PRIS AU PIÈGE
Ébouriffant huis clos qui rappelle la grande maîtrise technique et narrative d’Alex de la Iglesia, Pris au piège enferme des personnages bien barrés dans un bar menacé par un sniper. Le film sort en direct-to-video dans l’Hexagone. Dommage, Alex ?
PREMIÈRE : Pris au piège ne sort pas en salles. C’est un problème ou, finalement, l’important est que le film soit vu quel que soit le format ? ALEX DE LA IGLESIA :
Évidemment, le plus important c’est que les gens voient Pris au piège. Mais découvrir un film sur un grand écran reste une expérience incomparable. Plusieurs distributeurs m’ont parlé de le sortir en salles, ça ne s’est pas fait... Internet et la salle doivent trouver un modus vivendi. J’ai produit Pieles
(un film fantastique), qui a été financé par Netflix. Il sera diffusé à la fois sur Netflix et en salles. C’est l’idéal, donner le choix au public. Mais le plus important reste le film.
Votre mise en scène est très fluide grâce à l’emploi de steadycams. Vous établissez un découpage précis en amont ou bien vous improvisez le jour même ?
Ça dépend. J’ai réalisé quatorze films, j’ai essayé bien des formes et des techniques. Mais avec Pris au
piège, j’ai pu jouer au sens propre. M’amuser. Je suis également producteur sur ce film, donc je n’avais pas d’entraves venant de la production. La mise en scène s’est décidée principalement au moment des répétitions avec les acteurs ; c’est là, dans le décor du bar, que nous avons décidé de leurs déplacements. J’ai pu ainsi établir mon découpage. Sur ce film, la mise en scène est d’abord de la direction d’acteurs. Ensuite, je connais très bien mes techniciens. Ils pouvaient répondre à mes demandes, même les plus compliquées, très rapidement.
Comment avez-vous trouvé le décor du film ?
Justement, le décor devait se soumettre à la mise en scène. Je vous montre. (Il dessine un croquis.) On a créé un faux bar avec un faux morceau de rue. Chaque paroi était mobile. Le comptoir était divisé en trois parties, également mobiles. On pouvait tout déplacer en fonction du mouvement de caméra prévu. On enlevait des murs pour tourner les champs et contre-champs. Cette mobilité permettait de tourner très rapidement : une heure de répétition où je trouvais mes angles. On pouvait tourner presque immédiatement, avec une grande liberté dans le choix des profondeurs de champ.
Il y a de nombreux plans en dehors du bar, où l’on voit les personnages à travers la vitre. Comment avez-vous évité le reflet des caméras et des techniciens ?
Très bonne question. Heureusement qu’on y a fait attention. (Rire.) Lorsqu’on voyait que le reflet était inévitable, on enlevait la vitre. On l’a remplacée par un dessin en postproduction.
Comment s’est passée l’écriture ? On a l’impression que le film s’est écrit au fur et à mesure tant il est imprévisible. Aviez-vous une idée de départ sur laquelle vous avez brodé ?
C’est très important qu’un film soit très écrit. On peut jouer avec la mise en scène, c’est même une nécessité, mais pas avec le scénario. Mon coscénariste, Jorge Guerricaechevarría, avait l’idée d’un huis clos, il y a huit ans, mais il manquait un élément pour le justifier. Il nous fallait quelque chose qui provoque la terreur et dont les personnages ne soient pas responsables. Cette peur qui réunit les personnages est une peur extrêmement contemporaine.