LES 5 ADRESSES Du SLIP FRANÇAIS
Depuis des années, ils s’aiment et se détestent. Aujourd’hui, le luxe et le streetwear n’ont jamais semblé aussi proches, portés par une nouvelle génération et des directeurs artistiques désireux de démocratiser leur mode haut de gamme.
19 février 2017, cour des jardins du Palais Royal, Louis vuitton étonne son monde: la marque Supreme s’est invitée partout dans la nouvelle collection, sur les monogrammes, les toiles cirées et les sacs en cuir Taïga. Affolement dans le milieu fashion. En quelques secondes, le hashtag #LvxSuPREME est cité 4 931 fois sur Instagram. Serait-ce la file quasi permanente tous les samedis devant la boutique de la rue Barbette à Paris qui a donné envie à Kim Jones de collaborer avec la célèbre marque de skaters? Ou plus simplement une recherche de street cred’ pour une marque connotée trop chic et sage? Ce n’est certes pas la première fois que la mode s’inspire du streetwear et de sa «crédibilité»: Marithé+ françois Girbaud étaient les premiers à parer leurs tailleurs de détails sportswear et à montrer un baggy à scratches dans leurs collections des années 80. Louis vuitton, sous la houlette de Marc Jacobs, faisait taguer ses it bags par Stephen Sprouse en 2008. En haute couture, il y a deux ans, les mannequins Chanel défilaient en baskets sous leurs robes «Prix sur Demande». Mais , aujourd’hui, entre le luxe et la rue c’est vraiment l’amour fou : la banane chez Hermès, le logo Champion chez vêtements, des nouvelles marques comme Koché qui en font leur fonds et de commerce... Street rules !
DE MISSY ELLIOTT À A$AP ROCKY
La street culture fait ainsi sa première entrée dans l’univers fermé du luxe dans les années 90, quand les rappeurs inventent le bling et s’associent à des marques comme Gucci pour « s’affirmer, en mettre plein la vue pour éviter d’être constamment rabaissés», explique Doze Green, l’ex-breakdancer du Rock Steady Crew. A l’époque, certaines maisons haut de gamme font grise mine en voyant leurs fringues portées par des lascars et des zoulettes de banlieue. Puis, en 1998, le Vogue américain met en scène une Missy Elliott emmitouflée dans une fourrure et affirme que le hip hop s’est « glamourisé », qu’il a troqué « ses baggys contre du Bulgari ». Neuf ans plus tard, A$ap Rocky, rappeur de 29 ans, devient la coqueluche de Dior Homme. On l’a vu au premier rang du défilé de la marque qui avait des airs de rave party. De Harlem à l’avenue Montaigne, il est un symbole de cette génération qui a réalisé ses rêves, laissant loin derrière son statut social et son enfance chaotique: un père arrêté pour trafic de drogue et un frère assassiné. un exemple de réussite sans reniement, à l’image de Christelle Kocher, la nouvelle créatrice du moment qui fait défiler son street casting aux Halles ou au passage du Prado, «des lieux parisiens de brassage sociologique, avec différentes origines culturelles ». Et quelques revendications politiques bien senties, serait-on tenté d’ajouter.
WIN-WIN
Ainsi, Demna Gvasalia chez Balenciaga affiche son rejet de Trump en imprimant le logo de la maison sur la même signalétique que les affiches de campagne de Bernie Sanders, la figure socialiste démocrate désormais... vintage. Ainsi encore des mannequins de Hood by Air défilant avec des sweat-shirts estampillés de codesbarres, comme un pied de nez à la crise des migrants. Cette forme de rébellion est même devenue un outil d’autopromo efficace, à l’image du Gucci Gang en 2016. Pas du tout sponsorisées par la marque, ces jeunes filles de 15 ans multi-suivies sur les Internets ont réussi à mettre efficacement en scène leur métissage et une mode décomplexée. Résultat : toute la presse mode leur a couru après, comme si elle avait trouvé l’alignement parfait des étoiles Jeunesse, Rue et Luxe. De ce pas de deux, tout le monde espère sortir gagnant. A la rue de se servir du luxe comme écrin, au luxe de se rajeunir afin de retrouver une croissance à son plus bas depuis la crise de 2008: entre 0 et 1%, selon une étude du cabinet de conseil Bain & Co… ROCK ON !