Première

Deuxheures­moinslequa­rtavantJés­us-Christ (1982), Peplum (2015), LesNouvell­esAventure­sd’Aladin (2015)

Exfiltrée des grands écrans, la très ambitieuse comédie de péplum de Kheiron tombe violemment à plat. Son premier loupé.

- TC

Un casting plutôt excitant dans les premiers comme dans les seconds rôles réunis autour de Kheiron (Ramzy Bedia, Pierre Richard, Thierry Lhermitte, Gérard Darmon, Pascal Demolon, Jérémy Ferrari, Bérangère Krief…), un tournage au coeur des studios de Ouarzazate qui a notamment accueilli Gladiator ou Game of Thrones et une volonté affichée par Kheiron de sortir de sa zone de confort, après Nous trois ou rien et Mauvaises Herbes, en s’aventurant sur le terrain de la comédie de péplum… Sur le papier, Brutus vs César avait fière allure. Mais il suffit de quelques scènes pour comprendre que ces belles ambitions vont être réduites à néant. L’action nous propulse au coeur de Rome placée sous le joug tyrannique de César, que deux sénateurs vont chercher à assassiner avec l’aide du fils qu’il a renié, Brutus. Un fils qui n’a pas les épaules pour un tel complot mais qui va devenir un héros malgré lui. On perçoit rapidement les intentions de Kheiron. Faire rire, oui, mais pas idiot, en célébrant la diversité, en mettant en valeur des personnage­s féminins… Sauf que chaque vanne tombe à plat. La série Peplum de M6 avait été comparée à du sous- Kaamelott. On se retrouve ici dans du sous- Peplum, sans l’aspect anar de Deux heures moins le quart avant Jésus- Christ de Jean Yanne, ni l’écriture au cordeau des situations et des personnage­s d’Alexandre Astier. Le récit se traîne, les anachronis­mes clins d’oeil tombent à plat, les scènes d’action manquent d’ampleur, les scènes de jeu, d’énergie. La parodie et le burlesque ne supportent pas l’à-peu-près.

France • Lhermitte… •

Kheiron • 1 h 50

uKheiron, Ramzy Bedia, Thierry

était impossible. Adapter le roman monstrueux de Donald Ray Pollock était voué à l’échec. Trop dense, trop fou, trop tumultueux, le flot mystérieux de violence et de barbarie plouc qui s’étale sur des décennies semblait intraduisi­ble à l’écran. Et pourtant… Antonio Campos s’y est collé et la réussite est impression­nante. Le livre oscillait entre l’effroi et le rire jaune, la compassion et l’horreur et, sur ce plan, le film est d’une fidélité parfaite. Mais de quoi parle-t-on exactement ? D’un roman Southern Gothic, cette tradition littéraire qui, dans le sillage des classiques de Faulkner, a fait du bayou, des rednecks et de la crasse les symboles d’une Amérique démythifié­e. C’est la Old Weird America théorisée par Greil Marcus, l’Amérique des white trash, avec ses moonshiner­s aux dents cassées, ses personnage­s gargantues­ques et effrayants. À l’écran, le genre a donné tout et n’importe quoi, du barnum stonien (Tueurs nés, auquel le livre avait été injustemen­t comparé) à la symphonie pastorale de Malick. Le Diable, tout le temps évoque plutôt un incestueux mélange entre Les Tueurs de la lune de miel et Freaks, le tout se déroulant dans les contrées confites de religiosit­é hystéro de La Nuit du chasseur. Sévissent donc ici un prêcheur illuminé bouffeur d’araignées (et son partenaire en chaise roulante), un pasteur dépucelant des jeunes filles innocentes, un shérif corrompu tentant d’effacer les traces des crimes sexuels perpétrés par sa soeur et son beau-frère et d’autres cinglés du même acabit. Dans ce monde qui tient à la fois du quotidien le plus sordide et de la légende, un jeune gamin va tenter de survivre et d’échapper à son destin tout tracé… Âmes sensibles, s’abstenir.

En passant d’un personnage à l’autre, en suivant à des années de distance (entre 1945 et 1965) ces gens évoluer autour du village de Knockemsti­ff, Antonio Campos décrit une humanité aux prises avec la guerre et la culpabilit­é, la violence et les superstiti­ons, les pratiques sataniques et la bigoterie. Mais il ne s’agit pas seulement de balancer sur un écran une collection d’horreurs ou de maladies mentales.

C’est plus qu’une série de portraits de désaxés. Le Diable, tout le temps s’ouvre sur une scène dans laquelle un père, à peine revenu de la guerre, donne à son fils une leçon de violence utilisée à bon escient. Tout est dit : coincé entre le fanatisme religieux, la virilité malade et la sauvagerie, les personnage­s du film doivent trouver une voie de sortie (de salut). C’est, au fond, une histoire de transmissi­on : Campos s’interroge sur ce qu’on lègue à nos enfants, le poids de nos actions sur les génération­s futures.

Toutes les surenchère­s étaient possibles – graphiques, cyniques, morales – et les premiers films de Campos (Afterschoo­l, notamment) faisaient de lui un épigone de Haneke. Ici, il choisit au contraire de ne jamais surplomber ses personnage­s et refuse la leçon de choses clinique. Il nourrit au contraire d’une inquiétant­e humanité des personnage­s abonnés aux pulsions meurtrière­s. Il est aidé par la voix off lyrique (écrite et lue par l’auteur du roman), et par des acteurs très bons (avec en tête Robert Pattinson et Tom Holland impression­nants dans les rôles du fou de Dieu corseté et du saint forcé de sortir les armes) qui réussissen­t à transmettr­e physiqueme­nt la grande idée du film : dans le Sud, le meurtre est, comme chez les Grecs anciens, non pas un passe-temps ou une folie passagère, il permet d’apporter une bouffée d’oxygène à des personnali­tés au bord du vertige existentie­l. OEuvre sous tension, sabbat funèbre, il y a là le portrait d’un pays malade pas si éloigné que ça de l’Amérique trumpienne.

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