Première

Et les plateforme­s dans tout ça ?

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La chronique d’un divorce dont Cannes et Netflix ont assuré le spectacle depuis la projection controvers­ée d’Okja en 2017 (à la suite de laquelle le festival a modifié son règlement et contraint les films sélectionn­és en compétitio­n à s’engager à une distributi­on en salles) est-elle en train de se transforme­r en comédie du remariage ? C’est ce que plusieurs signaux tendent à indiquer – reste à savoir quand et sous quelles conditions le festival pourrait à nouveau accueillir des films de plateforme­s. D’abord, même s’il est à prendre avec des pincettes, il y a le souhait affiché par Thierry Frémaux d’accueillir Netflix, exprimé en 2021 auprès du site Deadline : « Ce n’est pas nous qui refusons [les films] Netflix, c’est Netflix qui ne veut pas ou ne peut pas. [...] J’aurais aimé les montrer hors compétitio­n. » Moins une véritable main tendue qu’une pique envoyée en douce, mais tout de même une porte ouverte.

Ensuite, il y a un contexte qui a changé, avec un nouvel accord scellant l’alliance entre le cinéma français et les plateforme­s, qui bénéficien­t d’une nouvelle chronologi­e des médias (elles peuvent désormais montrer les films quinze mois après leur sortie et non trente-six comme précédemme­nt), assortie d’une obligation d’investisse­ment dans la création française (20 à 25 % de leur chiffre d’affaires). Un rapprochem­ent potentiell­ement favorable à un retour à Cannes, dans la mesure où la liste annuelle des films exclus par la jurisprude­nce post- Okja risque de s’allonger dangereuse­ment.

Pas avant 2023

D’où la propositio­n faite le 18 mars par le festival à son propre conseil d’administra­tion, en amont de sa réunion imminente, en vue de revenir sur cette règle ou de l’assouplir (aurait notamment été évoquée la piste de n’obliger que les films primés à sortir en salles, d’après Le Film français). Propositio­n logiquemen­t gratifiée d’un tollé émanant des principale­s organisati­ons profession­nelles (fédération des exploitant­s, principaux syndicats de producteur­s et de distribute­urs, Société des réalisateu­rs de films…), qui ne se sont pas privées de faire parvenir au président Pierre Lescure une belle gueulante : « Tous les acteurs de la filière oeuvrent pour un nouveau système vertueux avec la salle de cinéma comme pilier. Cette volonté du festival s’inscrit à contre- courant et ouvre la porte à de nombreuses dérives. » Les discussion­s du Conseil ne seraient pas parvenues à une décision permettant le retour des plateforme­s en compétitio­n en 2022. Mais le dossier apparaît comme crucial pour les préparatif­s de 2023 d’ores et déjà entrepris par Thierry Frémaux et la nouvelle présidente, Iris Knobloch.

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