Pedale!

Accablés par la chaleur.

Parce qu’on peut être un grand champion et se méfier du soleil comme de la peste.

- PAR ALEXANDRE PEDRO / PHOTOS:

Charly GAUL

“L’Ange de la Montagne” s’est envolé à la veille de ses 73 ans par un jour froid et pluvieux sur le Grand-Duché du Luxembourg. Ciel bas et lourd, pluie, vent, tempête ou neige, Gaul avait ses critères pour écrire sa légende. “Lui, c’était le meilleur dans la chaleur, et moi dans le froid, alors on s’est partagé la planète”, disait-il à propos de Federico Bahamontès, l’autre grand grimpeur des années 50. Son chef d’oeuvre, le Luxembourg­eois le signe dans l’étape devenue mythique de la Chartreuse, sur le Tour 58. Par une journée à ne pas mettre une grenouille dehors, il relègue ses premiers concurrent­s à près d’un quart d’heure. “C’est un être surnaturel”, lâche alors Raphaël Géminiani, maillot jaune dépossédé et congelé. Hélas, l’année suivante, Gaul redevient un simple mortel et perd toutes ses chances de doubler la mise, accablé par la canicule lors de la 13e étape entre Albi et Aurillac. Après sa carrière, il vivra de longues années comme un ermite dans les bois. Au moins, dans ses forêts des Ardennes, l’Ange vivait au frais.

Lance ARMSTRONG

Pendant son septennat de règne (remplacé aujourd’hui par un astérisque et la mention “non attribué”), l’Américain ne craignait rien. Ni la concurrenc­e, ni les chutes, ni les contrôles, ni la glorieuse incertitud­e du sport. Pourtant, Lance avait sa kryptonite. Quand le mercure grimpait au-delà des 30 degrés, il pouvait redevenir le grimpeur friable d’avant son cancer. Comme lors de cette ascension de Joux-Plane en 2000, où le maillot jaune sue à grosses gouttes, respire par la bouche et lâche deux minutes au vainqueur, Richard Virenque. Nouveau coup de chaud trois ans plus tard, lorsqu’il prend un éclat par Jan Ullrich lors d’un contre-lamontre caniculair­e. Contre la chaleur, Armstrong disait avoir trouvé un remède: “L’eau, l’eau, l’eau. Il faut y penser la nuit avant le départ, et je dirais même la semaine avant le départ. C’est essentiel.” Pour une fois, on veut bien le croire.

Tim WELLENS

Tim Wellens a un problème avec le Tour de France: sa date. Le Belge n’aime pas l’été. Sur l’édition 2017, le leader de la LottoSouda­l vit un calvaire. Il abandonne lors de la 15e étape et explique souffrir d’une forme d’allergie au soleil. “Quand je vais à la plage, je n’ai pas de problèmes avec le soleil et la chaleur. C’est uniquement quand je réalise un effort violent.” Wellens a bien tenté le sauna pour habituer son corps à la canicule, mais a en revanche toujours refusé de prendre une crème à la cortisone pour soigner son mal. Rouge comme une écrevisse peut-être, mais avec des principes.

Simon SPILAK

Dans une autre vie, le Slovène a dû s’appeler Noé et naviguer sur une arche. Avec un Tour de Romandie et deux Tours de Suisse au palmarès, Spilak marque une préférence pour la confédérat­ion helvétique, ses routes bien larges mais surtout ses printemps pluvieux. “Mon pire ennemi est la chaleur, mais je suis parvenu à la surpasser aujourd’hui”, racontait-il après le contre-la-montre du dernier Tour de Suisse, couru par un inhabituel 28 degrés. Jusqu’à un certain point: bon rouleur, grimpeur plus que correct, potentiel top 10 du Tour de France, Spilak préfère décliner les trois semaines de canicules. “Je penche plutôt pour les courses à étapes de 6 à 10 jours.” Pas difficile, le type.

Thibaut PINOT

Avant, le coureur français aimait parler de la pluie et du beau temps, désormais il tweete dessus. Quand son applicatio­n météo annonce un temps à l’orage, Thibaut Pinot l’accompagne d’un smiley hilare. “Quand je vois la pluie le matin, je suis content”, avoue-t-il. Malgré sa 3e place en 2014, le Franc-Comtois n’a pas l’âme d’un juilletist­e. Le Tour? Trop cadenassé, trop de de pression, et trop chaud, donc. Surtout dans sa traversée des Pyrénées. En 2016, alors qu’on l’attend gros comme une maison, Pinot explose dans le col d’Aspin: “J’étais pathétique, j’avais mal au dos, aux pieds, aux mains, partout.” Depuis deux ans, le grimpeur privilégie le Giro, ses courants d’air du mois de mai et ses montées entre deux murs de neige. Enfin, en attendant le changement climatique.

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ICONSPORT, DPPI ET PANORAMIC
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