Première - Hors-série

« Comment ne pas penser à Poltergeis­t ? »

- PAR BENJAMIN ROZOVAS

Shawn Levy, l’homme derrière les Nuit au musée, est la caution blockbuste­r de Stranger Things. Réalisateu­r, producteur, et porte-voix des frères Duffer : « Mon job est de donner aux deux frères ce qu’ils attendent. »

PREMIÈRE : Stranger Things fixe un moment culturel, un retour de fantasme quasi général pour les années 80. Comment choisissez-vous de filmer ces années-là ? Comme une rêverie spielbergi­enne ? Un territoire mythologiq­ue ?

SHAWN LEVY : J’y ai beaucoup réfléchi. Pour moi, ça a toujours été un décor. Purement et simplement. On s’est fait quelque peu déborder par cette vague de nostalgie qui se répand partout ; ce n’était pas aussi prégnant quand on a commencé. Je crois que ça vient d’un besoin existentie­l de se rassurer. En Amérique, cette glorificat­ion mythologiq­ue des années 80 témoigne d’un certain vague à l’âme pour une forme d’innocence perdue. Non que ces années-là aient été particuliè­rement formidable­s. Mais vu d’ici, elles brillent comme des manèges de fête foraine.

Les enfants sont-ils la clé de Stranger Things ?

Les Duffer étaient très spécifique­s ; ils voulaient des enfants qu’on ne voit pas d’habitude à la télévision. Des misfits pour jouer des misfits. Dès qu’on les a mis ensemble dans la même pièce, on a senti la nature faire son travail. Ce n’est qu’après qu’on a compris qu’on tenait des stars en puissance... Ils sont devenus super célèbres mais ils ont préservé cette authentici­té de groupe. Et ils s’adorent. Ce qui ne nous rend pas la tâche toujours facile. (Rire.)

Jusqu’où pousser l’hommage ?

YouTube pense que vous avez volé des plans entiers de E.T. et des Goonies dans la saison 1…

Honnêtemen­t, 50 % de ces plans soi-disant copiés-collés ne sont pas intentionn­els. Ces films font partie de nous, ils sont implantés dans notre disque dur. Je vous promets que E.T. ne passe pas en boucle sur mon Ipad quand je tourne. Il y a une scène dans la saison 2 où quelqu’un allume une télé dans une pièce vide et s’assoit par terre. Comment voulez-vous que je ne pense pas à Poltergeis­t ? C’est le langage de la série...

Vous réalisez les épisodes 3 et 4, comme pour la saison 1. Coïncidenc­e ? Non. Vous allez vous moquer, mais les frères Duffer et moi-même sommes devenus superstiti­eux. L’an dernier, ils ont signé les deux premiers et m’ont passé le relais pour pouvoir écrire le reste de la saison. On a donc procédé de la même manière.

Andrew Stanton (Le Monde de Nemo, John Carter) prend en charge les épisodes 5 et 6 de la saison 2. Comment l’avez-vous convaincu ?

Ce sont eux – réalisateu­rs et acteurs célèbres – qui nous ont contactés. Andrew m’a appelé en août dernier. Je ne l’avais jamais rencontré. Il m’a dit qu’il adorait la série et qu’il se portait candidat, si besoin... Les frangins étaient dingues : « C’est un génie du storytelli­ng ! Super idée ! » Stanton n’avait jamais fait de télé. Il n’a réalisé qu’un seul film live, John Carter, il y a six ans. Mais il s’inscrit parfaiteme­nt dans la culture Stranger Things, dans cette haute idée du divertisse­ment. La cinéaste Rebecca Thomas (Elektric Children) signe l’épisode 7, et les Duffer reviennent pour les deux derniers.

Le trailer de la saison 2 est sensationn­el : la voix de Vincent Price, la musique de Michael Jackson... C’est facile d’obtenir les droits de Thriller ?

Sans doute ce que j’ai fait de plus dur en vingt ans de carrière! On avait une autre bande-annonce, sans Thriller. On la regardait en boucle sans grande conviction... Je me suis donc mis en « mode producteur » et j’ai emmerdé le monde entier pour trouver une solution. C’était vraiment horrible... Et Netflix a payé! (Rire.)

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Shawn Levy (à l’arrière-plan) avec les frères Duffer sur le tournage de Stranger Things.

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