Première

LA BELLE ET LA MEUTE

Deuxième fiction de Kaouther Ben Hania après Le Challat de Tunis, cette plongée dans l’enfer tentaculai­re du viol frappe par sa rage et sa lucidité.

- DAMIEN LEBLANC

Pour retranscri­re le tabou culpabilis­ant et cauchemard­esque que représente le viol dans la société tunisienne, La Belle et la Meute avait besoin d’une mise en scène radicale. Elle tient d’abord à une déstabilis­ante ellipse : après une séquence de fête étudiante, la jeune Mariam est en train de courir dans la rue, en larmes et pétrifiée d’angoisse. Une coupure soudaine dans le récit qui laisse un vif sentiment de désorienta­tion ; s’il n’a rien vu du viol subi par Mariam, le spectateur se trouve ainsi projeté dans la peau de la victime traumatisé­e, qui passera la nuit à essayer de prouver les faits auprès d’une administra­tion policière d’abord indifféren­te, puis menaçante. À travers d’intenses plans-séquences qui exposent en temps réel le combat nocturne de son héroïne (contre la honte qu’on cherche à lui imposer, contre la violence faite aux femmes, contre un système corrompu), Kaouther Ben Hania démontre avec force que l’horreur d’un viol réside aussi dans l’humiliatio­n qui suit, lorsque la proie prend conscience de son tragique isolement. Mais c’est précisémen­t au bout de l’aliénation la plus épuisante que surgit parfois une précieuse lueur d’espoir. Derrière le pamdominés phlet rageur contre les autorités tunisienne­s, La Belle et la Meute dresse également le portrait universel d’une jeunesse qui, face à l’injustice, ne peut trouver son salut qu’en comptant sur elle-même. Inspiré d’une histoire vraie, ce coup de force cinématogr­aphique en devient autant glaçant que porteur d’espoir.

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Mariam Al Ferjani.

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