Première

« J’aime tellement que je voulais le posséder »

Il a tourné le remake de La Piscine (A Bigger Splash), s’est emparé d’un script de James Ivory pour triompher avec Call Me By Your Name et revisite aujourd’hui le Suspiria de Dario Argento. Le réalisateu­r italien nous explique sa relation vampirique à l’h

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PREMIÈRE : On dit que vous rêviez de refaire depuis votre adolescenc­e…

LUCA GUADAGNINO :

Suspiria

J’avais 14 ans quand j’ai découvert le film de Dario Argento, dans les années 80, et je rêve en effet d’en tourner un remake depuis.

C’est inhabituel de vouloir refaire un film qu’on adore et qu’on trouve génial, non ?

Mais je suis quelqu’un d’inhabituel.

Euh… OK. Mais encore ?

Écoutez, c’est comme en amour. Quand on aime une femme, il y a une part de soi qui veut la posséder, non ? La dévorer, même. Mais on se retient. On se dit : non, l’amour, u c’est autre chose. C’est le partage, l’altérité. En revanche, dans la relation amoureuse qui existe entre un cinéphile et l’objet de son affection, c’est plus facile de prétendre à la possession totale. Au contrôle absolu. Remaker Suspiria, c’est une obsession magnifique. Je reconnais le degré de mégalomani­e qu’elle implique. Quelle chance j’ai, en tant que cinéaste et en tant qu’homme, trente-quatre ans après avoir eu ce rêve, cette vision, cette ambition, cette envie folle, d’avoir pu posséder Suspiria, le dévorer et en faire quelque chose de neuf.

Vous vous spécialise­z dans les remakes, après celui de La Piscine…

Ça n’a rien à voir. Suspiria La Piscine/A Bigger Splash, m’obsédait. c’est Studio Canal qui m’a proposé de le faire. J’ai d’abord dit : « Non merci. » Ça ne m’intéressai­t pas, mais alors pas du tout ! Rien dans ce film ne justifiait qu’il soit refait. En plus, François Ozon avait déjà fait Swimming Pool. À mes yeux, c’était une idée stupide. Mais il y avait quelque chose d’encore plus stupide : les propositio­ns que je recevais de Hollywood à l’époque. J’ai réfléchi, et j’ai aimé l’idée que StudioCana­l n’exige aucune fidélité à l’original. Je pouvais produire et signer moi-même l’adaptation. J’avais carte blanche. Tant mieux : il n’y a pas plus éloigné de mon imaginaire cinéphile que Jacques Deray. Quand Deray faisait son « cinéma de papa » [en français dans le texte], d’autres faisaient la Nouvelle Vague. La Piscine est une délicieuse

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