Première

LES MEILLEURS FILMS SUR LE CINÉMA Nos 20 films préférés sur le 7e art

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BONNE T GAËL GOLHEN & GUIL

Le metteur en scène (Truffaut) commence le tournage de Je vous présente Pamela aux studios de La Victorine, à Nice. C’est un ballet ininterrom­pu d’acteurs mêlant vraie vie et vrai cinéma, et de technicien­s qui exigent des précisions en enjambant des câbles. Tout est en place pour un marivaudag­e « renoirien » où le réel se brouille et les fictions s’emmêlent. Mais, contrairem­ent à Minnelli ou au Patron justement, Truffaut ne réfléchit pas vraiment à la société du spectacle, préférant rester dans sa posture de grand sentimenta­l : La Nuit américaine rappelle que la vie est formidable si on l’envisage comme un film. On jurerait du Lelouch ? Chuut, pas si fort, on va vous entendre.

De tous les films sur des tournages (déjà trois dans cette liste), celui- ci tient une place à part, car on n’y voit (presque) jamais le cinéma en train de se faire. C’est même tout le concept de cet hommage à l'âge d’or de Hollywood. Clint Eastwood y paie sa dette à son modèle, John Huston, et accepte son ombre tutélaire je-m’en-foutiste (lui, le grand profession­nel autoprocla­mé) dans un beau making of d’African Queen (les noms ont été changés). Le 7e art est ici envisagé comme un mode de vie – un art de vivre, même – entre jetset, piraterie et vie coloniale, où l’équipe passerait son temps en safari ou à dîner en smoking avant de finir la nuit par une bonne bagarre d’ivrognes.

Hazanavici­us a fait mieux par la suite (c’est du moins l’avis de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences), y compris comme fétichiste. Mais lui-même reconnaîtr­a qu’il n’a plus jamais eu un tel cast. Pensez : John Wayne joue Georges Abitbol, un marin à casquette, cow-boy dans une vie antérieure et accessoire­ment « homme le plus classe du monde ». Burt Lancaster est José, pirate peu commode, cuistot à ses heures et amateur de « ouiches lorraines », Dustin Hoffman, Robert Redford et Paul Newman sont les reporters Peter (« Pétère »), Steven et Dave ; on croise Clark Gable, Charles Bronson ou Lauren Bacall, avec les voix d’Alain Chabat, des frères Hazanavici­us et de Raymond Loyer, le vrai John Wayne VF. Non, vraiment, plus que The Artist ou Le Redoutable, son meilleur film (sur le cinéma). échappe à lui-même, aux autres et au harcèlemen­t du réel pour soumettre la fiction à sa logique implacable. Le poète se fait ingénieur et invente un monde-cinéma à part, avec ses règles et sa physique particuliè­res, entre rêve et réalité : c’est Inception, quatre-vingts ans avant Nolan. Et en beaucoup plus rigolo.

S.O.B. comme « Standard Operationa­l Bullshit » : une belle dose de foutage de gueule. Sur une plage de Malibu, un acteur fait un infarctus pendant son jogging, au pied de la villa du producteur Felix Farmer. Lequel a perdu la boule à la suite du méga flop de son dernier film. Quatre tentatives de suicide plus tard, ses amis de Hollywood organisent une orgie chez lui et Felix en conçoit une idée géniale : transforme­r son flop en porno décadent avec la même actrice (Julie Andrews) pour en faire un méga hit, tandis que sur la plage, le chien du joggeur cardiaque veille le cadavre entre deux baigneuses en bikini. Coincé entre Elle ( la midlife crisis d’un compositeu­r pop) et Victor Victoria (une artiste de cabaret travestie), S.O. B. est le chef- d’oeuvre cruel d’Edwards, son film le plus haï (à l’époque), un gros crachat dans la soupe et le chaînon manquant d’une extraordin­aire trilogie du showbiz.

Pas d’insultes S.V.P., ni de menaces de mort adressées à la rédaction. Ce chef-d’oeuvre inouï, certifié, symbole de l’entertainm­ent triomphant, sa chanson, son parapluie, son lampadaire, est onzième de cette liste par un simple jeu de l’esprit : en gros, si Chantons sous la pluie était seulement un beau film racontant le passage du muet au parlant (et pas en plus la meilleure comédie musicale de l’histoire et le feel-good ultime), il serait tout de même onzième de cette liste. C’est bon ? Pas fâchés ?

C’est un film de grand singe sur une île en forme de crâne, bien sûr. Mais c’est surtout l’histoire d’un cinéaste aventurier qui part au bout du monde pour tourner un grand spectacle exotique in situ, mettant des dizaines de vies en danger pour réaliser sa vision. Les séquences où il coache son actrice pour qu’elle hurle de manière convaincan­te sont des modèles de mise en abîme, dont De Palma saura se souvenir pour Blow Out (1981). « Tout film est un documentai­re sur son propre tournage », a dit Rivette. S’il ne pensait pas à King Kong, c’est qu’il était distrait.

Johnny, les pulls angoras) mais, derrière les citations ( Martin Landau en Bela Lugosi) et les silhouette­s (Orson Welles), se niche une introspect­ion dialectiqu­e sur la conviction et le génie, le talent et les illusions, la nécessité de croire en ses propres visions, fussent- elles trompeuses ou hallucinat­oires. Génie et nullos, même combat, raconte Burton, comme s’il se demandait de quel côté il finirait lui-même par pencher.

Quelque chose du Adaptation de Spike Jonze, en plus virtuose et moins dada : le film se déroule tout en s’écrivant, en fonction des débats et hésitation­s de deux scénariste­s. Comment raconter une histoire d’amour entre petites gens dans la France d’après-guerre ? Julien Duvivier en propose trois versions, en gigogne ou en spirale, qui se répondent, s’annulent, se commentent et se complètent, pour créer un magma organique où se mêlent niaiserie popu, cinéma allégoriqu­e à la Carné, réalisme poétique et le climat de censure de l’époque... tous allègremen­t flingués. à 25 ans, à laquelle la très sublime Maggie Cheung prête sa propre beauté, son propre glamour et ses propres doutes (un peu comme dans Irma Vep d’Assayas, mais en mieux). L’aspect documentai­re (les acteurs et le cinéaste discutent du film qu’ils sont en train de tourner, de la place de Ruan Lingyu dans l’inconscien­t collectif chinois) vient nourrir l’émotion plutôt que la parasiter, donnant une profondeur inouïe à ce qui est sans aucun doute le plus grand biopic d’actrice jamais tourné.

Dans un village perdu d’un pays en ruine, une fillette découvre en même temps les films, les monstres et le réel. Par cette chronique ténébreuse de l’Espagne franquiste agonisante, Erice évoque le 7e art comme caisse de résonance de l’histoire (petite et grande), cache et catalyseur d’un hors- champ flippant à travers les regards de deux gamines fracassées par la puissance évocatrice du Frankenste­in de James Whale découvert dans un cinéma itinérant. Les petites filles sont alors telles des sorcières, jouant avec le feu et les esprits, touchant du doigt le point de rencontre entre enfance et cinéma : l’imaginaire.

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