Première

Brazil (1985), 9moisferme (2013), Effacerl’historique (2020)

Albert Dupontel célèbre une fois encore les accidentés de la vie, les gens en marge d’une société trop déshumanis­ée pour eux avec un mélange aussi explosif que délicat de poésie et d’absurde.

- TC

Après un détour multi-césarisé par l’adaptation d’une oeuvre préexistan­te (Au revoir là-haut), revoici Albert Dupontel à la tête d’un film dont il est l’auteur. Mais d’un projet à l’autre, qu’il l’ait initié ou non, Dupontel construit surtout une oeuvre de plus en plus conséquent­e célébrant à sa manière – empathique et bien secouée –, cousine de celle du duo Délépine-Kervern, les accidentés de la vie, les marginalis­és par une société trop cynique pour eux.

Adieu les cons met en scène un duo qui, a priori, n’aurait jamais dû se rencontrer. D’un côté Suze, une coiffeuse atteinte d’une maladie incurable qui veut utiliser le temps lui restant à vivre pour retrouver l’enfant dont elle avait, adolescent­e, accouché sous X. De l’autre, JB, un fonctionna­ire dépressif qui décide de se suicider après s’être vu privé de manière humiliante du poste qu’il pensait décrocher. Ces deux solitudes vont soudain se percuter quand, venue faire sa demande de recherche, Suze se retrouve mêlée bien malgré elle à la fuite en avant de JB – pourchassé par la police et ses patrons –, qui va très vite tout mettre en oeuvre pour l’aider à retrouver le fameux enfant devenu grand.

Albert Dupontel n’aime pas pour rien les Monty Python (le film est d’ailleurs dédié à Terry Jones) et particuliè­rement Terry Gilliam (qui fait dans Adieu les cons comme à chacun des films de Dupontel une apparition clin d’oeil). Il y a du Brazil dans la descriptio­n tant scénaristi­que (la course folle au profit et au jeunisme) que visuelle de l’univers kafkaïen où JB enterrait jour après jour ses illusions. Ces open spaces bien trop carrés pour ne pas voler en éclat trouveront d’ailleurs plus loin dans l’intrigue un écho dans chacun des décors traversés par les protagonis­tes, des hôpitaux aux murs bien trop gris aux lotissemen­ts aux maisons trop bien rangées. Avec une précision qui rappelle le cinéma de Jeunet, Dupontel crée ici plus que jamais un univers à la (dé)mesure de cette société qui l’oppresse. Son propos est éminemment politique mais jamais frontaleme­nt. Son arme à lui est double. L’absurde et l’émotion. Dans le périple à l’issue qu’on pressent fatale de ces drôles de Bonnie et Clyde, son génie du comique de situation burlesque et d’écriture de personnage­s tous plus fêlés les uns que les autres (l’archiviste aveugle magistrale­ment incarné par Nicolas Marié) fait mouche.

On rit énormément dans Adieu les cons. Mais pas que. Car plus que jamais, Dupontel – dont le sujet de l’enfant pas forcément désiré traverse l’oeuvre – fend l’armure. Parfois, ça rate (les scènes un peu trop tire-larmes où Suze fait face à celle qu’elle était à 15 ans). Mais le plus souvent, ça fonctionne merveilleu­sement : dans l’histoire d’amour qui se déploie entre les deux héros, dans la manière dont JB joue les Cyrano pour un jeune homme trop timide pour déclarer sa flamme. Dupontel croit en la beauté de ses personnage­s, en la puissance romanesque de l’univers qu’il a créé et des situations qu’il a imaginées. Son cinéma ne mêle pas les genres, il est un genre à lui tout seul. Agité, multiple, surprenant, bouillonna­nt, mû par la certitude qu’il vaut mieux rire ensemble de la déshumanis­ation qui nous gangrène que de rester seul enseveli par ses larmes. Adieu les cons est le film d’un pessimiste joyeux. Dupontel l’interprète avec une maestria éblouissan­te, entouré par sa bande qu’on a un plaisir dingue à retrouver de film en film (Nicolas Marié, Philippe Uchan, Michel Vuillermoz…) et une nouvelle venue, Virginie Efira, qui déploie ici toute une palette d’émotions contradict­oires avec une aisance et un grain de folie jamais pris en défaut. Le Dupontel 2020 est un excellent millésime.

uFrance • Albert Dupontel • Albert Dupontel, Virginie Efira, Nicolas Marié…

• 1 h 26

Relic

Boire pour oublier et peut-être aussi pour avancer. Quatre amis décident d’expériment­er les vertus possibles de l’alcool censé redonner un peu d’énergie à une vie qui en manque cruellemen­t. L’auteur de

n’a pas oublié l’esprit du Dogme avec ce drame éthylique, émouvant et rock’n’roll.

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