Où est passé le Poisson d’avril ?
Il n’y a pas quelque chose qui vous a surpris en plein confinement ? Et, pourtant, il s’agit d’un rendez-vous annuel incontournable depuis des siècles ! Cela faisait une petite quinzaine de jours que nous prenions nos nouveaux repères dans nos espaces réduits quand est arrivé le 1er avril synonyme de Poisson d’avril.
Le confinement nous a fait négliger nos blagues les plus grossières, ces poissons accrochés dans le dos qui rendaient les pré-adolescents que nous étions la risée de tous les autres jusqu’à ces canulars plus élaborés qui envahissaient les colonnes des quotidiens de la presse régionale ou nationale, les ondes ou les chaînes du petit écran. Un mois plus tard, le 1er mai, les buralistes vendaient quelques rares brins de muguet alors que les fleuristes avaient baissé leurs rideaux… Quelle drôle d’époque nous venons de vivre.
Au fait, pourquoi un Poisson d’avril ? Les tentatives de justification ne manquent pas.
Il y a les références, inévitables, à Jésus et le poisson qui était le symbole utilisé par les premiers chrétiens.
Les pêcheurs qui ont fréquenté les cours de catéchisme ont encore en mémoire cette journée miraculeuse sur le lac de Tibériade à laquelle participaient notamment Simon Pierre et Thomas, deux des disciples de Jésus. Mais cette petite assemblée sur sa barque n’était pas vraiment portée vers les blagues. L’allusion à la période de pêche est-elle plus vraisemblable ? Début avril coïncidait avec le retour du printemps et l’ouverture de la pêche. Mais les poissons étaient difficiles à surprendre en ce début de saison et l’on parlait alors de « Poisson d’avril », terme qui trouve son prolongement pour piéger, notamment, toutes celles et ceux qui font preuve d’un peu de naïveté. Comme l’évoqua le grammairien Pierre-Marie Quitard au XIXe siècle, dans son dictionnaire des proverbes et des locutions proverbiales de la langue française, on offrait ainsi à ces personnes simples un « appât qui leur échappait comme le poisson, en avril, échappait aux pêcheurs ».
On évoque aussi parfois une explication zodiacale. En vérité, tout ceci est finalement lié aux aléas des calendriers successifs. Tout commence avec Jules César qui décide de ne plus miser sur le calendrier lunaire et qui impose un calendrier solaire. Ce sera le « Julien ». Particularité : le premier jour de l’année sera le 1er mars. 500 ans passent et l’Église qui monte en puissance décide à son tour de négliger Jules César et fait savoir que le premier jour de l’année sera le 1er janvier. Mais toutes les régions de France, notamment, ne retiennent pas cette date considérant que le premier jour doit être celui de Pâques mais qui a l’inconvénient de ne pas être une date fixe.
On compose ainsi tant bien que mal quand arrive au pouvoir Charles IX qui ne laissera pas un souvenir impérissable. C’est, en effet, sous la direction de sa mère, Catherine de Médicis, le « père » des guerres de religion et le commanditaire du massacre de la SaintBarthémély. Charles IX, pour redorer son blason et tenter de faire oublier cette guerre dont il est l’inspirateur, décide d’uniformiser toutes les dates de son royaume en décrétant que le 1er janvier sera bien le premier jour de l’année pour tout le monde. C’est le fameux Édit du Roussillon d’août 1564. Ce calendrier sera encore légèrement modifié en 1582 par un pape, Grégoire VII, et deviendra le calendrier grégorien qui est toujours d’actualité.
Mais que vient faire notre Poisson d’avril dans tout ceci ? On en revient aux calendriers précédents où, pour beaucoup, le changement d’année s’opérait avec la résurrection du Christ et non pas sa naissance. Tout tournait autour du 1er avril qui était, pour célébrer la nouvelle année, l’occasion de se faire des présents mais aussi des blagues les plus diverses. Ainsi serait née l’habitude des Poissons d’avril qui, par la faute de ce satané virus, aura été éludée en 2020 ce qui est probablement une exception depuis des siècles.