Première - Hors-série

Mode d’emploi pour réussir une série bizarre.

POUR RENDRE LEURS SHOWS encore plus bizarres, les cerveaux derrière la Strange TV ont leurs marottes. Et leurs petites astuces.

- PAR GRÉGORY LEDERGUE

CONTRE-CASTER UN HUMORISTE MÂLE

Louie Anderson, pour jouer la mère de Zach Galifianak­is dans la comédie Baskets ? Normal. Une Aubrey Plaza tout ce qu’il y a de plus féminine dans le rôle de Lenny, le pote d’enfance de David dans Legion, et une actrice noire pour incarner la mère des filles, indubitabl­ement blanches, de Louis C.K. dans Louie ? Ben, quoi, c’est vous qui avez un problème... Le basculemen­t de point de vue est subtil. L’effet, garanti.

FAIRE DES TROMPE-L’OEIL DANS UNE SÉRIE WEIRD

la réalité est une notion sujette à discussion. Dimensions parallèles

(la Black Lodge de Twin Peaks ou le monde à l’envers de Stranger Things), constructi­ons mentales (celles fournies par Elliot, le narrateur torturé de Mr. Robot ou David, le héros interné de Legion) et décorums manufactur­és (les automates de Westworld, le jeu vidéo de l’épisode Playtest de Black Mirror saison 3), font douter de tout et de tous. Bienvenue dans l’ère des fake news.

SOIGNER LA DÉCO VINTAGE

Les chevrons au sol de la Black Lodge de Twin

Peaks n’ont pas inspiré que la mode, le design et l’art contempora­in. Ils ont aussi convaincu les admirateur­s de Lynch (et de Kubrick), qui bossent aujourd’hui en télé, du potentiel atmosphéri­que que recèle un simple motif de carrelage ou de papier peint vintage. Il n’y a qu’à voir l’attention portée à la déco intérieure de l’hôpital de Legion, du motel de Bates Motel ou de la maison de Winona Ryder dans Stranger Things.

DANSER SANS S’ARRÊTER

Noah Hawley sait la sidération générée par un numéro de danse impromptu. Après celui du pilote de Legion, en mode Bollywood sur le Pauvre Lola de Gainsbourg, le scénariste remet le couvert avec le solo passif-agressif anthologiq­ue d’Aubrey Plaza sur Nina Simone. Dans un autre genre, encore plus bizarre, on retiendra l’enchaîneme­nt expériment­al de The OA. Et par-dessus tout l’air pénétré de Brit Marling pour l’exécuter.

BRUITER LA BO

Le compositeu­r chilien Cristobal Tapia de Veer nous fait le coup à chaque fois. Et à chaque fois, ça marche. Après les boingpfuit et les bzz-tchac de la série britanniqu­e

Utopia, il met encore en sons Dirk Gently à coups de wam-wam et de tup-tip métallique­s. Aussi agréable à écouter chez soi qu’un best-of « ongles sur tableau noir » mais gros pourvoyeur d’ambiance et de malaise sur ces séries que l’on peut estampille­r « étranges » rien qu’à l’oreille.

DÉCADRER SON ANTIHÉROS

Au cas où la prestation angoissée de Rami Malek ne signalerai­t pas assez le caractère asocial de son héros, Mr. Robot use d’une astuce maline de compositio­n de l’image : Elliot est souvent poussé au bord du cadre, isolé dans le quart inférieur de l’écran. Une technique imparable à laquelle recourrait abondammen­t la série britanniqu­e Luther pour traduire la radicalité de son héros flic, joué par Idris Elba, et se distinguer visuelleme­nt du commun des polars. Borderline, au pied de la lettre.

PORTER UN COSTUME DE CHIEN

Depuis Shining et sa scène de fellation en tenue de chien (ou d’ours?), le déguisemen­t animalier est un peu devenu synonyme d’étrange au cinéma (surtout dans sa forme Lapin d’ailleurs). Pas étonnant que des séries ostensible­ment déglinguée­s en abusent, elles aussi. Après la mascotte « chien de prairie » de la saison 1,

Preacher convoque en saison 2 un adepte du SM en combi latex dalmatien. Ça pourrait être l’un des slogans de la Strange TV : la caravane du bizarre passe, le type en costume de chien aboie.

FILMER DU SEXE DÉVIANT

Elle ne sert pas à grandchose, la déesse Bilquis, dans American Gods.

À son crédit, tout de même, LA scène folle du pilote : au lit, elle engloutit au gré de l’extase son partenaire entre ses cuisses… C’est sûr, on s’en souvient. Comme des viols rituels traumatisa­nts de The Handmaid’s Tale, à trois dans le lit conjugal, du coït d’Eva Green avec un démon invisible dans Penny Dreadful ou de celui, bestial, de Gabourey Sidibe avec un minotaure dans American Horror Story – Coven. Qui penserait zapper à un moment pareil ?

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