EN COUVERTURE
WandaVision
Ça ne devait être qu’un appendice, l’extension télévisuelle du MCU, une courroie de plus dans une machine de guerre parfaitement huilée : trois films mastodontes par an, un univers interconnecté inédit par son ampleur, des dollars par milliards et une formule qu’à peu près tout Hollywood a tenté de copier – sans jamais y parvenir. Mais la crise sanitaire est passée par là. Touché, comme tout le monde, par la fermeture des salles, Marvel Studios a décidé de reporter à 2021 ses blockbusters superhéroïques, dont Black Widow, qui devait lancer en avril dernier la très attendue « Phase 4 » [chaque phase forme un arc scénaristique]. Ce sera donc sur Disney+, la plateforme de streaming maison, que se jouera la prochaine étape décisive du MCU. Du cinéma format « série » pour un renversement des valeurs aussi incongru que cohérent (les films Marvel ne se rapprochent-ils pas d’une longue série sur grand écran ?), directement sur nos télévisions HD. Avec, en ligne de mire, l’obligation de filer aux fans leur dose de héros en collants dont ils sont privés depuis des mois. Grosse pression. « Il y a deux ans, Bob Iger [le patron de Disney] venait de créer Disney+, et il nous a demandé de commencer à réfléchir à ce qu’on aimerait faire en matière de séries, de narration sur la longueur. C’était la bonne idée au bon moment », raconte Kevin Feige à Empire. Pour la première fois, la firme de Burbank donnait les clés du camion sériel au grand manitou de Marvel Studios, après une collaboration peu probante entre la défunte branche Marvel Television et Netflix (les séries Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist, The Defenders…). WandaVision ouvrira le bal de cette nouvelle ère le 15 janvier prochain, avec une conscience accrue de son statut protéiforme : « C’est pour ça qu’on ne pouvait pas en faire un film. Le MCU sur grand écran est en quelque sorte devenu un genre en soi. Et on joue là-dessus », assure Feige, nerd ultime, nourri à Star Wars, aux comics et… aux sitcoms, qu’il dévorait le soir venu durant son enfance. « J’en ai bien trop vu! J’ai été élevé par la télévision, j’avais une obsession presque malsaine pour elle. Mais maintenant, je peux l’utiliser pour en faire quelque chose de productif. » WandaVision sera donc une variation autour de classiques de la télé américaine comme The Dick Van Dyke Show et I Love Lucy – shows familiaux peu connus de ce côté de l’Atlantique – ou encore Ma sorcière bien-aimée.
Vision trouble
Le premier épisode ressemble à une sorte de parodie fiévreuse et étrange, qui emprunte les tics (et les tocs) de la sitcom 50s proprette, à en juger par la bandeannonce. Une expérience lo-fi avec un travail à l’ancienne pour l’équipe technique : si un personnage doit voler, les câbles sont de rigueur – pas question d’utiliser d’effets spéciaux numériques. L’histoire se déroulera après les événements d’Avengers : Endgame. Wanda Maximoff/la Sorcière rouge (Elizabeth Olsen) et l’androïde Vision (Paul Bettany) sont désormais mariés et installés dans une idyllique bourgade de banlieue appelée Westview. Tentant de cacher leurs pouvoirs au voisinage, ils… mais… attendez… Comment Vision est-il revenu à la vie après avoir été tué par Thanos à la fin d’Avengers : Infinity War ? Et pourquoi le couple semble avoir totalement oublié sa rencontre? Les réponses viendront au fil des six épisodes prévus, dont le premier veut tellement coller au modèle de la sitcom qu’il a été tourné en public et sera diffusé en noir et blanc. Les suivants avanceront dans le temps (années 60, 70, 80, 90…), adoptant à chaque fois les codes de la TV de l’époque. Kevin Feige promet notamment un style de réalisation proche de The Office et de Modern Family, façon documentaire, caméra au poing et interviews face caméra. « Cette série est une lettre d’amour à l’âge d’or de la télévision, résume Jac Schaeffer, la scénariste en chef de WandaVision, à nos confrères d’Entertainment Weekly. On rend hommage à ces séries incroyables et à ceux qui nous ont précédés, mais on essaie également d’explorer de nouveaux territoires. »
Elizabeth Olsen, qui confie avoir eu quelques vertiges lors du tournage du pilote face à de vrais spectateurs (« C’était de la folie. Il y avait quelque chose de très
méta parce que, quand j’étais gamine, je venais sur le plateau de La Fête à la maison où travaillaient mes soeurs »), ne semblait pas franchement convaincue par le projet au départ. « J’avais vraiment peur. Je suis restée prudente. Sauf que c’était Feige aux manettes… Je lui fais 100% confiance. Je suis heureuse que Paul et moi ayons eu cette opportunité de continuer ensemble, il y avait quelque chose d’inachevé (…) On vise un truc dingue et j’adore prendre des risques. Mais c’est un niveau d’étrangeté acceptable, dans le sens où la série reste ludique dans sa bizarrerie. » Paul Bettany, lui, était persuadé que Vision ne reviendrait jamais à l’écran. Une « agréable surprise pour moi et mon banquier », sourit celui qui a fait sa première apparition chez Marvel en doublant l’intelligence artificielle JARVIS dans Iron Man, en 2008.
Une histoire de pouvoirs
Mais au-delà des aventures quotidiennes de ce couple né dans le background du MCU, le grand mystère de WandaVision sera certainement de comprendre comment les deux personnages ont pu se retrouver projetés au milieu d’un pastiche de série télé. Internet théorise à plein tube depuis que les premières infos sur le show ont été dévoilées. Et la plupart des enquêteurs du web
s’accordent sur la piste d’un burn out de Wanda, suite à la mort de son amoureux. Rappelons que la Sorcière rouge est capable de modifier en profondeur la réalité qui l’entoure, et que les films du MCU ne lui ont – jusqu’ici – pas laissé l’opportunité de montrer l’étendue de ses talents. Serait-elle capable de créer des univers parallèles ? Le boss de Marvel Studios abonde sans en avoir l’air dans Empire, ouvrant également la voie à une possible expérimentation aux dépens de Wanda Maximoff : « Personne dans l’univers Marvel n’a autant souffert que Wanda. Aucun personnage ne semble aussi puissant qu’elle. Et nul n’a de pouvoirs aussi mal définis et aussi peu explorés qu’elle. Donc étudier tout ça post-Endgame me semblait intéressant. Qui d’autre est au courant de ses pouvoirs? D’où viennent-ils? Est-ce que la Pierre de l’esprit les a débloqués ? » Quelle que soit la piste suivie par Marvel, elle sera raccord avec le futur du MCU au cinéma et la sacro-sainte continuité sur laquelle la franchise a bâti sa réputation. Elizabeth Olsen tourne en ce moment même Doctor Strange in the Multiverse of Madness, prévu pour 2022, dans lequel elle fera équipe avec Benedict Cumberbatch. Si le scénario reste secret, on sait par son titre qu’il sera question de réalités alternatives. Kevin Feige n’en dira pas plus à Entertainment Weekly : « Si vous n’avez vu aucun long métrage du MCU et que vous avez juste envie de découvrir ce truc étrange, pas de problème. Mais si vous avez suivi les 23 films et que vous voulez continuer avec la Phase 4, un beau paquet de récompenses vous attend. » Vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous êtes en retard.