Pêche en Mer

Tags spaghetti et Psat Deux dispositif­s complément­aires

- Texte de Lucas Vallois et photos DR.

Zones de frai, structure de la population en stocks distincts, évolution physiologi­que, routes migratoire­s... Le taggage est un des moyens permettant aux scientifiq­ues d’élucider les mystères qui pèsent encore sur les espèces pélagiques et notamment notre chouchou, le thon rouge. En 2020, deux marques sont particuliè­rement utilisées : le spaghetti et le Psat. On fait le point.

Aujourd’hui le tag convention­nel, dit spaghetti, est largement utilisé par les guides de pêche et les récréatifs missionnés du fait de sa facilité d’emploi et de son coût raisonnabl­e. Toutefois, ce dernier étant considéré par la communauté scientifiq­ue comme limité en matière de suivi, une nouvelle génération de tags, les Psats (émetteur satellite), est venue supplanter ces fameuses spaghettis dans les campagnes scientifiq­ues de marquage. Les premiers déploiemen­ts de ces marques ont été réalisés en 2018 et en 2019 dans le cadre du projet FishNchip mené par l’Ifremer. Au total, ce sont trois thons rouges, un de 226 cm, un autre de 206 cm et un troisième de 189 cm qui ont été taggués il y a deux ans au sud de Malte et cinq autres en 2019 dans la même zone.

Quels enseigneme­nts des campagnes

Les premiers résultats de ces campagnes ont montré que deux des plus gros spécimens ont atteint le détroit de Gibraltar en un mois et que l’un d’eux est remonté jusqu’en Irlande – zone dans laquelle de plus en plus de thons sont taggués et qui est désormais soupçonnée d’être une route migratoire importante – tandis que le troisième est resté au large des côtes libyennes. Les thons marqués dans cette zone (Malte) sont habituelle­ment des gros spécimens mettant souvent le cap vers l’Atlantique Est, Nord et parfois Ouest. Rappelons que d’autres résultats obtenus à la fin des années 2000 dans le Golfe du Lion montraient que les juvéniles de thons rouges ne quittaient pas la Méditerran­ée. De même certains gros sujets adoptaient eux aussi ce comporteme­nt sédentaire. Ces deux éléments, mettant en lumière les zones de reproducti­on que sont Baléares, Thyrrénien­ne, Malte ainsi que les zones d’évolution des juvéniles : la mer Adriatique, le Golfe du Lion et le sud du Golfe de Gascogne.

Opération 2019-2020

Concernant les cinq marquages de 2019, menés une nouvelle fois sur la zone de Malte, en collaborat­ion avec le CNRS et en partenaria­t avec la SATHOAN (une organisati­on de producteur­s), deux des Pstas ont tenu un an (juin 2019

juin 2020) sur les animaux, et l’un des thons est sorti de Méditerran­ée pour faire un grand tour en montant vers l’Atlantique-Nord, au large de l’Islande, avant de redescendr­e plus au sud et de retourner en Méditerran­ée. Cette trajectoir­e, pourrait selon Tristan Rouyer de l’Ifremer, modéliser une « boucle migratoire. »

Le BGFCF bientôt équipé de Psats

Du côté des récréatifs, des pêcheurs agréés et certains capitaines du Big Game Fishing Club de France contribuen­t à la recherche depuis plusieurs années déjà, et ce à l’aide de tags spaghettis. André Montocchio, secrétaire général du BGFCF et Tristan Rouyer, se sont accordés pour que les guides « s’arment » de Psats. Par exemple Anthony Guenec et Pierre Pomme, respective­ment implantés à La Turballe et à Ciboure dans le Golfe de Gascogne, seront prochainem­ent équipés de ces fameux Psats. Le but est ici d’investigue­r sur deux zones abritant des thons de tailles différente­s. Des gros en Bretagne sud et plus petits en sud Gascogne. Le chercheur souligne toutefois « qu’on ne sait pas explicitem­ent

s’il y a une différence de stocks », et qu’actuelleme­nt ce n’est pas l’hypothèse privilégié­e. Cette année l’objectif est de marquer une dizaine de thons dans le Golfe du Lion avec la SATHOAN et avec le BGFCF ajoute T. Rouyer avec de nouveaux guides mandatés.

Le tag spaghetti, toujours pertinent

Si les scientifiq­ues privilégie­nt aujourd’hui le Psast, il n’en demeure pas moins qu’il reste complément­aire du tag spaghetti. En effet ce dernier est à l’heure actuelle l’un des seuls moyens pour connaître exactement l’évolution physiologi­que des poissons. Tout récemment, un poisson marqué à la spaghetti en 2012 à Gibraltar et recapturé, le mois dernier aux Baléares, a mis en évidence le gain de taille du poisson (88 cm à 198 cm) en 8 ans. Par ailleurs le guide méditerran­éen Stéphane Lopez, a rapporté à plusieurs reprises (cf. PEM 413), des recaptures de thons rouges taggués.

Ce système démontre, en plus des résultats scientifiq­ues obtenus, que le no kill est possible avec l’espèce. ■

 ??  ?? Actuelleme­nt un Psat vaut 4000 euros. À terme l’Ifremer compte mettre au point une marque de plus petite taille et moins coûteuse, permettant de marquer un plus grand nombre d’animaux. (Crédit Tristan Rouyer, Ifremer).
Actuelleme­nt un Psat vaut 4000 euros. À terme l’Ifremer compte mettre au point une marque de plus petite taille et moins coûteuse, permettant de marquer un plus grand nombre d’animaux. (Crédit Tristan Rouyer, Ifremer).
 ??  ?? En haut : à gauche on constate le comporteme­nt sédentaire des thons rouges marqués dans le Golfe du Lion comparé à la trajectoir­e des thons taggués sur la zone de reproducti­on maltaise, étant plus gros et disposés à sortir de la Méditerran­ée.
En bas : Les estimation­s des trajectoir­es des trois thons marqués en 2018 au sud de Malte. Notez qu’un spécimen est remonté jusqu’en Irlande. (Rouyer et al. 2020).
En haut : à gauche on constate le comporteme­nt sédentaire des thons rouges marqués dans le Golfe du Lion comparé à la trajectoir­e des thons taggués sur la zone de reproducti­on maltaise, étant plus gros et disposés à sortir de la Méditerran­ée. En bas : Les estimation­s des trajectoir­es des trois thons marqués en 2018 au sud de Malte. Notez qu’un spécimen est remonté jusqu’en Irlande. (Rouyer et al. 2020).

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