CRAZY STUPID LOVE
Kleenex, céréales et « bogossitude »... Bref historique de la Ryan Gosling mania.
SORTEZ LES MOUCHOIRS
Gosling dévoile une facette romantique « droopiesque » dans N’oublie jamais, mélo tire-larmes à la campagne et sous la pluie (le bisou !), cultissime pour toute une génération de femmes sensibles nées avant 1995… Naissance du mythe.
SERIAL BOYFRIEND
Avant de tomber amoureux de Rachel McAdams, sa partenaire de N’oublie jamais, il est resté deux ans avec Sandra Bullock (rencontrée sur Calculs meurtriers). Après Rachel, il y a eu Kat Dennings, Blake Lively, Olivia Wilde, ou encore Jaime Murray. Un coeur à (re)prendre.
M ME VIVANT
Une pause sexy de l’acteur avec les mots « Hey Girl… » écrits en travers, suivis de déclarations diverses (« … Is your name Google ? Because you’ve got what I’m looking for »). Sans oublier
« Feminist Ryan Gosling », « Ryan Gosling Won’t Eat His Cereal », etc.
DEVIENT BEAU
Avant, on parlait de magnétisme étrange. Il avait « quelque chose ». Et tout à coup, il roule des mécaniques dans Drive et Crazy, Stupid,
Love et se met à briller comme un sou neuf.
Les fringues et les lunettes stylées aident, mais c’est plus que ça. Le mec est devenu beau.
MUSIQUE IND
À côté, Môssieur fait aussi de la musique. Il sort un album concept avec son groupe Dead Man’s Bones, rempli d’accords gothiques et de choeurs d’enfants. Il écrit, chante, joue du piano, de la guitare et de la basse. Et en plus, c’est bien. Pff.
REAL- LIFE BATMAN
Six mois après avoir arrêté un combat de rues, l’acteur sauve une femme à Manhattan ! Une Londonienne qui traversait en regardant du mauvais côté et s’apprêtait à se faire faucher par un taxi… Heureusement, Gosling patrouillait dans les parages.
UN B B AVEC EVA
Sa rencontre avec Eva Mendes sur The Place Beyond
The Pines brisa les rêves de millions de jeunes filles, et l’annonce du (premier) bébé est vécue comme un coup de poignard. À propos de sa paternité, Ryan décrit « un rêve doux et hypnotique ». Awww !
DEVIENT V GAN
Il adopte des chiens et des oiseaux, porte du cuir végan (dans Blade Runner 2049), prend la défense des cochons et livre une guerre d’usure aux supermarchés Costco sur l’élevage de poules.
Il a beaucoup de « like » sur Facebook.
FEMMES D'ABORD
Dans une interview au quotidien Evening Standard,
Ryan livre le fond de sa pensée : « Les femmes sont supérieures aux hommes. Elles sont plus fortes, plus évoluées, et elles nous rendent meilleurs. » Il fallait que ce soit dit, alors autant que ce soit par lui.
LA LA LAND MANIA
Le petit « effet Titanic » du film ne s’est pas tout à fait transformé en effet DiCaprio pour Ryan, mais pas loin. Il était déjà cool, mais La La
Land a scellé son pacte de séduction avec le public et propulsé son charme vintage au summum de la modernité.
parfaitement valide... Ryan, lui, appartient à cette catégorie d’acteurs qui cherchent à creuser le plus possible et à questionner le sens de chaque réplique, de chaque scène. Peu importe l’état d’avancement du script, il aime visualiser l’approche du film de manière holistique, et comprendre comment chaque facette de la production s’intègre organiquement à la suivante : ce que fait la caméra et pourquoi, ce que porte émotionnellement tel ou tel moment, le sentiment général que ça procure... J’ai fini par faire pas mal de réécritures sur La La Land sur la base des idées de structure et de chorégraphie qu’il apportait. La plupart des comédies romantiques favorisent un point de vue unique dans le couple parce que c’est plus simple en termes de narration. On a beaucoup travaillé contre ça, en équilibrant les moments où la fille est l’objet de notre affection, et les moments où c’est au tour du garçon. Les gens me demandent souvent si le dernier numéro musical est raconté du point de vue de Ryan ou celui d’Emma. Pour moi, les deux se mélangent à ce stade. C’est simultané. Ryan aussi y tenait plus que tout. » Deux ans après le carton commercial (446 M$ monde) et la moisson d’Oscars de La La Land, Chazelle reste abasourdi, et quelque peu mystifié, par la performance de l’acteur : « Ce qu’il fait dans le film est dur à définir. Un truc à la Gary Cooper, ou Jean Gabin. Il a ce côté stoïque fascinant. Quand on s’approche de son visage, on remarque le nombre incroyable d’émotions qu’il convoie, mais sur lesquelles on ne peut pas mettre le doigt. Est-ce qu’il sourit ? Est-ce qu’il bouge ses lèvres ou pas du tout ? Il est littéralement impossible de dire quels muscles du visage il actionne ou non, et pourtant, l’émotion est là. » En chair et en os, Gosling pousse le stoïcisme à des degrés tels qu’il faut s’accrocher pour le faire parler. Abordable, oui, mais laconique, attentif, et pas des plus productifs en interview. Comme s’il craignait de dire une connerie… « Oui, c’était très collectif, dit-il à propos de sa contribution à La La Land. On a tous puisé dans nos expériences. L’audition ratée d’Emma est une histoire qui m’est arrivée. Je devais pleurer pendant l’audition et cette dame a décroché son téléphone en plein milieu, a papoté, et puis m’a dit de reprendre où j’en étais... La vérité, c’est que j’aime le cinéma, mais j’aime encore plus faire des films. Professionnellement, je n’ai jamais trouvé quelque chose qui m’engage et me déclenche à ce point. Vous travaillez avec un large groupe d’individus, vous résolvez ensemble une montagne de problèmes, et vous arrivez à un résultat. Parfois ça marche, parfois non. C’est toujours la loterie. »
Objectif Lune
Le tandem Chazelle- Gosling s’est engouffré dans la préparation de First Man immédiatement après avoir appliqué la dernière couche de peinture sur La La Land. Ayant grandi comme beaucoup dans la mythologie héroïque de la conquête spatiale et du planter de drapeau de Neil Armstrong sur la Lune, Chazelle voulait lever le voile sur les moyens humains engagés, et les sacrifices oubliés. « Plus je me documentais, et plus le risque encouru et l’effort fourni m’ont paru démentiels, explique-t-il. Quel est le mérite réel d’un objectif comme celui-là ? Le coût humain en vaut-il la chandelle ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Et pendant que j’épluchais les dossiers avec mon scénariste Josh Singer, Ryan, de son côté, faisait ses propres recherches, à ses frais. Il est allé dans l’Ohio rencontrer la famille de Neil et a visité la NASA à Houston et Cap Canaveral en Floride. C’est lui qui a eu l’idée de l’anecdote racontée au dîner sur la pièce que jouait Neil au lycée, ou du morceau Lunar Rhapsody que Neil emporte avec lui dans l’espace en hommage à sa femme... Des choses qu’il a découvertes par lui-même. » First Man retrace la préparation et l’exécution de la mission Apollo 11 du point de vue des familles angoissées (« Ils partaient tester des machines mortelles et rentraient le soir sortir les poubelles », résume Gosling) et de l’homme simple et effacé choisi pour représenter l’humanité sur la Lune. La mise en scène alterne entre chromos « malickiens » dans le jardin et immersions documentaires dans la tête pleine et verrouillée de Neil. Une ancre zen au milieu d’un maelström. Le spectateur est littéralement dans
« ARMSTRONG ÉTAIT CE TERRITOIRE NEUTRE QUE CHACUN POUVAIT INVESTIR À LOISIR DE SES ANGOISSES ET DE SES DÉSIRS. JE CROIS QU’IL Y A UN PEU DE ÇA DANS LE RAPPORT DE RYAN AU PUBLIC. » DAMIEN CHAZELLE
les bottes (sous le casque) de Ryan Gosling tandis qu’il essuie les hurlements et les vibrations de la carlingue. Le film est un véhicule pour la star, et la star un véhicule pour le film. « Parce qu’on tournait en caméra portée, on devait bâtir les décors à 360° et faire quasiment sans équipe, poursuit Gosling. Dans La La Land, la technique mobilisait énormément de moyens hors champ, et les performances devaient s’ajuster aux plans. Ici les plans se calent sur les performances. On ne montre pas la perspective extérieure de la navette évoluant dans l’espace, tout est réalisé directement dans la carlingue, devant la caméra. » Gosling/Armstrong encaisse les accidents et les ratés la mâchoire serrée, et First Man devient la chronique entêtante d’un échec. À la fin (spoiler !), Apollo 11 réussit l’alunissage et bouleverse le monde entier, mais le succès de la mission n’est coloré que du malheur et des tribulations qui l’ont précédé. Une fable doloriste déguisée en grand spectacle euphorisant, très raccord avec les précédents films de Chazelle... « Dans mon esprit, il n’y avait que Ryan qui pouvait jouer ça, conclut le cinéaste. Neil était privé, restreint, impénétrable, en contrôle parfait de son image et de sa réception. D’une certaine manière, il était le candidat idéal pour devenir le premier homme sur la Lune. Il était ce territoire neutre, cette page blanche, que chacun pouvait investir à loisir de ses angoisses et de ses désirs. Un canevas pour l’humanité. Et je crois qu’il y a un peu de ça dans le rapport de Ryan au public... » En tout cas, le cinéma de Chazelle ressemble trait pour trait à Gosling lui-même – raison pour laquelle ils s’entendent si bien. Les deux projettent une texture lisse et abordable, presque chatoyante, et abritent de sérieux soubresauts. Définition même de l’acteurréceptacle, Ryan Gosling est aimable, joli, perplexe, inquiet, pas controversé pour un sou et pourtant furieusement contemporain, un monolithe sexy sur lequel glissent les horreurs et les tumultes du monde. Le héros désigné pour la génération millennials.