VINCENNES TOUT NU
C’est l’un des gros buzz de la rentrée à Paris :il y a désormais un espace naturiste dans le bois de Vincennes. Virée chez les culs-nus de l’extrême.
Dimanche 4 septembre, 14h00
Ciel ensoleillé parcouru de quelques nuages. Température extérieure :25 degrés. Léger vent ouest-quart-nord-ouest. Me voilà à l’entrée du bois de Vincennes à la recherche de la nouvelle zone naturiste mise à disposition par la mairie de Paris, via une proposition du groupe EELV. Le truc est sensé se situer juste à côté de la réserve ornithologique, spot parfait pour sortir son petit oiseau.
14h30
Je galère pour trouver le mini-Cap d’Agde parisien. Coup d’oeil furtif sur wikipédia, rubrique “naturisme ”, histoire d’en savoir un peu plus sur cette pratique. J’y apprends que “le mouvement des adamites est le tout premier à prôner le nudisme dans une démarche de retour à la nature. issu du christianisme, leurs adeptes revendiquaient dès l’Antiquité une vie simple associée à la pratique de la nudité en commun afin de retrouver l’harmonie du jardin d’Eden. ” J’y apprends aussi que le naturisme se développe en France au XiXe siècle surtout dans les communautés anarchistes issues du socialisme utopique. Passionnant.
14h35
Je rencontre un couple de mecs qui recherche la même chose que moi. on allie nos forces et finit par tomber sur une petite clairière planquée entre deux forêts. A l’entrée, un gros panneau :“VouS ENTREZ DANS uN ESPACE oÙ LA PRATiQuE Du NuDiSME EST AuToRiSÉÉ.” Au loin, j’entr’aperçois quelques culs qui prennent le soleil. Nous y sommes.
14h40
Sur un quart d’hectare, une centaine de néoadamites sont assis dans les hautes herbes. Mais problème, d’autres journaleux ont eu la même idée que moi, des caméras de télé poussent comme des champignons. Le jardin d’Eden ressemble pour l’instant à un zoo. J’entends deux corps ridés grommeler:“Y a trop de textiles ici, on passe pour des extraterrestres.” il va falloir la jouer fine, marcher sur des oeufs.
14h45
Dans ce genre de situation sensible, toujours prendre contact avec les boss des lieux. Je tombe justement sur Speedy, quadra dynamique, l’un des responsables de l’ANP (association des naturistes de Paris, qui gère l’endroit). Le sexe à l’air, il m’explique que la naturisme est toujours très lié aux clichés du libertinage mais qu’il n’en est rien ici. il complète en me disant que le naturisme est surtout pratiqué par des hommes de plus de 40 ans. il n’a pas tort, je compte huit femmes en tout et pour tout.
14h50
Mon embarras judéo-chrétien est descendu à la cave. Moins de journalistes aussi. Je commence à me sentir à l’aise. Je prends en photo cinq mecs qui, en cercle, jouent au volley-boules. Je fais aussi connaissance avec Laurent, le président de l’association. Visage détendu, l’accent britannique, il m’annonce :“Etre nu, ça désexualise. Regarde autour de toi, il faut un peu de tissu pour érotiser les corps.” Le naturisme peut-il nous préserver d’une troisième guerre mondiale? “oui, si tous les chefs d’Etat se mettaient à poil autour de la table des négociations, il y aurait sûrement moins de guerres ”, lance-t-il dans une tirade très onusienne.
15h00
J’interviewe Chantal et Jean-Jacques, charmant petit couple, puis Christine qui, quand elle se rhabille, est déléguée de la communication île-de-France. Pour eux, le son de cloche est le même :“Le naturisme permet de relâcher les tensions physiques et mentales, il libère des marqueurs sociaux et aide à mieux s’assumer. ” Et bouffer un acide en plein désert ?
15h15
il y a trop de bonheur autour de moi. Certes, pas de quoi avoir la trique, mais je craque. Moi aussi, j’ai envie de contribuer à la paix dans le monde. Je m’isole dans un coin et décide de me désaper.
15h17
Les culs-nus m’applaudissent et me félicitent. Je ne cherche même plus à cacher ma teub, je fais maintenant partie de la communauté. Certains d’entre eux veulent prendre une photo bras dessus, bras dessous avec le journaliste-de-Playboy-qui-s’est-mis-à-poil. Quart d’heure de célébrité.
16h00
Ça y est, je me sens chez moi, assis avec une dizaine de mecs qui entament un petit goûter. Mes testicules râpent le sol. Je leur explique que j’ai eu du mal à trouver ce petit havre de paix, assez mal indiqué. “Just follow the gays !”, me répondent-ils en choeur. J’allume mon “gaydar ”, jusqu’alors en veille, et constate que le jardin d’Eden est effectivement peuplé à moitié d’homos.
16h30
Le temps pour moi de me rhabiller et d’affronter à nouveau la réalité textile. Sur le chemin du retour, j’imagine Kim Jong-un et Donald Trump nus en train de jouer au volley-ball. Et je me dis que oui, le naturisme pourrait tout à fait nous éviter une troisième guerre mondiale.