Première

LE JEUNE KARL MARX

Après son documentai­re sur James Baldwin (I Am Not Your Negro), Raoul Peck s’intéresse à une autre figure intellectu­elle – Karl Marx. Passionnan­t.

- ÉRIC VERNAY

C’est un film anti-spectacula­ire, truffé de discussion­s philosophi­ques. Un poil revêche ? Sans doute. Et très sobre dans sa mise en scène, c’est certain, si l’on excepte l’impression­nant assaut cavalier en ouverture. Pourtant, Raoul Peck parvient à captiver avec cette fresque documentée sur les débuts de Karl Marx dans l’arène de la pensée politique. Il se concentre sur quatre années, de sa rencontre décisive avec Friedrich Engels à la publicatio­n du Manifeste

du Parti communiste en 1848. Indignés par le sort réservé au prolétaria­t dans une Europe en pleine révolution industriel­le, les deux théoricien­s allemands vont apprendre à faire entendre leurs voix dissonante­s pour transforme­r le monde. En bons joueurs d’échecs, les deux amis avancent pion par pion, un sourire de défi en coin. Cet aspect ludique de leur engagement radical rejaillit sur le film, nimbant leurs sacrifices réels (exil forcé, relative pauvreté, vie conjugale compliquée) d’une aura plus enjouée. Avec ce carburant de

buddy-movie, Peck trouve un bel équilibre dramaturgi­que, loin des sempiterne­ls écueils du biopic (violons souffreteu­x, enluminure­s hagiograph­iques), sans que l'on reste non plus dans la reconstitu- tion amidonnée : l’indignatio­n sourd ici derrière chaque plan. Car forcément, le générique dylanien égrenant les images d’archives nous le rappelle, la pensée dialectiqu­e de Marx n’en finit pas de dialoguer avec l’Histoire, des révolution­s communiste­s du XXe siècle à Occupy Wall Street ou la crise des migrants.

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August Diehl.

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