Tournages en état d’urgence
L’état d’urgence qui sévit à Paris depuis deux ans a-t-il eu un impact sur les tournages dans la capitale ? Pour en parler, on a rencontré l’un des réalisateurs de la série Engrenages, le délégué de la Mission cinéma à la Mairie de Paris et le commandant
13 novembre 2015. Dans la foulée de l’attaque du Bataclan, l’état d’urgence est instauré en France. Police et armée sont en alerte maximale. Paris, notamment, est soumise à des règles strictes de circulation et de manifestation. Comment, dès lors, tourner des fictions dans un environnement où le moindre écart de routine peut être interprété comme un signe d’hostilité et prête donc à riposte ? Surtout quand ces fictions, films ou séries, s’inscrivent dans le registre, forcément spectaculaire, de l’action ou du polar. « Entre le tournage de la saison 5, début 2014, et celui de la saison 6, qui s’est étalé du printemps à l’été 2016, j’ai senti une différence notable, affirme Frédéric Jardin, l’un des réalisateurs attitrés d’Engrenages. Il y avait davantage de policiers en civil qui traînaient dans les rues et une plus grande tension était palpable la nuit. » En réalité, l’état d’urgence n’interdit rien : il responsabilise les parties concernées. « Le bon sens prévaut », indique Michel Gomez, délégué de Mission cinéma, entité rattachée à la direction des affaires culturelles de la Mairie de Paris qui accompagne et facilite les tournages se déroulant dans la capitale. « Nous travaillons main dans la main avec les productions et la Préfecture de Police. »
Mission possible
Frédéric Jardin se souvient néanmoins qu’en 2013, lorsqu’il réalisait des épisodes de Braquo à Paris, les acteurs pouvaient encore tirer avec des balles à blanc. Impossible aujourd’hui. « Pour les tournages, nous interdisons désormais les effets détonants », précise le commandant Sylvie Barnaud, responsable de la Cellule des prises de vue de l’Unité opérationnelle de voie publique de la Préfecture de Police. « Les séquences avec sorties d’armes (donc, sans détonations, rajoutées en postproduction) sont examinées au cas par cas et assorties, lorsqu’elles sont autorisées, d’un certain nombre de prescriptions. » Dans les faits, c’est plus souple. « Quand on prépare le tournage, avec la régie et les autorités compétentes, c’est l’affolement, poursuit Frédéric Jardin. Puis, sur place, ça se simplifie. Le port d’armes factices est notamment toléré pour les comédiens qui en ont besoin pour être dans leurs personnages. » Signe de cette collaboration raisonnée, le tournage au printemps dernier de Mission – Impossible 6 qui a créé l’événement. « Pour une scène d’hélicoptère avec des hommes en armes au-dessus de Bercy, nous avons évidemment prévenu les riverains, conclut Michel Gomez. On a même fait un peu “fuiter” cette séquence pour les rassurer pleinement. » Personne n’a de toute façon intérêt à ce que l’état d’urgence freine les tournages à Paris et dans sa région. Depuis janvier 2016 et l’assouplissement du crédit d’impôt, le secteur est en plein boum en Île-de-France. Parisiens, n’entendez-vous pas, au loin, les rumeurs du nouveau Clint Eastwood ?