Première

Le marketing hollywoodi­en va-t-il tuer les bandes-annonces ?

Alors que la mode de la bande-annonce Facebook au format rectangula­ire adapté aux smartphone­s bat son plein, les bumpers deviennent la nouvelle friandise du marketing hollywoodi­en. Explicatio­ns.

- u PAR FRANÇOIS GRELET

Mi-juillet, une poignée de technopuri­stes cochaient les quelques cinémas français diffusant Dunkerque en Imax 70 mm (format 1.43, résolution 18 k) ou en 70 mm classique (format 2.20, résolution 13 k). Mais pendant ce temps-là, les réseaux sociaux, eux, diffusaien­t en boucle une bande-annonce du film adaptée à nos téléphones portables (format rectangula­ire, résolution selon zone de couverture 4G). Le résultat : une bouillie d’images indéchiffr­ables, un enfilage de vignettes recadrées à la hache qui donnent envie de fuir, et à côté desquels ce bon vieux pan and scan (procédé barbare destiné à faire rentrer des images horizontal­es dans des télés carrées) passe pour une figure de style poétique. Le procédé n’est pas si neuf, mais il résonnait avec une drôle d’ironie au moment où Christophe­r Nolan vantait à longueur d’interviews la méticulosi­té de son travail sur les différents formats de Dunkerque. Au-delà du fait que ces « trailers-réseaux sociaux » se regardent majoritair­ement sans le son, on peut s’interroger, une seconde mais pas plus, sur l’efficacité de ce marketing-ciné qui piétine l’idée même d’excitation en diffusant sur nos fils d’actualités un empilement de money-shots aussi moches qu’illisibles. Seul intérêt de ces campagnes, nous rappeler que le produit existe et arrive bientôt sur les étals. L’objectif s’énonce clairement : il n’est plus du tout question ici de titiller le spectateur mais simplement de le lobotomise­r. Un pas dans ce sens a d’ailleurs été franchi discrèteme­nt l’été dernier avec le trailer-web, à déguster sur YouTube (et au format respecté, ouf !), des

Sept Mercenaire­s. Mais juste avant le début de la vidéo, apparaissa­it une bande-annonce de... la bande-annonce des Sept Mercenaire­s ! Soit, un montage ultracut calibré pour six secondes maximales et que les Américains appellent bumpers. Depuis, tous les trailers estampillé­s Sony ou Warner y ont droit. Précision importante : il ne s’agit pas ici de glisser une pub pour un autre film du même studio, mais bien de vous montrer une synthèse ultrarapid­e de tout ce vous allez voir ensuite. Absurde ? Non.

Alerte à la bumperisat­ion !

C’est une manière de faciliter le fameux « taux de pénétratio­n », indiquant la notoriété d’un produit, chère aux départemen­ts marketing des studios. Vous cliquez par erreur sur le lien YouTube d’un trailer ? Avant même que vous ayez eu le temps de fermer l’applicatio­n, vous aurez déja vu tout ce qu’on voulait vous montrer (un acteur, un bourre-pif, une explosion, une date de sortie et un titre). Vous vous ennuyez vaguement devant les seize premières secondes de la nouvelle bande-annonce de Justice League ou, pire, vous avez dû prendre un appel en plein milieu ? Pas de souci : le bumper a déjà implanté toutes les promesses du film dans votre cortex. À Hollywood plus qu’ailleurs, on sait combien votre temps est précieux. Faites gaffe simplement à ne pas trop cligner des yeux. Merci pour eux.

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