Première

Les Joueuses #paslàpourd­anser de Stéphanie Gillard

-

Avec Les Joueuses #paslàpourd­anser, Stéphanie Gillard plonge dans le monde du foot féminin en racontant le quotidien de la meilleure équipe européenne, l’Olympique lyonnais. Un documentai­re sportif qui parle aussi, et surtout, de transmissi­on et de féminisme. Elle en explique les coulisses. En se passionnan­t depuis toujours pour le foot

PAR THIERRY CHEZE

Même si les garçons invitaient trop rarement les filles à jouer, c’est dans la cour de récré qu’est née la passion de Stéphanie Gillard pour le foot. C’est à ce sport qu’elle a consacré son film post-études, Une histoire de ballon et c’est après avoir vu Les Yeux dans les Bleus [1998] qu’elle a choisi sa voie, entre documentai­re et fiction. Finalement, c’est le film sur la victoire des Bleus en 2018 qui a donné naissance à Joueuses. « On avait suivi la Coupe du monde de l’intérieur par les stories Instagram des joueurs. Or les réalisateu­rs ont décidé de ne pas reprendre ces images. Ça m’avait déçue. Je me suis dit que, peut-être, le monde du foot ayant changé, on ne pouvait plus faire Les Yeux dans les Bleus. » Elle décide alors de transposer le concept dans le foot féminin. Julie Gayet, la productric­e de son premier long, The Ride, sur les Sioux Lakota, lui dit banco. Après avoir envisagé l’équipe de France, Stéphanie Gillard opte pour le meilleur club d’Europe, l’Olympique lyonnais. Et en à peine dix minutes, son président Jean-Michel Aulas décide de lui ouvrir les portes du club.

JE SUIS UNE GRANDE ADMIRATRIC­E DE ZIDANE, UN PORTRAIT DU XXIE SIÈCLE. STÉPHANIE GILLARD

En se faisant adopter par l’équipe

« Avant chaque film, je vais à la rencontre des gens, sans caméra. Cette fois, pendant trois semaines, j’ai assisté à l’entraîneme­nt et je suis allée déjeuner avec les joueuses pour expliquer à chacune ce que je voulais faire. » Puis, progressiv­ement, elle vient avec sa petite caméra. « J’ai ainsi tourné trois mois, accompagné­e durant seulement vingt jours par mon chef opérateur Jean-Marc Bouzou et un ingénieur du son. » Rien n’est simple pour autant. « Je comprenais leur malaise face à la caméra quand j’étais à 50 cm d’elles. Je ne force jamais les choses. Ça prend plus de temps. Mais, ce temps, je l’ai. Et à un moment, la caméra finit par ne plus exister. » Alors, Stéphanie Gillard n’hésite pas à provoquer des discussion­s. « Mes questions sont souvent très naïves mais ouvrent un champ plus large dont les joueuses se sont emparées. » Des discussion­s qui n’abordent jamais frontaleme­nt la question du féminisme. « Car le meilleur moyen de faire un film féministe était de les traiter comme une équipe de foot. Pas de les interroger sur ce sujet. »

En s’adaptant aux circonstan­ces

Le docu sportif a son lot de contrainte­s, dont celle du calendrier. « L’OL étant engagé en Coupe d’Europe, je ne savais pas quand aurait lieu le dernier match. Mais de manière générale, je n’ai jamais la constructi­on de mon film avant le montage. » Elle s’appuie juste sur quelques passages obligés avec lesquels jouer pour raconter le quotidien d’une équipe de football : des séquences

de vestiaire, de cantine, de préparatio­n physique, d’entraîneme­nt, de matchs… « À partir de là, on s’adapte. Par exemple, je n’ai pas mis les séances de causerie car ça n’a pas été simple avec l’entraîneur Reynald Pedros. La période sportive était trop compliquée pour le club. »

En faisant vivre les matchs à hauteur des joueuses

« Je suis une grande admiratric­e de Zidane, un portrait du XXIe siècle, notamment du travail sur le son qui nous plonge en immersion totale. » Pour tendre vers le même objectif, elle va en repérages suivre sur le bord du terrain un match préparatoi­re à la Coupe du monde. « Ça a été un déclic. Car j’entendais aussi bien les échanges entre les joueuses que le moindre bruit dans les tribunes. C’est ce son-là, multiple, que je voulais obtenir. » Elle décide donc de placer JeanMarc Bouzou au bord du terrain avec une grosse caméra alors qu’elle s’installe dans les gradins pour filmer les spectateur­s… et quelques buts ! Car là encore, il faut jouer avec les contrainte­s. « Jean-Marc ne pouvait pas bouger de sa place attribuée. Donc impossible pour lui de filmer certains buts sinon en trichant en peu… En mélangeant des matchs par exemple. Car mon récit ne cherche jamais à raconter les scores des matchs mais à entendre ce que les joueuses vivent quand elles sont sur le terrain. Et à capter leurs regards. »

En tranchant dans le vif

Arrive alors le temps du montage de la centaine d’heures de rushes. « Je ne commence qu’à la fin du tournage, durant lequel je ne visionne jamais les rushes, comme si je filmais en pellicule. » Elle indique à sa complice habituelle, Laure Saint-Marc, quelles sont les meilleures séquences avant de leur adjoindre les scènes de transition puis de trouver une chronologi­e. « Mes séquences sont thématique­s, transversa­les et vont contre cette idée de chronologi­e sportive. Cela implique d’en sacrifier. » Stéphanie Gillard aurait adoré transforme­r ce projet en série. Mais les deux femmes finiront par réduire le tout à 1 h 30. Le temps d’un match ! Avec une fierté. « L’entraîneur adjoint de l’équipe, Charles de Vilno, dit que de toute de sa carrière, il n’a jamais vu une équipe aussi soudée avec une telle envie de jeu. J’ai essayé de rendre tout cela à travers ce film que je voulais d’ailleurs appeler L’Esprit d’équipe. Et je crois qu’on est heureux de passer du temps avec ces joueuses. »

 ??  ??
 ??  ?? LES JOUEUSES #PASLÀPOURD­ANSER De Stéphanie Gillard • Documentai­re • Durée 1 h 27
• Sortie 9 septembre • Critique page 93
LES JOUEUSES #PASLÀPOURD­ANSER De Stéphanie Gillard • Documentai­re • Durée 1 h 27 • Sortie 9 septembre • Critique page 93

Newspapers in French

Newspapers from France