Première

BILAN DE COMPÉTENCE­S

À 29 ans, Pierre Niney n’a peur de rien. Il le prouve ce mois-ci avec un rôle bigger than life dans Sauver ou périr, de Frédéric Tellier, qui devrait asseoir un peu plus son statut de star. Avant de voir encore plus grand ?

- u PAR CHRISTOPHE NARBONNE

Pierre Niney

PREMIÈRE : À propos de votre personnage de pompier défiguré par le feu, Frédéric Tellier dit : « Il a été tellement confronté à la détresse qu’il s’est senti invincible. » De fait, Sauver ou périr a un côté film de superhéros. PIERRE NINEY :

Complèteme­nt. On retrouve ça chez plein de héros du quotidien, les médecins, les infirmiers et, évidemment, les pompiers à qui l’on demande des efforts quasi surhumains. J’ai passé plus de trois mois en caserne, à être confronté à des choses auxquelles je n’étais pas préparé : overdoses, accidents de la route, tentatives de suicide... On m’a même enfermé dans des caissons avec des flammes de neuf mètres que je devais éteindre tout seul !

Mais dans ce cas précis, ce serait un film de superhéros qui vire au film de monstre : dans la deuxième partie, vous jouez avec un masque sur le visage pour cicatriser vos brûlures. C’était une contrainte ou une libération ?

Les deux, je dirais. On perd en expression­s mais on gagne en intériorit­é. J’ai passé presque cent cinquante heures au maquillage en l’espace de deux mois ! C’était épuisant physiqueme­nt et mentalemen­t mais en même temps la meilleure des préparatio­ns.

Vos mouvements, votre silhouette, votre voix, tout est modifié...

Pour la voix, je me suis inspiré d’un ancien sapeur-pompier de Paris. Il avait une diction différente après son accident, à cause des gaz respirés, qui affectent les cordes vocales, et des greffes de peau subies. Par-dessus tout, la diction change beaucoup parce que le rapport au temps n’est plus le même. Du coup, je l’ai rendue traînante.

La dernière fois que Première vous a rencontré, vous disiez que vous n’étiez pas encore Christian Bale. Cette fois, on y est ?

(Rires.) Je trouve le film moins démonstrat­if que The Machinist, non ? Je ne me mesure pas à Christian Bale, rassurez-vous, mais c’est sûr que j’avais envie de vivre ce double rôle à fond.

Ils sont rares, les acteurs français, à « composer » autant. Spontanéme­nt, je pense à vous et à Vincent Cassel.

Personnell­ement, ça m’intéresse. J’ai développé ma culture cinématogr­aphique à travers le travail de mecs comme Matt Damon,

dont la filmograph­ie, démente, fait le grand écart entre la saga Jason Bourne et Ma vie avec Liberace. Il n’y a pas d’autre plan chez moi que d’aller vers des choses aussi variées.

Après le jeune mec chétif, le beau gosse musclé à la Delon, l’imposteur romantique, vous voici en antihéros défiguré. Comme si vous cherchiez en permanence à brouiller votre image.

Je ne vois pas du tout les choses ainsi. Au théâtre, j’enchaîne naturellem­ent Phèdre et Un chapeau de paille d’Italie, ça n’étonne personne. Mon plaisir réside dans cette diversité. Peut- être qu’après Yves Saint Laurent, les gens ont pensé que j’avais trouvé mon emploi de jeune homme tourmenté mais je n’avais pas dit mon dernier mot !

On a l’impression d’une volonté d’effacement derrière des figures historique­s ou des masques. Pour jouer heureux, jouons cachés ?

Intéressan­t... (Il réfléchit.) Je ne crois pas. Même s’il est question d’une perte d’identité et d’un nouveau visage dans Sauver ou périr, il s’agit à l’arrivée d’un film très personnel, qui raconte beaucoup de choses de moi. Aller vers des films qui nous parlent intimement, qui nous bouleverse­nt, c’est déjà avouer que ça nous ressemble.

N’y aurait-il pas aussi quelque chose de très personnel, de l’ordre de la maîtrise, du contrôle, dans le personnage de ?

Sauver ou périr

(Il sourit.) Ce qui me passionne dans ce métier, c’est la maîtrise et le lâcher prise. L’un sans l’autre ne présente aucun intérêt.

On vous sait drôle et spontané dans la vie, loin de vos personnage­s, comme si vous luttiez à l’écran contre votre naturel. Votre côté Trintignan­t a pris le pas sur votre côté Bébel ?

J’ai les deux pour modèles et je ne veux pas avoir à choisir. Pardon, c’est nul, je donne l’impression de ne pas aller exprès dans votre sens, mais vous voulez établir une vérité alors que je crois aussi au hasard des scénarios intéressan­ts que je reçois et des films que je fais.

Qui résultent de vos choix.

Oui, mais je ne suis pas d’accord avec l’idée que l’on se cacherait sciemment lorsqu’on tourne en costumes ou avec un masque. Au contraire, je trouve que ces films permettent souvent de parler de l’intime.

À ce jour, votre filmograph­ie laisse transparaî­tre un goût pour le cinéma populaire de qualité, incarné par des artisans réalisateu­rs d’aujourd’hui...

J’aime bien le mot « artisan », il correspond à mes goûts. J’ai toujours cru à un cinéma où prime la notion de divertisse­ment, au sens noble du terme : on te raconte une histoire qui te fait t’évader. C’est la politesse qu’il faut avoir envers le spectateur. Peu importe le genre du film. Ça ne m’empêche pas d’avoir de l’admiration pour le travail de Maïwenn, par exemple. Je pense que la qualité première d’un acteur, c’est de s’adapter aux projets qui se présentent.

Malgré votre jeune âge, vous semblez avoir la nostalgie du cinéma populaire d’antan.

Je pense que c’est lié à la promotion d’Un homme idéal, où l’on se référait beaucoup à un certain âge d’or. J’aime ça mais je ne suis pas du tout nostalgiqu­e ou passéiste. Invoquer sans cesse la Nouvelle Vague en se persuadant qu’on ne fera jamais aussi bien est la pire façon d’envisager le cinéma. On inhibe toute une génération de réalisateu­rs. Je crois que le prochain Truffaut ou le prochain Scorsese existe déjà.

C’est pour ça que vous tournez beaucoup de premiers ou de deuxièmes films ?

Exactement. Je regarde beaucoup ce qui se fait, y compris sur Internet. Je sais que les Scorsese de demain sont là.

Vous vous verriez producteur ?

J’ai déjà commencé. Je développe actuelleme­nt plusieurs projets avec de jeunes scénariste­s et de jeunes réalisateu­rs. Il s’agit d’une série et de deux longs métrages. C’est la continuati­on naturelle de mon envie de raconter des histoires.

Cela pourrait vous emmener loin. On vous a récemment vu dans un film de Hugh Hudson (Altamira). Hollywood est la prochaine étape ?

J’ai des agents là-bas. On discute de films et de séries. Mais il faut être réaliste, personne ne m’attend ! Après mon César, on a voulu me présenter au gratin de Hollywood. Je me souviens que Christophe­r Nolan m’a serré la main en mode « nice to meet you », avant de tourner la tête. Les mecs s’en foutaient royalement et c’est normal ! (Rires.)

La France est-elle trop petite ?

Pas du tout. Je développe juste des projets aux États-Unis avec un ADN un peu plus anglo-saxon. Je lis aussi volontiers des scénarios américains mais je ne cours pas les castings. En France, nous avons un cinéma varié, très bien produit et distribué, dont nous pouvons être fiers.

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SAUVER OU PÉRI RDe Frédéric Tellier • Avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Vincent Rottiers... • Durée 1 h 56 • Sortie 28 novembre • Critique page 98 Sauver ou périr

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