LES PIRES TROUILLES FILMIQUES 20 trouilles anthologiques du cinéma
FR ANÇOIS GRELET
Trente-trois ans après, les nouvelles victimes de Freddy Krueger se reconnaissent toujours à la valise de cernes qu’elles traînent sous leurs yeux devant les grilles des collèges.
Derrière son glacis et son ambition imposante de grand film-cerveau se loge un véritable défilé de moments traumas, immédiats et frissonnants comme du (grand) cinoche de drive-in : l’ascenseur transformé en piscine de sang, les apparitions des jumelles, les grimaces, sourcils et éructations de Jack Nicholson. Un film d’horreur intello qui ne ferait pas peur ? Si c’était le but, c’est loupé.
Sur le papier, un road-movie horrifique, à la limite du direct-to-video, où un frère et une soeur sont poursuivis par un gros monstre visqueux. À l’écran, un déchaînement de scènes de trouille haute couture (littéralement) et de malaise tordu (la créature renifle les slips des ados qu’elle capture) renvoyant à la personnalité tourmentée de son auteur, condamné à trois ans de prison pour pédophilie. Du cinéma d'exploitation transcendé.
Une grande demeure perdue au milieu de nulle part, une famille qui vient y passer ses vacances, le papa devenu fou qui s’en prend au fiston, le décor qui se met soudainement à prendre vie... On ne sait si Kubrick a délibérément tout piqué à ce film pour Shining ou s’il avait prévu que personne ne s’en rendrait compte, à moins de quatre ans d’écart. De fait, l’histoire a injustement laissé sur le bord de la route cet objet terrifiant, qui réussit aussi bien dans le registre de la spirale mentale que de l’épouvante, en équilibre sur deux ères du cinéma d’angoisse, incarnées par le duo de femmes alpha Bette Davies/ Karen Black.
Le Citizen Kane du film de maison hantée, la 5e symphonie de la porte qui claque, la Joconde du craquement de parquet : c’est lui. Derrière son pitch minimaliste (des scientifiques s’enferment à double tour pour ausculter un manoir hanté), La Maison du diable écrit les tables de la loi de la peur filmée. Jamais le souffle d’un démon ne nous aura chatouillé la nuque d’aussi près.
Le Vertigo du film de fillette possédée, le Sgt Pepper’s du satanisme, le Guernica du vomi verdâtre... Symbole d’une époque brève et évanouie où un film d’horreur pouvait aussi être conçu comme un grand film à Oscars ambitieux et spirituel, L’Exorciste capture en live, façon reportage de guerre, une certaine idée du mal, à la fois quotidienne et fantasmagorique. Jamais l’haleine du diable ne vous aura frappé le visage aussi fort.
Plus que Rosemary’s Baby, qui s’est récemment mis à vieillir, ce film a pour lui l’intemporalité de la fable cauchemar, la poésie universelle du dérèglement psychique, qui conduit l’homme de la rue vers les rives de l’irrationnel. Le Locataire enregistre une plongée
dans la paranoïa comme un événement presque anodin, un basculement vers la folie pas si douce qui met en exergue notre fragilité et notre fureur contenue. Un fou sommeille en chacun d’entre nous. Et il ressemble à Roman Polanski.