses proies favorites et qui se déplace dans son champ de vision. C’est en comprenant cela que l’on pourra le piquer avec un leurre adroitemen­t manié devant son nez. Il faut que le leurre nage le plus près possible du fond au gré du courant ou de la dérive. N'oublions pas que le chapon n’est réceptif qu’à une proie qui passe juste devant lui. La précision et une bonne animation sont donc des éléments déterminan­ts pour décider un beau chapon à attaquer. La pêche à la verticale aux leurres souples est une pêche au ressenti, il faut sentir vivre son leurre. Dès que l’on a pris contact avec le fond, on le décolle légèrement et l’on le fait vivre par de petits à-coups. Les nouvelles génération­s de leurres souples imitent parfaiteme­nt de petits poissons et avec leurs têtes plombées, ils permettent d'aller taquiner les chapons sur ou juste au-dessus du fond et à des profondeur­s plus ou moins importante­s. Les textures et la matière des corps des leurres souples, qu'ils soient aromatisés ou pas, vont donner

l’illusion d’une vraie proie. On va les faire se mouvoir juste au-dessus du fond par de petits sauts, puis un relâché, on reprend ensuite contact et ainsi de suite. On pourra alterner avec de courtes pauses sur le fond et de petites tirées. Ces mouvements au-dessus du fond vont finir par attirer l’attention d’un prédateur à l'affût. Le chapon ne poursuit pas ses proies, il est les gobe dans une détente hyperrapid­e. Il est donc indispensa­ble que le leurre lui passe assez près ou devant la gueule. Il faut vraiment animer son leurre en ne le déplaçant pas trop vite. Il faut éviter les trop grandes tirées et les récupérati­ons rapides. Il serait dommage d'avoir su tenter un beau chapon et de lui enlever le pain de la bouche au moment opportun. On comprend aisément que le moment est fugace et que la précision de l'arrivée sur le fond est des plus incertaine. C'est pour cela qu'il faut prospecter méticuleus­ement les moindres recoins d'un secteur accidenté. On n’hésitera pas à passer et repasser sur une zone attractive car à un ou deux mètres près on peut ou ne pas prendre un chapon. Ce n’est pas comme avec d’autres poissons qui vont suivre le leurre lorsqu’il remonte et porter leur attaque au moment où il paraît leur échapper.

Au leurre souple, on ne prend pas que du chapon

En recherchan­t le chapon en dérive au leurre souple on n’est pas à l’abri de tenter d’autres espèces, et c’est tant mieux. En pêchant à la verticale les chapons, il ne sera pas rare de faire d'autres beaux poissons, comme des Sparidés, pagres, daurades, et plus exceptionn­ellement des dentis. Voire, bien d'autres prédateurs à l'affût de la moindre proie et que l’on ne s’attendait pas à pêcher. Il arrive parfois de prendre également de belles mostelles, mais aussi, et c’est en général fini pour votre leurre souple, une murène. Un dernier point et non des moindres, le maniement près du fond est relativeme­nt minimalist­e, en revanche une fois décollé et lorsque l’on remonte son leurre, on a tout intérêt à l’animer plus énergiquem­ent et de le remonter assez rapidement avec des à-coups. Un poisson pélagique en maraude sera intéressé par ce genre de proie fuyant le fond ou se retrouvant en pleine eau. La prise d’une pélamide ou d’une sériole n’est pas exceptionn­elle, seuls le matériel utilisé et l’expérience du pêcheur pourront dire si ce genre de prises terminera jusqu’au bateau. En effet, en recherchan­t le chapon on pêche plutôt en light : canne, moulinet, ligne et bas de ligne, de même que l’armement du leurre. Comment alors trouver le bon compromis ?

Matériels et leurres souples

Pour le matériel, cannes et moulinets, deux écoles : On peut utiliser des cannes de type casting avec des moulinets tournants ou des cannes de type spinning avec des moulinets à tambour fixe. Il existe dans le commerce de très jolies cannes, étudiées spécialeme­nt pour la pêche à la verticale. On retrouve surtout de nombreux modèles pour pêcher en eau douce le sandre et le brochet, mais des cannes mer existent aussi. Les puissances peuvent être choisies entre des modèles 10/40 gr pour les plus light et 20/80 gr pour pêcher avec plus de poids du fait du courant ou de la profondeur. Les moulinets légers sont à privilégie­r, en taille 2000 et 3000 en tambour fixe. Dans les petits castings, la marque Abu Garcia propose un large choix de modèles avec débrayage au pouce. Les récupérati­ons sont souvent plus importante­s car les ratios sont différents sur les tambours fixes que sur les tournants. Dans

les petits moulinets à tambour fixe cela tourne en général autour des 80 cm au tour de manivelle. Une bonne récupérati­on procure un certain confort lorsque l’on doit remonter souvent pour changer de poste ou rattraper la dérive. Certains pêcheurs choisiront un moulinet à tambour fixe avec antiretour. Ils utiliseron­t cet aspect pour compenser la dérive tout en gardant le contact avec le leurre. En effet, la grande différence avec un tournant avec débrayage au pouce, c’est que l’on libère de façon contrôlée du fil. On est donc toujours en contact, près à intervenir ou à ferrer. Avec un moulinet à tambour fixe, pour libérer du fil, il faut soit ouvrir le pick-up, soit tirer du fil de la bobine pour en donner. L’inconvénie­nt majeur est de donner un mou préjudicia­ble et de risquer l’accrochage ou de rater la touche d’un poisson. En utilisant un moulinet à tambour fixe avec anti-retour, on peut actionner le système pour le débrayer et du coup pouvoir donner du fil en tournant en sens inverse la manivelle. À ce jeu, il faut savoir doser le déroulemen­t de la bobine. Une fois maîtrisée, cette façon de pêcher en dérive est très efficace car elle permet de bien compenser. On peut de ce fait suivre efficaceme­nt le fond.Attention, une fois le poisson ferré, il faut bien réenclench­er l’anti-retour et ne surtout pas laisser la manivelle repartir dans le sens opposé. « Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ! » Les leurres souples à têtes plombées, deux familles : les Shads avec une queue déflectric­e et les Slugs avec une queue effilée. L’avantage avec les Shads c’est qu’ils ont tendance à nager seuls sans les avoir encore animés. En effet, il arrive que l’on soit attaqué en fin de descente juste avant que le leurre touche le fond. Les vibrations produites par la queue propagent des ondes et font onduler tout le corps. Cela ne manque pas d’intéresser des prédateurs, à la fois réceptifs visuelleme­nt et par l’intermédia­ire de leur ligne latérale. Les Shads nagent à chaque tirée, mais également à chaque relâché. Dans les modèles Shads, c’est chez Flashmer que l’on trouve un des plus grand choix, notamment avec la gamme des Mega Shads qui se sont imposés depuis de nombreuses années comme la référence en pêche verticale aux leurres souples en mer. Aujourd’hui toute une gamme a été déclinée et propose les séries Blue Shad en 12 et 15 cm, respective­ment en 46 gr et en 90 gr et également les Blue Equille avec lesquels j’ai eu de très bons résultats cette saison, en 36, 47 et 66 gr pour des longueurs entre 155 et 180 mm. Les 360 GT Storm en 11 et 14 cm, respective­ment en 18 et 34 gr, sont intéressan­ts par leur réalisme et une nage attractive. La tête est plastifiée et possède un rattle. Le One up Shad de chez Sawamura est aussi une valeur sûre. La gamme des leurres souples Keitech donne de bons résultats sur les chapons, notamment les séries Swing Impact. La texture, les formes et surtout le fait qu’ils soient aromatisés avec un goût et une odeur calamar leur confèrent un sacré avantage. Ils sont en revanche un peu plus fragiles. Dans les modèles de Slug, on retrouve le One Up Slug de Sawamura et le Sling Shad de Megabass distribués par Ultimate Fishing. Enfin, un leurre qui a conquis bon nombre de pêcheurs est le Black Minnow de chez Fiiish, décliné aujourd’hui en de très nombreux coloris. Les finitions sont très réalistes.

Pratiquer à la verticale pour le chapon

Pratiquer de façon occasionne­lle la pêche au leurre souple à la verticale pour rechercher le chapon s’inscrit dans une démarche responsabl­e et reste une façon amusante de pêcher. Lorsque les conditions et l’époque sont favorables et que l’activité en surface est nulle et que certaines espèces ont déserté vos postes, ce type de prospectio­n est très ludique. C’est une pêche intéressan­te et sans stress. Je vois trop souvent des pêcheurs ne pas vouloir sortir de leur technique et rechercher avec obstinatio­n qu’une seule variété de poisson. Ils se regroupent d’ailleurs entre eux et finissent par être sectaires et réfractair­es à toutes autres formes de pêche. La diversité des espèces et des techniques permet au pêcheur passionné et curieux de varier les plaisirs. De nombreux pêcheurs se concentren­t sur une espèce en particulie­r et ne pratiquent que la technique qui permet de la capturer avec le plus de succès. Du coup, ils ne s’intéressen­t pas aux autres poissons ou que de façon accidentel­le. Certains ne sont adeptes que de pêche aux vifs en traîne lente, d’autres au lancer sur chasses, à la pêche à l’appât posé, uniquement au broumé, à la pêche profonde au moulinet électrique, à la traîne rapide aux leurres... La pêche est d’une telle diversité et d’une telle richesse, qu’il est possible de pêcher différemme­nt tout au long de l’année avec autant de plaisir. Pêcher un joli sar dans l’écume procure autant de plaisir que de combattre un gros thon. Le départ d’une daurade royale est aussi jouissif que le premier rush d’une pélamide. La mer est d’une telle richesse et la pêche d’une telle diversité qu’il serait dommage de s’en priver. ■

 ??  ??
 ??  ?? En pêchant au moulinet tournant débrayable en dérive, on contrôle parfaiteme­nt le cheminemen­t du leurre au-dessus du fond et l'on peut réagir à la moindre tirées. on reste en contact permanent avec son leurre.
En pêchant au moulinet tournant débrayable en dérive, on contrôle parfaiteme­nt le cheminemen­t du leurre au-dessus du fond et l'on peut réagir à la moindre tirées. on reste en contact permanent avec son leurre.
 ??  ?? Texte et photos de Alain Ferrero
Texte et photos de Alain Ferrero
 ??  ??
 ??  ?? Les chapons qui font moins de 500 gr méritent de repartir dans leur milieu. C'est un poisson très résistant qui ne subit pas les effets de la décompress­ion.
Les chapons qui font moins de 500 gr méritent de repartir dans leur milieu. C'est un poisson très résistant qui ne subit pas les effets de la décompress­ion.
 ??  ??
 ??  ?? On n'hésitera pas à passer et repasser sur une zone attractive car à un ou deux mètres près on peut ou ne pas prendre un chapon. Un petit moulinet à tambour fixe dans les tailles 2 à 3000, garni d'une tresse fine entre 12 et 20 Lbs, conviendra tout à fait.
On n'hésitera pas à passer et repasser sur une zone attractive car à un ou deux mètres près on peut ou ne pas prendre un chapon. Un petit moulinet à tambour fixe dans les tailles 2 à 3000, garni d'une tresse fine entre 12 et 20 Lbs, conviendra tout à fait.
 ??  ?? Le poisson-lion, ou rascasse volante, fait partie de la même famille que le chapon, les Scorpaenid­ae. Originaire de l'océan Indien, il colonise les eaux chaudes du sud de la Méditerran­ée.
Le poisson-lion, ou rascasse volante, fait partie de la même famille que le chapon, les Scorpaenid­ae. Originaire de l'océan Indien, il colonise les eaux chaudes du sud de la Méditerran­ée.

Newspapers in French

Newspapers from France