Première - Hors-série

PARANOÏA

- YAL SADAT

Jamais à une expériment­ation près, Soderbergh tire d’une plongée réaliste en asile psychiatri­que un survival d’horreur aux accents théoriques.

C’est presque un cliché, vieux comme Shock Corridor ou Vol au-dessus d’un nid de coucou : le héros se retrouve interné dans un asile psychiatri­que alors qu’il est a priori sain d’esprit, puis entre dans un engrenage brouillant les frontières entre raison et folie. Sauf que Steven Soderbergh tire de ce canevas confortabl­e une expérience retorse dont le spectateur, doucement encamisolé, est en fait le principal jouet. Traumatisé­e par un stalker, la jeune cadre dynamique Sawyer Valentini (Claire Foy) consulte un psy pour soigner ses épisodes paranoïaqu­es. Signant une décharge par erreur, elle est retenue un jour dans une clinique dont l’un des infirmiers n’est autre que... son fameux harceleur, grand type spongieux aux airs de nounours faussement inoffensif. À moins qu’il s’agisse d’un sosie ? D’une sévère hallu? De cette simple hésitation découle un thriller dont la malice consiste non pas à refuser de trancher quant au diagnostic de l’héroïne, mais plutôt à superposer les hypothèses : Sawyer est certes parano, mais le danger criminel semble bien réel. De quoi produire un mélange d’odyssée mentale et de survival en milieu hospitalie­r, dans lequel Soderbergh ménage au public une place insolite. Filmant à l’iPhone ce théâtre kafkaïen, il travaille l’immersion documentai­re (le moindre champ-contrecham­p donne l’impression d’être enfermé là, devant un plateau-repas et avec un cocktail de tranquilli­sants dans la panse), mais pour mieux dérouler une série B d’horreur qu’on soupçonne à chaque instant de nous mener – en bateau ? – jusqu’à la froideur asphyxiant­e d’une cellule capitonnée.

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Claire Foy

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