Première

ENGRENAGES – SAISON 6

Trois longues années après sa précédente saison, Engrenages revient, plus confiante que jamais dans son storytelli­ng huilé et l’amour qu’elle porte à ses personnage­s. Profitez-en, le rideau va bientôt tomber.

- FRÉDÉRIC FOUBERT

Àforce de voir chaque nouvelle création de Canal+ être qualifiée de « plus grande série française de tous les temps » (des Revenants au Bureau des légendes), on l’oublierait presque. Elle, la doyenne de la bande, celle qui a allumé la mèche de la case « création originale » il y a douze ans, à l’époque où l’idée même de série française « moderne » était une terra incognita. On l’oublierait presque, mais c’est surtout à cause de sa vilaine manie de laisser passer autant de temps entre deux saisons, tuant au passage l’effet de ses cliffhange­rs, et nous condamnant à devoir attendre quelques épisodes avant de réussir à reprendre le fil, à raccorder nos vies aux leurs. Berthaud, Gilou, Roban, ce bon vieux Tintin... Leurs cuirs élimés, leurs teints grisâtres, leurs vies privées en déroute. On les aime comme on aimait les docteurs Green et Carter au temps d’Urgences. Depuis sa 4e saison, Engrenages a accepté de devenir cette série « de personnage­s », à l’ancienne, finalement moins obsédée par la modernité « gritty » de The Shield et The Wire (ses mètres étalons des débuts), qu’à la recherche de l’humanité folle des chefs-d’oeuvre grand public des années 90.

FÉBRILITÉ. Il y a bien ici des corps démembrés, des flics ripoux, des zones périurbain­es glauques, et ce talent monstre pour faire ressentir l’air du temps, la nervosité ambiante, la fébrilité de la France de l’après- Charlie. Mais c’est l’intimité des personnage­s qui sert de boussole ultime au show. La scénariste en chef Anne Landois n’y va pas de main morte, faisant traverser ici à Berthaud & Co. des épreuves cruelles, où leurs corps sont mis à l’épreuve, suppliciés. Comme si, voyant la fin approcher (cette saison a été annoncée comme l’avant-dernière), il s’agissait de brûler les vaisseaux. À la conférence de presse de lancement de cette nouvelle saison, début juillet, des journalist­es un peu paniqués allaient jusqu’à suggérer au producteur Vassili Clert de réfléchir à des spinoff, sur le modèle de la franchise Law and

Order. C’est dire à quel point on a compris qu’Engrenages nous manquera un jour. Mais au fait... et si la meilleure série française, c’était elle ?

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F. Bianconi, C. Proust, T. Godard, N. Briançon.

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